Mortality Rate - You Were The Gasoline
Chronique
Mortality Rate You Were The Gasoline (EP)
Rendre hommage à un être cher est une tâche aussi délicate que personnelle. Nous vivons tous la perte et le manque à notre façon. Chez Mortality Rate, on n’est pas très branchés marbrerie et stèles ornées de colombes blanches. Peut-être qu’à Calgary, la coutume est de pondre un EP d’une violence inouïe, d’enregistrer 10 minutes de haine pure. Qui sommes-nous pour juger ? S’ils ont besoin de vaincre le mal par le mal, alors grand bien nous fasse car You Were the Gasoline, enregistré pour Evan Cole Shaw, regretté membre actif de la scène de l’Alberta, fera date. Avant même de poursuivre, je vous invite à aller voir les vidéos de Scoped Exposure (sorte de Hate5six canadien) lors du show hommage pour palper l’émotion que ce malheureux événement a déclenché.
Honnêtement, rares sont les groupes qui arrivent autant à capturer la fureur. Dès la fin de l’intro, sorte d’éloge funèbre au piano, le son devient abrasif et ne vous lâchera pas. Jamais. You Were the Gasoline fait partie de ces enregistrements qui ne vous laissent pas de place, tout juste une fenêtre pour cligner des yeux et reprendre votre souffle. Quand ça n’est pas la caisse claire qui vous martèle entre les omoplates, c’est la guitare qui vient vous taillader. Le mix est tellement optimal qu’on entend la basse ! Et cerise sur le gâteau, la voix. Je dois confesser mon biais ici, j’ai un faible pour les voix très haut-perchées, hurlées sans retenue, sans fard, ce qui rend les voix féminines idéales pour moi. Jess nous propose le haut du panier en terme de prestation vocale : des vocaux habités, avec juste ce qu’il faut de variation pour ne pas lasser et une hargne tout simplement prodigieuse. C'est bien simple, « Roses » me fait le même effet qu’un Verse, Defeater voire même certains groupes de screamo… sauf qu’ils ne jouent pas un metalcore dont les breaks ne respectent pas la convention de Genève.
Pour la forme, je pense que je pourrais difficilement être plus clair : sortez les protège-dents. Maintenant, dans le fond, qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir à nous dire en si peu de temps ? Là encore, la sentence est sans appel : hormis « Roses », l’hommage, le propos est colérique et revanchard. Rien de très surprenant finalement, quand bien même les touches personnelles sont légion et bienvenues. On retrouve assez peu d’angles politiques au sens propre du terme chez les canadiens, tout est bien plus viscéral. Il ne serait pas délirant de supposer que « Selfish Thieves » traite d’écologie et de nos sociétés industrielles mais rien n’est nommé, l’auteure ayant préféré transcender tout cela par une haine aveugle et englobante : « Our oldest tradition is genocide / A plague is what we need / We are the disease / Disease roaming free », pour illustrer un peu la décharge émotionnelle. Il est d’ailleurs intéressant de retrouver ce type d’écriture dans le nouveau projet World of Pleasure, estampillé « vegan straight edge » donc beaucoup plus concret.
Une image valant mieux que mille mots, je laisse ici la place à Madi Watkins (bassiste / vocaliste chez Year of the Knife) dont la pochette représente à merveille le contenu de la galette. Cet EP est tout simplement un sans-faute qui a su piocher dans le punk, le hardcore et le metalcore tout ce qu’il fallait pour exprimer, relâcher et surtout décharger quiconque s’y aventurera. Si après ça, vous continuez à vous satisfaire d’orgues dans des églises miteuses et de prêtres qui crachotent dans des micros mal réglés, je ne sais plus quoi vous dire !
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