Paradise Lost - Obsidian
Chronique
Paradise Lost Obsidian
Entre Paradise Lost et votre humble serviteur, c’est une histoire qui a commencé il y a un quart de siècle avec la découverte du groupe par le biais de l’excellent Draconian Times, une découverte qui allait me chambouler car elle fut synonyme de porte d’entrée dans quelque chose de plus lent et de plus mélancolique par rapport à ce que j’écoutais à l’époque, et, surtout, fut le début de mon amour inconsidéré pour le doom metal, et notamment sa déclinaison anglaise avec le fameux trio de Peaceville. Ce n’est d’ailleurs pas anodin que lorsque le groupe était passé dans ma ville à la sortie de Tragic Idol, j’avais offert à Greg Mackintosh un exemplaire d’un disque de la formation dans laquelle je jouais car c’était l’une de nos plus grosses influences. Et c’est ainsi que j’ai toujours suivi les Anglais au grès de leurs évolutions, souvent très surprenantes, et de voir le groupe, après avoir atteint une ligne de crête, revenir peu à peu vers leurs amours métalliques durant la décennie des années deux mille, voire même de revenir à leurs premières amours, - et en cela la crise de la quarantaine de Nick Holmes avec Bloodbath et de Greg Mackintosh avec Vallenfyre aura été salvatrice - avec les excellents The Plague Within et Medusa. Et cette chaîne qualitative n’a pas été brisée avec le présent Obsidian.
Si l’on pouvait faire un parallèle entre Medusa et Shades of God, notamment dans le caractère plus complexe des compositions, l’on pourrait cette fois faire un parallèle entre Obsidian et Icon, tant les aspérités mélodiques et même gothiques sont mises en avant sur cet album. D’ailleurs, il n’était pas anodin de voir les deux tauliers du groupe mettre cette facette en avant dans les vidéos promotionnelles annonçant la sortie de ce seizième album. L’on retrouve ainsi quelques agréments tels que piano et cordes frottées sur certaines compositions qui viennent donner justement cette touche gothique, je pense notamment à cette très belle ouverture d’album qu’est Darker Thoughts ou bien encore sur Forsaken. Il y a ainsi sur l’entièreté de cet album cette espèce de noblesse qui a toujours fait de Paradise Lost un groupe à la fois austère et en même temps majestueux, mais sans grandiloquence. Cette facette gothique et mélodique se retrouve également dans de nombreux plans de guitares, que ce soient dans ces nombreux arpèges, avec un peu de chorus, ou certaines lignes mélodiques, dont Greg Mackintosh et Aaron Aedy ont toujours eu le secret depuis l’album Gothic. Évidemment que dans ce registre, les anglais n’ont pas grand chose à prouver, mais ils font encore une fois montre d’un certain talent et d’une justesse dans l’écriture. Et je pense qu’un titre poignant comme Ending Days pourrait être une belle démonstration de cette facette des Anglais sur ce Obsidian, ou bien encore Hope Dies Young.
Si Medusa comportait des titres plus alambiqués et donc plus longs, je pense notamment au fabuleux Fearless Sky, ici, l’on retrouve un Paradise Lost plus direct et retrouvant une certaine concision concomitante avec une certaine efficacité, et c’est en cela que l’on peut poursuivre ce parallèle avec Icon. Ainsi l’album regorge de titres entêtants, dont le single Fall From Grace ou Ravenghast, l’exception à cela étant The Devil Embraced. Il faut dire qu’en dépit des années, je reste toujours aussi subjugué par le non tarissement de l’inspiration de Greg Mackintosh aussi bien pour cette collection de riffs vraiment excellents que pour tout son travail mélodique et d’harmonisation. Et bien évidemment, c’est toujours aussi excellent pour ce qui est des soli, j’ai toujours trouvé qu’il était sous estimé en tant que soliste, mais pour quelqu’un qui a « grandi » en écoutant en boucle les premiers albums du groupe, c’est toujours autant un régal que de l’écouter sur cet album. C’en devient presque beau à pleurer tellement cela touche toujours droit au cœur, et que, surtout, le groupe sait très bien ralentir le tempo quand il le faut, rappelant à tout le monde d’où il vient. C’est même très plaisant de retrouver ces riffs simples mais ô combien efficaces, renforcés sans doute par un judicieux emploi de la fameuse HM2, tant cela bave à quelques instants bien comme il faut. D’ailleurs, il est à souligner que la production de Jaime Gomez Arellano rend encore justice au groupe, avec une batterie qui sonne très naturelle mettant en avant le talent du jeunot Waltteri Väyrynen et surtout une basse qui est enfin audible, ce qui n’a pas toujours été le cas chez ce groupe.
Il ne faudrait pas pour autant en penser que si les attraits mélodiques ont été mis en avant que le groupe a délaissé sa part extrême de côté, celle qu’il a justement remise en avant depuis The Plague Within. C’est d’ailleurs le cas ne serait-ce que pour le chant de Nick Holmes qui se partage à part égale entre chant clair et growls. Si les growls de Old Nick ne font pas l’unanimité, parce qu’il n’a pas le coffre d’autres hurleurs, et qu’il emploie une technique un peu différente pour ceux-ci, il possède tout de même un cachet qui le rend bien plus désespéré et décharné, et je trouve qu’il a encore fait des progrès en la matière. Et ce qu’il y a de bien avec cet album, c’est qu’il alterne ce type de chant avec du chant clair au sein même des compositions de manière assez équilibré, mais donnant aussi un côté assez puissant à l’ensemble. Et pour ce qui est de son chant clair, là aussi, l’on constate que c’est fait avec justesse, avec des intonations bien misérables, comme si le poids des ans n’a fait qu’accabler cet homme qui s’interroge toujours autant sur le sens de la vie, avec toujours autant de pessimisme, les titres des chansons étant on ne peut plus éloquents. Car c’est bien ce qui caractérise ce Obsidian et qui le rend aussi captivant, c’est qu’il renvoie à quelque chose d’assez profond et de toujours aussi désespéré. Comme une fatalité qui pèse sur nous en tant qu’humain et qui nous renvoie, encore une fois, au long poème épique de John Milton auquel les hommes d’Halifax ont choisi de porter le flambeau depuis trente deux ans. C’est bien simple, il y a encore une fois une empreinte terne et grisâtre, mais avec toute la palette du gris, sur cet album, même si l’on sent bien que l’on n’a plus envie de se démener comme dans le passé et que l’on accepte cette condition d’hommes condamnés, - doomed si l’on traduit dans la langue de Shakespeare.
Ainsi, je peux encore une fois me dire que Paradise Lost a sorti un excellent album et ne cesser de penser que ce groupe a non seulement été séminal de bien des manières, a su se renouveler et même se recréer et est toujours capable de nous souffler avec un album de la trempe d’Obsidian, au titre ô combien évocateur de son contenu. L’on pourrait objecter que Paradise Lost a fait un nouvel album de Paradise Lost, et que celui-ci reste dans la continuité de deux précédents, mais c’est déjà une prouesse en soi d’avoir une telle qualité après tant d’années, là où souvent cela s’étiole chez des groupes aussi vieux. C’est appréciable d’avoir un album aussi bien équilibré entre riffs plombés, mélodies capiteuses, alternance entre les chants, avec cette touche mélancolique qui sera toujours le plus bel étendard du quintet, notamment dans la sincérité de son propos. Il n’y a d’ailleurs pas de remplissage dans cet album, à l’ancienne si je puis-dire, car dans sa version normale il excède à peine les trois quart d’heures, toutefois, je ne saurais conseiller la version digipack car les deux bonus présents dessus sont excellents, notamment ce riff harmonisé à l’ancienne sur Hear the Night. Si cet album saura ravir les vieux fans de Paradise Lost comme je le suis, je pense qu’il pourrait plaire à celles et ceux qui ont suivi leur discographie de plus ou moins loin et à toutes personnes recherchant une excellente réalisation racée faisant le pont entre doom death metal et gothic metal, le tout avec cette classe inhérente aux Anglais et cette profondeur que l’on ne retrouve pas forcément chez la concurrence. Noir comme de l’obsidienne et aussi inexorable qu’une coulée de lave, Obsidian fait partie des plus belles sortie de cette année deux mille vingt.
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