Sodality - Gothic
Chronique
Sodality Gothic
Qu’est-ce que ceci ? Un album dont nul n’a entendu parler, révélé sous la bannière de Noevdia ? Une pochette intrigante, une description révélant l’implication de feu le très regretté Timo Ketola ? Mark of the Devil au chant et T. Kaos au line-up ?
C’est quoi la suite ? Eva Green va venir sonner nue chez moi ?
Notez, la mention d’Eva la (plus si) divine n’est pas entièrement saugrenue, dans le contexte. La fille de notre Marlène Jobert nationale s’est illustrée depuis quinze ans dans des productions touchant à l’esthétique « gothique », notamment sous le sceptre du très déclinant (mais aussi très décliné) Tim Burton.
D’accord, chroniqueur badin, mais mille sabords, quels foutus rapports avec l’album dont tu nous parles ?
C’est simple. Gothic, lui, ne porte pas son nom en vain. Oubliez les fantoches fantômes, les monstres émondés et autres sorcières essorées, le maquillage de fête foraine et les arbres tordus. Les choses ont été prises en main par des musiciens responsables des sublimes abominations que sont Lvcifyre, Death Like Mass et (heavy breathing) Cultes des Ghoules. Soit à peu près ce qui se fait de mieux en terme de malédictions antiques, de tombes médiévales dégoulinantes, de rituels putrides et de dévotion au Malin. Ce gothique-là, donc.
Sodality est étrange. Accès sur des tempi rampants et vicieux, les riffs désarticulés aiment à se déboîter et à dissoner cruellement tout au long de pistes étirées. Difficile de dégager de réelle structure à l’ensemble, qui s’apparente à une épaisse coulée de quelque odieux fluide profané gouttant le long d’une stèle ou d’un autel blasphématoire enfoui dans une oubliette. Souvent, les rythmes se font trompeurs, et il peut devenir compliqué de comprendre où se dirige cette odieuse visquosité, tant les partitions de la batterie et des cordes sonnent désaccordées, paradoxales. La musique de Sodality n’explose jamais en une terrible et triomphale proclamation luciférienne, les riffs ne marquent pas. Ils suintent dans l’esprit, empoissent et désacrent tout ce qu’ils touchent. L’ambiance, le ressenti global, eux, étreignent.
Les morceaux s’avèrent très évolutifs, toujours mouvants et imprévisibles. Un seul et même riff simpliste peut se voir marmonné à l’infini, jouant parfois telle ou telle note plus rapidement ou plus lentement, en trémolo ou en picking, en laissant traîner la fin ou en enchaînant de suite sur la mesure suivante… C’est la batterie qui mène la danse, sinueuse et perverse. Tout ou presque y passe, des battements doom processionnaires jusqu’aux blasts fangeux, stagnants et marécageux, en passant par des balancements sournois qui feraient presque osciller sur place, mollement. Toujours mollement. Jamais ou presque Sodality ne se pare de la moindre once d’énergie. Tout se fait en affreux glissements.
Et bien sûr, il y a cette voix. LA voix. La gorge impie de Mark of the Devil. L’organe vocal le plus marquant de tout le black metal, en ce qui me concerne. La trachée qu’hante la démence. L’exaltation du Maître se perçoit à chaque instant dans ces vocalises hallucinées. Que le damné susurre, professe, hurle, se gausse ou déclame, l’effet demeure le même. La goule suprême est inégalable. Dans ces lignes se retrouve l’effet narratif qui marque chacune de ses prestations, toujours emphatiques, presque théâtrales dans ses moments. L’association entre les pistes gluantes composées par T. Kaos et cette voix qui fait frémir toutes les croix est évidente, manifeste.
Il faut reconnaitre un mérite principal à Sodality ; celui de la noirceur. Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu quelque chose d’aussi résolument obscur et malsain, qui assume le plus hideux et s’y complaît, sans recul, sans contrepoint, sans catharsis libératrice. Les ténèbres sans fonds, la haine des radieux, les cryptes archaïques empuanties et le blasphème comme credo. La damnation, authentique.
Gothic ne se digère pas facilement. Les premières écoutes peuvent être difficiles. Il faut laisser le temps à l’album de s’immiscer en soi-même, d’exsuder à travers la faille de nos éclatantes existences sous le soleil. S’acharner devant cette matière infecte, la travailler encore, et s’apercevoir finalement que c’est elle qui nous a entamés. Un peu à la manière d’une entité comme Profanatica, tellement enfoncé dans sa noirceur grasse qu’elle en paraît inoffensive et trop peu poreuse au premier abord, mais dont la boue parvient immanquablement à vous maculer.
Noevdia ne failli jamais. Mark of the Devil et T. Kaos non plus. Davthvs peut être fier. Son héritage prospère en ce bas monde. Tant que des infamies dans ce genre seront commises, son esprit demeurera parmi nous. Puisse-t-il gésir longtemps sous les voûtes de Noevdia, où il se sait le bienvenu. Gothic est une horreur comme nous n’en espérions peut-être plus, qui rend une réelle consistance à ce mot.
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