Quand on apprend que le label Fuck Yoga (Legion of Andromeda ; Moss ; Burmese ; Noothgrush...) va sortir un album de funeral doom, on se prépare déjà à devoir prendre une douche après l’écoute, tant le monsieur derrière nous a donné l’habitude de ne pas compter sur lui pour sortir frais et pimpant de ses différentes sorties. Mais quand, en plus, on sait que derrière Bacterium se cachent les deux tiers du
Wreck of the Hesperus, alors là, il n’y a plus d’espoir de se sentir propre à nouveau.
Notez que ce n’est pas ça que je recherche, particulièrement dans un style où les exemples de formations bien trop lisses, décevantes dans leur recherche de l’abyssal, ne manquent pas. Je me suis donc jeté sur
Sunt Lacrymae Rerum, première œuvre construite sur le temps long (deux morceaux laissés à l’écoute depuis plusieurs mois, avant d’avoir accès au résultat final) des Irlandais. Et pour qui veut un souvenir des premières expériences vers l’extrême lenteur et ses tortures aussi désuètes que psychédéliques, Skepticism et Thergothon en tête, ces trente-quatre minutes sont un délice de choix, définitivement adressé à eux et personne d’autres : chant si caverneux qu’il paraît sortir des profondeurs de la terre ; lignes de guitares comme transmises par des canaux immémoriaux ; batterie lointaine et basse rampante, glissant ses notes de son ventre énorme mais toujours affamé... Sûr qu’on n’est pas là pour prendre des poses romantiques et écrire son memento mori. L’exécution est sale, forte en gueule, jusqu’à des claviers renvoyant aussi bien aux interludes du death metal canonique qu’à un Burzum ayant goûté un mauvais champignon lors d’une de ses escapades en forêt. Urgh.
Autant dire qu’on prend son pied à l’écoute de
Sunt Lacrymae Rerum, faisant tout pour mériter son artwork de sorcier pris dans une nature foisonnante. Plus qu’une mort dans un tombeau marqué par la main de l’homme, Bacterium transmet une fuite vers l’humus, ses cris verdâtres et dévitalisés, ses mélodies de Requiem chanté par des monticules de boue (particulièrement sur les saisissants morceau-titre et « Sorites Paradox »), donnant à rêver à une mort impitoyable et inhumaine, tel un Stabat Mater délaissant le masque du boucher pour envahir l’air, les feuillages et les racines. Et ce, jusqu’à un « Tumult in the Undertow » aux atours faussement plus classiques, à la menace rappelant que l’on tient là ceux qui ont exprimé mieux que d’autres les ambiances fatalistes et cosmiques de Lovecraft avec
Light Rotting Out, des couleurs tombant du ciel sans nous donner quelconque espoir.
Psychédélique et mortuaire, cru et impalpable, suffisamment séduisant pour emporter avec lui dans des contrées aussi malsaines qu’absurdes (mais ces claviers !) malgré une durée des plus frustrantes tant on aimerait randonner plus longtemps en son sein,
Sunt Lacrymae Rerum est la dernière grande surprise de cette année, particulièrement pour qui suit, de loin mais avec toujours l’espoir de les voir revenir, cette constellation d’Irlandais décidément doués pour transmettre des sentiments morbides comme on en rencontre peu aujourd’hui (Ah ! Si seulement quelqu’un pouvait enfin sortir en dur cet album de Wreck of the Hesperus déjà tout prêt...). Ultime ironie : l’album est sorti le jour de Noël. Heureusement, il y a des cadeaux empoisonnés qu’on accepte avec bonheur.
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