Precaria - Nigraluminiscencia
Chronique
Precaria Nigraluminiscencia (Compil.)
C’est beau, hein ? Rien de plus normal, ça sort chez I, Voidhanger Records. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans ces pages, mais l’écurie transalpine continue, petit à petit, de se hisser au sommet, rejoignant les labels à suivre de très près. L’usine à flatter la rétine (et les tympans) de Luciano Gaglio continue de nous régaler, toujours à la recherche de nouvelles pépites à mettre en lumière. Esoctrilihum, Thecodontion, Cosmic Putrefaction, Neptunian Maximalism, Herxheim, Ysengrin, Mystras, Onirik, Cosmovorous… Déjà pas mal de belles sorties pour cette année, non ? Alors non, tout n’est pas parfait, certains disques frôlent même carrément le mauvais (les bizarreries de Xythlia, -S- ou l’ambient marque distributeur signé At The Altar Of The Horned God), mais on ne peut que reconnaître la fidélité avec laquelle le label se tient à sa ligne de conduite. Et parmi sa dernière fournée, c’est cette compilation de Precaria qui remporte mon suffrage.
Oui, "Nigraluminiscencia" est une compilation, un format que j'ai tendance à bouder en temps normal, mais qui tombe à point nommé : elle regroupe les deux dernières manifestations du one-man band Mexicain, à savoir "Metamorphosphoros", split de 2018, partagé avec Dominus Ira et Deathspiral of Inherited Suffering (à vos souhaits); ainsi que "Theosulphuros", avec Ôros Kaù cette fois-ci, qui sortira le mois prochain. Pas envie de payer deux galettes ? Comme je te comprends. D'autant que sur chacune d'entre elles, c'est bel et bien Precaria qui sort nettement du lot. Un groupe à découvrir, un pressage LP digne de ce nom, une peinture de l'excellent Elijah Tamu à admirer et tout un label à soutenir, pourquoi se priver ?
Pour être honnête, je prends ce "Nigraluminiscencia" comme un full-length à part entière. Si l'on peut noter un petit effort sur le son et une belle évolution des compositions sur la seconde partie de l'objet, l'ensemble reste très homogène, et l'écoute se déroule sans accroc notable... Pour peu que l'on parvienne à retrouver son souffle. Car l'introduction est trompeuse, ces toms tribaux et ces riffs rampants laissaient entrevoir une énième sortie de Black Metal vaguement atmosphérique, sans réel intérêt. Perdu ! Le créneau de Precaria, c'est plutôt la vitesse, le pied au plancher, la brûlure au troisième degré. La faute à son cru sans être inaudible, certes, mais surtout au rythme effréné des deux batteurs qui se partagent l'affiche : Discordia sur les quatre premiers titres, et surtout l'inénarrable Bestia (Absentia Lunae, Prison of Mirrors, Defacement)... Qui prennent un malin plaisir à se faire passer pour des boîtes à rythme. Cette caisse claire en forme d'attentat sonore, cette grosse caisse qui n'a pas peur de prendre ses aises, et surtout, cette précision dans la rapidité d'exécution, accentuent un peu plus le rendu brut de forge de la production, et des compositions qu'elle habille.
"Nigraluminiscencia" a beau afficher une belle petite durée, et ne jamais hésiter à prendre son temps (les titres oscillent entre 4 et 12 minutes), pas moyen de déceler le moindre ventre mou qui pourrait sortir l'auditeur de l'impressionnant brasier dans lequel Precaria le plonge. C'est qu'il sait varier les plaisirs ! Si les 4 premiers morceaux de la galette sont menés au pas de course, on y trouve tout un tas de petites trouvailles qui font immanquablement pousser des "Poh-poh-poh..." face aux enceintes : les guitares sentencieuses, presque sinistres, qui entament "Traficando los Órganos de la Iglesia", cette rythmique toute en cassures de "La Obra Negra Deicida", ce chant si particulier, déclamatoire, qui pourrait finir par taper sur le système mais colle à merveille au ressenti global... On cherche à reprendre pied et à remonter, et pourtant, la seconde moitié du disque (la deuxième face du LP) va venir enfoncer un peu plus le clou. Car sur la seconde moitié de l'obus, Precaria prend l'auditeur à revers en dévoilant un visage moins véloce, presque plus plaisant à écouter. On sort de la fournaise pour entrer dans la transe. Bestia, un peu moins nerveux que son compère (même s'il nous réserve de belles et fracassantes envolées), varie un peu plus son jeu, de rebonds sur cymbales en breaks casse-nuques, complimentant des apports mélodiques qui font immanquablement mouche, aux cordes comme aux claviers (suffisamment discrets pour être appréciables). Sortir la tête du guidon pour pouvoir apprécier ce qui se joue dans le décor, finalement, c'est pas désagréable...
"Nigraluminiscencia" est à l'image des titres qu'il compile : ambitieux. Et il n'a pas peur de se donner les moyens de réussir. Mené d'une main de maître par un chef-d'orchestre rusé, qui sait ce qu'il fait et utiliser les moyens du bord (les guitares, la basse et la voix des quatre premiers morceaux ont été enregistrés au téléphone) à son avantage. En résultent des compositions longues, certes, mais qui ne souffrent ni de la durée, ni du son très brut de l'ensemble. Au contraire, ce dernier vient renforcer cette impression de grandeur, de majesté, traduite par cette superbe pochette. Du Black Metal classieux, que-dis-je, de haut-vol, pondu par un projet qui aurait largement pu se permettre d'être prétentieux - mais a préféré laisser son talent parler pour lui. A découvrir dès le mois prochain !
| Sagamore 14 Octobre 2020 - 1114 lectures |
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