Encore une nouvelle chronique de
Paradise Lost vont sans doute me rétorquer moult personnes qui vont aussi penser que je fais un blocage sur ce groupe, et je ne pourrais pas leur répondre le contraire, puisque cela fait un quart de siècle que je bloque sur ce groupe. Mais rassurez-vous, ce sera la dernière de la série depuis mon arrivée en ces lieux, jusqu’au prochain album sans doute, mais j’ai décidé de terminer par le commencement avec ce premier album des Anglais, séminal à plus d’un titre. Mais avant de dire pourquoi, un petit retour en arrière s’impose, me semble-t-il. Le vingt six février mille neuf cent quatre vingt huit, cinq jeunes anglais donnèrent naissance à un groupe qui allait rester dans les annales du metal:
Paradise Lost. C’est même lors de cette session où ils composèrent leur toute première chanson. Le groupe enchaîna rapidement l'enregistrement de plusieurs démos,
Morbid Existence et
Paradise Lost, parues la même année, et l’excellente
Frozen Illusion sortie l’année suivante et qui a valu la signature du quintet d’Halifax chez Peaceville. Le quintet alla rapidement s’enfermer dans les fameux The Academy Studios sous la houlette de Hammy pour enregistrer ce premier album,
Lost Paradise, en décembre mille neuf cent quatre vingt neuf.
L’acte de naissance du doom death metal, voilà ce qu’est tout simplement ce
Lost Paradise. Bien évidemment, l’on va me rétorquer qu’avant eux il y avait eu l’unique album de
Dream Death, - mais l’on reste chez les américains dans une continuation de
Celtic Frost en plus ralenti -,
Necro Schizma, - mais cette formation n’a sorti que des démos en mille neuf cent quatre vingt neuf -,
Winter, - mais leur unique démo est sortie après les deux premières des Anglais et le trio allait enregistrer son unique album quelques semaines après la sortie de ce premier album -, ou bien encore
Disembowelment, - mas la première démo des australiens est sortie six mois après ce disque -, et l’on me citera aussi
Severed Survival d’
Autopsy, mais c’est un album purement death metal, avec de temps à autres de gros ralentissements, ou bien encore
Asphyx, mais
The Rack ne sortira qu’un an plus tard. Désolé d’avoir fait long, mais c’est souvent un débat sans fin, et sans fonds d’ailleurs, chez les exégètes du doom metal qui, dénigrant souvent l’évolution des Anglais par la suite, répugnent fréquemment à dire que le premier véritable album de doom death metal de l’histoire n’est autre que ce
Lost Paradise. Tout simplement parce que le quintet a été le premier à allier des éléments propres au death metal, tels que les growls, des passages à la double pédale et les accélérations, à des éléments doom metal, notamment sa lourdeur et sa lenteur caractéristiques, en droite lignée des groupes fondateurs des années quatre vingt.
Mais surtout, ce que l’on constate, si l’on devait faire une comparaison avec
Autopsy ou bien encore
Obituary, c’est que
Paradise Lost avait décidé de bien ralentir le tempo, globalement plus lent, même si les titres ne sont pas non plus linéaires, exception faite du magistral
Rotting Misery, et à l’époque, seuls leurs compatriotes de
Cathedral jouaient bien plus lentement. Il faut dire que le quintet met ici en évidence certaines des ses influences, dont les trois « C » comme ils aimaient à le rappeler dans certaines interviews au début des années quatre vingt dix:
Candlemass,
Celtic Frost et
Carnivore, avec bien entendu d’autres. Évidemment, l’on retrouve aussi des influences communes et des parallèles avec les groupes de death metal citées plus haut et notamment dans la façon de jouer et d’exécuter les choses. En cela, l’on retrouve bien sûr des points de rattachement avec la scène death metal qui allait entrer à son apogée à ce moment précis. Toutefois, il n’est pas non plus question uniquement de power chords de la part de Mackintosh et Aedy, ou bien encore de passage en palm-muting, puisque l’on retrouve très fréquemment des riffs joués notes à notes, comme on le retrouvait fréquemment chez
Candlemass et
Saint Vitus, pour ne citer que des influences évidentes, auxquelles il faut rajouter celle de
Trouble, pour ce côté plus complexe des titres et leurs côtés non linéaires. Non linéaires, car les Anglais ne jouent pas seulement que lentement, les tempi changent ici très fréquemment entre passages mid-tempo comme sur le titre
Paradise Lost, ou bien plus rapides avec des blasts, comme c’est éloquemment le cas sur
Our Saviour. Et ce qu’il y a de jouissif avec ce disque, c’est que l’on passe très souvent du coq à l’âne, où un ralentissement vient souvent après une partie où l’intensité monte, quand le groupe ne vient pas poser un break avant de repartir de plus belles, quand ce n’est pas l’inverse et où ça pétarade quelques moments, avant de retomber dans la léthargie.
Évidemment que toute ceci est parfois un peu pataud, que les transitions sont de temps à autres assez abruptes, mais je vous parle d’un temps où les enregistrements ne devaient pas forcément se faire au métronome et avec d’autres assistances technologiques, - surtout lorsque l’on voit à quoi ressemblait cette première version des studios Academy où furent enregistrés une pléthore de classiques du doom death metal, voire du doom metal -, mais il n'en demeure pas moins qu’en terme de structures et de compositions, c’était loin d’être linéaire. Et puis le groupe tentait déjà des choses, comme ces quelques lignes de claviers aux sonorités funestes sur
Deadly Inner Sense ou
Breeding Fear, ce glas et ces notes de piano sur
Rotting Misery, et même du chant féminin sur
Breeding Fear, où l’on sent bien poindre sur ce titre toutes les aspérités mélodiques que va prendre le groupe par la suite, avec cette mélodie de guitare qui ressort tellement du lot, au même titre que l’instrumental
Lost Paradise. Et l’on doit se dire que c’est quelque chose qu’ils allaient continuer de faire par la suite. Ce qui frappe évidemment, et en dépit du mépris affiché parfois par ses propres géniteurs, c’est que cet album a bien l’essence même de ce que doit être le doom death metal: pas seulement une juxtaposition entre l’un et l’autre des deux courants, mais une synthèse des deux éléments pour en faire un style à part entière. En cela, il y avait déjà une plus value dans les riffs présentés par les deux guitaristes, qui ont du marqué tant de groupes, et qui sont tellement puissants et excellents, malgré leurs simplicités, je pense notamment à ceux de
Rotting Misery. Oui, c’est le plus souvent rampant et tourbeux, mais il se dégage vraiment quelque chose de ces quarante minutes.
L’ambiance, voilà bien quelque chose qui se détache de cet album, en dehors de son originalité. Cela commence d’ailleurs avec une introduction un peu ambiant et assez inquiétante, qui nous met directement dans le ton: ce sera froid et funèbre tout le long de ce disque. Et les seules paroles prononcées à la fin du titre, ou plus précisément chuchotées, - « Where is your god now? », - et présentes aussi sur
Our Saviour -, donnent aussi bien le ton des paroles de ce disque, de son aura, et nous rappelle que le patronyme du groupe est en hommage au long poème épique de John Milton. La suite, ce ne sera qu’un enchaînement de titres aux atmosphères assez lugubres, où il n’y a pas de lumière qui ressort de ce tout cela, mais un sentiment de désolation et d’abandon, comme si tout était foutu d’avance et qu’il n’y avait pas d’espoir sur cette terre désolée, et encore moins de déités vers lesquelles se raccrocher. Même lorsque le groupe se permet un court instrumental pour nous faire souffler, il n’en ressort qu’un sentiment de désespoir, comme si les deux guitaristes avaient voulu faire leur marche funèbre ou bien la bande son d’Êve et d’Adam chassés de l’Eden et errant dans le Nod. Oui, il y a tout ceci dès ce premier album. Et évidemment qu’en plus du côté funeste qui ressort des harmonisations de Mackintosh, et même de ces bends, - peut être encore un peu vert par rapport à ce qu’il fera quelques mois plus tard -, il y a les growls de Nick Holmes. Bien caverneux et décharnés, même s’il n’a pas forcément le coffre de nombreux de ses contemporains, il a toutefois ce côté misérabiliste dans son chant qui donne un cachet unique à ces compositions et cadrent parfaitement avec l’ensemble. Surtout, il y insuffle beaucoup d’intensité et d’humanité finalement, de sorte qu’ils sont loin d’être monocordes et lassants.
Voici donc tout ce qui fait le charme de ce premier album de
Paradise Lost, en dépit de ses quelques défauts, j’emploierai plutôt le terme de scories, mais qui n’en sont pas réellement car c’est aussi cela qui fait le charme de cette réalisation, son côté non poli et on ne peut plus rugueux. Nous avons ici un véritable album de doom death metal, le premier de l’histoire dois-je le rappeler, avec cette ambiance unique et ses compositions mémorables. Tout n’est pas parfait, c’est une évidence même, mais pour autant il y a sur ce
Lost Paradise quelque chose d’à la fois sincère, de bien exécuté dans l’ensemble, et de réellement glauque dans le rendu pour susciter l’attention, même en cette période où bon nombres de formations ayant le vent en poupe ne font que reprendre une partie de ce legs laissé par Nick Holmes et consorts. Ce disque est tellement séminal que l’on pourrait presque oublier que les Anglais enchaînèrent classiques sur classiques par la suite , avec à la clef d’autres pierres angulaires stylistiques, et ne semblent pas avoir perdu leur inspiration trente ans plus tard. C’est peut être son plus gros défaut: être sorti avant
Gothic,
Shades of God,
Icon et
Draconian Times. Et pourtant, malgré ses trente années bien tassées désormais, ce premier album reste toujours aussi fabuleux aussi bien parce qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse où les musiciens jouent avec leurs tripes et sans arrières pensées, mais aussi parce qu’il contient déjà les germes d’un futur très grand nom pour la scène metal, tout simplement.
Lost Paradise n’est certes pas parfait, mais il renferme suffisamment de bonnes choses, que ce soient les compositions ou son ambiance unique, qu’il serait dommage de ne pas s’y intéresser, même aujourd’hui, car il demeure, à plus d’un titre, un maître étalon du doom death metal.
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