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Ghostemane - Anti-Icon

Chronique

Ghostemane Anti-Icon
Je me dois d'ajouter un petit disclaimer, comme disent les Anglais : La longue chronique qui s'en vient n'est pas un règlement de comptes. C'est plutôt un abcès, laissé trop longtemps enfler, que je vais enfin pouvoir crever. Me soulager pour définitivement passer à autre chose. Entre Ghostemane et moi, c'est une longue histoire. De celles qui commencent comme un vrai conte de fée pour finir en tragédie. Mais pour comprendre où je vais, laisse moi t'expliquer un peu d'où je viens.

J'ai découvert Eric Whitney il y a quelques années (autour de 2016), un peu par hasard. Friand de rap devant l'éternel, je creusais la scène Soundcloud, qui, bien avant les médiocres sketches sur pattes pour laquelle on la retient aujourd'hui, comptait en ses rangs des artistes qui ont, à mon sens, su apporter quelque chose de frais, de neuf à un style au moins aussi policé que le Metal. Des mecs fauchés mais débrouillards, qui (sur)vivaient uniquement pour leur musique, enchaînant les featurings, les mixtapes, vendant des reposts pour se financer. Que de chemin parcouru, pour certains ! Des regrettés Lil Peep et XXXTentacion, décédés respectivement en 2017 et 2018 et devenus icônes de cette niche du rap 2.0, passant par les $uicideboy$, Post Malone, Travis Scott, Ski Mask, Trippie Redd et autres Lil Pump, autant d'artistes, plus ou moins qualitatifs, partis de rien et qui figurent aujourd'hui en bonne place parmi les plus gros vendeurs de disques du style. Et, au milieu de ces visages tatoués et de ces rimes faciles, figurait Ghostemane. Ce petit blanc maigrelet, cheveux mi-longs, portait des t-shirts de groupes bien trop pointus pour n'être que de la simple pose, ou un effet de style. Intrigué, je creuse l'affaire, m'attendant à trouver tout, mais certainement pas une telle pépite.



Voir ce gus, sa touche improbable, poser avec maîtrise et delivery en t-shirt Deicide, Death ou Full Of Hell, ou encore dédier des tracks entières à Euronymous, John Dee ou l'Inner Circle, ça surprend, et surtout ça séduit. Le coup de foudre est rapide, et intégral. De ses lyrics, autrement plus cryptiques et référencés que la tristesse adolescente de Gustav Åhr ou la sainte-trinité "Lean, putes et cash" qui représentait 95% du répertoire des MCs, jusqu'à ses prods, fortement influencées par la Three 6 Mafia et toute la scène de Memphis (Koopsta Knicca et Evil Pimp en tête), tout m'a séduit. Et pour ne rien gâcher, d'un point de vue purement et froidement technique, Ghostemane est excellent. Envoie se rhabiller les flows nasillards et traînants qui s'imposaient petit à petit. Ses premiers pas un peu balbutiants, au sein du Schemaposse ou seul ("Blunts N Brass Monkey" en 2014), son "For the Aspiring Occultist" l'année suivante, que je considère comme étant le sommet de sa discographie, ses sorties un peu moins notables mais comportant de sacrés morceaux de bravoure, je prends tout. Parce qu'Eric Whitney a réussi l'exploit de conjuguer le meilleur des deux univers : la teinte sordide et occulte des franges les plus extrêmes du Metal, la technique, le raffinement des productions et la délicieuse vibe des géants du rap, la sinistrose ambiante de Memphis en tête de file.



Le problème, c'est que la suite de ses aventures a vu les expérimentations douteuses prendre de plus en plus de place dans ses créations, au détriment de ce qui l'avait imposé comme un réel OVNI dans le genre. A partir de "Hexada", sorti en 2017 et déjà franchement moins convaincant que le reste, c'est la dégringolade. Et paradoxalement, c'est avec ces ajouts douteux, à base de tartines de Noise opportuniste, d'Indus du pauvre, de vague Neo-metal poli ("Fear Network", allégrement descendu dans nos colonnes) et de rip-offs chiants comme la mort de Nine Inch Nails, que le succès est apparu, jusqu'à devenir franchement impressionnant pour un tel artiste. Loin de moi l'idée de vouloir critiquer le fait que Ghostemane ait réussi. Il a bossé des années, prouvé sa valeur, donné à un genre une teinte hybride relativement unique. Il le mérite. Simplement, il a abandonné tout ce qui faisait le sel, la saveur glauque de ses précédents méfaits. Les productions, et la plume se sont progressivement appauvris, lissés, le bonhomme comptant plus sur la shock value simplette pour faire parler, et vendre.

Ainsi, "Anti-Icon" représente l'aboutissement logique de cette évolution. Passant d'un mystagogue lettré, féru d'ésotérisme à un hustler qui met du mascara en tentant de faire passer trois accords pour du génie, Ghostemane incarne ce que le Rap, et le Metal au sens large, peut enfanter de pire.

Ghostemane a écrit : "Anti-Icon" est le meilleur album de ma discographie. Auto-produit, entièrement réalisé par moi, sans aucun équivalent, extrême, lourd, plein d'émotion, doux, fort, qui définira ma carrière.

Un sabir promotionnel pompeux, indigeste, hautain, prétentieux (tu vois, tout le monde peut accumuler les qualificatifs histoire d'attraper les mouches par les ailes), à l'image du disque qu'il représente. Certes, il n'est pas aussi catastrophique que l'EP "Fear Network", mais reste quand même foutrement indigent, tant pour les amateurs d'un bord que de l'autre. De connaître le reste de la discographie du bonhomme ne fait, malheureusement, que rendre la pilule plus difficile à avaler.

Bâclé, torché à la va-vite, une vaste blague qui, malheureusement, se prend très au sérieux - et me rappelle, à bien des égards, les hectolitres d'encre et de sang qu'avait fait couler "Illud Divinum Insanus" . Une fois tout espoir de rédemption abandonné, l'objet aura au moins le mérite de fédérer les gens de goût autour de grands éclats de rire, tant certains choix artistiques confinent au sketch. Qu'est ce que je vous sers, Monsieur ? Une petite chute surgelée de Linkin Park avec supplément "disonnance du pauvre" ? "Lazaretto" vous plaira très certainement. Un petit bootleg Russe de la BO de Fast and Furious ? Goûtez-moi un peu l'introduction de "Sacrilege", vous m'en donnerez des nouvelles. Vous avez toujours voulu entendre un asthmatique chantonner "Lalalala" en imitant Gollum sur une production éclatée au sol ? "AI" saura trouver grâce à vos oreilles. Entendre un hommage nul à Marilyn Manson, période "Mechanical Animals", sans le talent qui va avec ? "Anti-Social Masochistic Rage [ASMR]", qui remporte haut la main le prix du titre le plus con de l'année, tous genres confondus, vous comblera à coup sûr. C'est qu'on ne sait plus où donner de la tête, bon sang ! Quand Ghostemane ne sonne pas comme un Trent Reznor rincé à la javel, il nous refait le coup de la guitare acoustique ! Sonnant plus Douglas que Pearce, "The Winds of Change" et "Falling Down" m'évoquent assez une sorte de Romain Duris leader price : vous savez, ce mec qui réclame le silence en pleine soirée pour sortir sa guitare sèche et nous chanter sa dernière compo, celle qui parle de sa vie tourmentée, sa souffrance de ne pas trouver de tabac ouvert le Dimanche après-midi, flinguant l'ambiance en même temps que les tympans... Gênant, c'est le mot.

Le plus triste, c'est que l'ancien Ghostemane, celui que j'aime et que j'ai perdu de vue, refait parfois légèrement surface. C'est son reflet que l'on devine au milieu de la cuvette, notamment sur le final de l'insupportable "Melanchoholic", reprise de l'ouverture de "Freezing Moon" de Mayhem au piano, par exemple. Non, pas de quoi se taper le cul par terre, effectivement, mais ça fait tristement sourire. De même, les titres qui tiennent plus du Rap que de la purge vaguement industrielle sont... Tout juste passables, et immédiatement gâchés par des beats sur-saturés ou de grosses guitares de beauf. À ce stade-là, trouver des qualités à "Anti-Icon" revient à tenter d'éteindre un feu de décharge avec un pistolet à eau. Et encore, je n'ai pas parlé des paroles...

Je sais que les gens évoluent, et qu'un artiste qui ne se renouvelle pas est condamné à lasser. Mais ça ne suppose pas forcément d'abandonner tout ce qui faisait ton charme auparavant ! J'ai malheureusement l'impression que Ghostemane, en cédant aux sirène du business et de l'argent ("Good for you", comme dirait l'autre), est aussi tombé dans le piège de la facilité. Après tout, pourquoi se forcer ? Quand il suffit de faire saturer ton son, torcher tes titres en vingt minutes sur FL Studio et d'aligner de la provocation juvénile en guise de lyrics pour vendre ton merch hors de prix, je me doute que le choix est vite fait... Bref, en quelques mots comme en cent, "Anti-Icon" est un disque prétentieux, sans réelle conviction, qui ne séduira guère que les auditeurs impressionnables. Entre un NIN du pauvre et un rappeur en fin de carrière, Eric Whitney a fait le pire des choix : celui de ne pas prendre de parti, de se reposer sur ses acquis. En résulte une tâche d'huile sacrément grasse qui termine de salir une discographie unique. Quelle tristesse...

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Ghostemane
Indus' éco +
2020 - Blackmage Records
notes
Chroniqueur : 1.5/10
Lecteurs : (1)  3/10
Webzines :   -

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Ghostemane
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Indus' éco + - Etats-Unis
  

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tracklist
01.   Intro.Destitute  (01:55)
02.   Vagabond  (01:54)
03.   Lazaretto  (01:53)
04.   Sacrilege  (02:21)
05.   AI  (02:54)
06.   Fed Up  (02:31)
07.   The Winds of Change  (02:40)
08.   Hydrochloride  (02:27)
09.   Hellrap  (02:10)
10.   Anti-Social Masochistic Rage [ASMR]  (03:13)
11.   Melanchoholic  (04:43)
12.   Calamity  (02:43)
13.   Falling Down  (04:40)

Durée : 36:26

parution
21 Octobre 2020

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