Iskandr - Heilig Land
Chronique
Iskandr Heilig Land
Haeresis Noviomagi. Le nom ne vous dira sans doute rien de particulier (surtout si l'omniprésence du latin de cuisine commence à vous fatiguer), et pourtant : c'est grâce à cette petite écurie que nous pouvons nous délecter de l'objet dont nous allons parler. Une cassette au tirage (très) limité (à peine 55 exemplaires, sold-out assez rapidement), à l'artwork plus que classique, au nom imprononçable, qui recèle pourtant une profondeur insoupçonnée.
One-man band batave, Iskandr dispense un Black Metal aussi racé qu'obscur, marqué par son héritage païen. Il l'infuse dans ses concepts, ses riffs, ses parties contemplatives comme celles plus directes. Entre des envolées de guitares laissées sonnantes dans l'espace, et des mid-tempo plus adaptés au développement de ses nombreuses atmosphères, "Heilig Land" ne réinventera certes pas le genre, mais saura séduire les amateurs de musique obscure tant le contenu est appliqué et personnel. Cette cassette est d'autant plus impressionnante qu'elle est le baptême du feu, la première brasse d'Iskandr. Sans aucune gêne, "Heilig Land" saute l'étape de la pataugeoire pour squatter le bassin olympique avec ses aînés.
La cassette est sinistre, mélancolique, l'artwork s'en fait l'écho direct : un visage sculpté (le Christ ?) usé par le temps, fatigué et somnolent. "Heilig Land" évoque assez l'errance, le pèlerinage en solitaire pour éponger sa tristesse ou simplement faire le vide. Un chemin de croix modèle réduit, quatre stations pour quarante minutes au compteur. Les pistes sont longues, le frontman n'hésitant jamais à faire durer, pour mieux imprimer dans nos têtes cette batterie répétitive qui cadence avec la régularité d'une montre suisse des riffs en dents de scie, entre tremolo porteur d'idées noires (l'ouverture de "Galgenveld") et riffing plus véloce et lumineux ("Bottendael"). La basse ne joue pas : elle frappe, elle assène les temps. Par un travail de mixage proprement excellent, elle donne de l'épaisseur, de la graisse, de la prestance à des compositions qui, de base, étaient déjà bien solides. Il suffit d'écouter l'avant-dernier titre pour se rendre compte qu'elle devient plus un instrument rythmique qu'un accessoire destiné à être intercalé entre deux lignes de guitares et enfoui profondément dans le mix. "Heilig Land" est organique, chacun des morceaux possède les bons ingrédient, en bonne quantité, pour en faire une œuvre agréable à l'oreille - à défaut de laisser votre âme aussi indemne que vos tympans.
Pas la peine d'écouter Iskandr pour espérer trouver des blast-beats à outrance où des compositions changeant de rythme toutes les deux mesures. L'ensemble est volontairement dépouillé, O. se concentrant plus sur la répétition de ses schémas rythmiques ad vitam æternam pour rendre plus accessible la profondeur de ses compositions. La voix, tour à tour hurlements déchirants et envolées quasi-religieuses ("Berg en Dal"), ne coupe jamais sèchement la fin des couplets, préférant mourir en geignant dans la brume esquissée par les instruments. Les influences DSBM sont indéniables (surtout sur le deuxième titre), mais résumer "Heilig Land" à une galette pour dépressifs tartinant deux riffs sur dix minutes serait insultant. Plutôt que de chanter la mort et la misère humaine, Iskandr préfère la mélancolie de temps anciens, le souvenir d'un patrimoine laissé à l'abandon, à la manière d'un Caverne français - mais sans les idées débiles qui vont avec. En ce sens, le dernier titre est peut-être le plus fort de tous". "Wolfskuil" s'ouvre avec une guitare simple mais terriblement accrocheuse, qui résonne dans tout l'espace sonore, presque joué dans une nef, évoquant tour à tour ruines et catacombes... Avant que la machine ne s'emballe pour délivrer à l'auditeur le morceau le plus véloce et le plus prenant de toute la cassette. La basse abandonne son poste rythmique pour se caler sur les notes de la guitare, pour soutenir un riff qui ferait presque penser à une version ralentie et simplifiée de Bölzer. La batterie claque, l'homme hurle, les instruments terminent de nous étourdir... Et le titre, comme la cassette, se concluent sur le simple duo de cordes que l'on laissera mourir doucement.
Iskandr, que personne n'attendait, livre avec "Heilig Land" une oeuvre d'un Black Metal aussi dépouillé qu'évocateur qui fera, sans aucun doute, son chemin parmi les meilleures sorties du genre cette année. Sans tambours ni trompettes, à l'image de sa discrétion, le one-man band de Nijmegen apporte, à défaut de nouveautés, énormément d'émotion à sa musique. Sacrée performance.
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