Alkerdeel s’agrippe et ne lâche rien ! Il est donc bien normal que nous décidions de lui rendre la pareille, renouant avec la chronique à six mains comme cela avait été le cas pour
Lede. Un album où le style particulier, entre black metal, sludge et punk, des Belges était arrivé à maturité, dépliant sa pleine puissance malgré quelques petites baisses. Mais là où son teigneux prédécesseur contenait, en dépit d’énormes réussites, quelques pets foireux (cf. sa pochette),
Slonk annonce une envie de détaler comme un lièvre pris dans un rituel satanique ! Une illustration osée, frôlant le ridicule, à laquelle s’ajoutent des titres de morceaux aux allures d’onomatopées : il y avait de quoi avoir peur, le black metal cherchant à puiser dans le sludge et le punk pouvant s’avérer particulièrement grotesque. Joie, ce grotesque est clairement recherché, vénéré et réussi ici, comme une orgie où la sauvagerie entêtante d’un
Archgoat s’accouple à une transe clocharde d’un
Katharsis en guenilles brûlant les locaux du Secours Catholique. Hail Satan, et tant pis pour la soupe !
Il est donc temps de chausser ses bottes de pluies, pour aller gaiement patauger dans l'épaisse boue qui s'étale sur ces quatre titres. Il aura fallu cinq ans pour qu'Alkerdeel se décide enfin à empoigner la pelle pour aller déterrer les restes de
Lede. Ni gaufre froide, ni Delirium (sauf quand il vire Tremens), c'est le versant le plus froid et inhospitalier du plat pays qui prend forme sur
Slonk. La langue sert d'ailleurs le propos, toute en consonnes agressives, pour une musique qui ne l'est pas moins. Une production étouffée, mais qui vient donner un relief et une place étonnantes aux rares incursions mélodiques qui percent, sans mal, le bourdonnement incessant des cordes (ce « Vier », bordel !), une section rythmique qui bourre, et finit, épuisée, par péniblement claudiquer (« Zop »), et ce chant, distingué, caractéristique, hurlant à la mort entre deux gouttières, trois grammes dans le sang, toute la rage et la détresse du péquin moyen. Les yeux dans le vague, marmonnant,
Slonk traîne ses guêtres entre ruelles aux odeurs de pisse froide et grandes friches laissées à l'abandon, les campagnes environnantes, celles où l'on a le fusil facile, tant pour chasser son prochain civet que pour éloigner les curieux. Plus Van Groeningen que Poelvoorde, en somme. Un disque de gueules cassées, de portraits des oubliés, des lambdas, des quelconques, tous résignés, et finalement si attachants...
La formation continue donc à développer des atmosphères ternes, voire fatalistes comme l’illustre parfaitement la seconde moitié de « Trok ». Néanmoins, elle semble aussi se dévoiler davantage sur ce dernier album et accentuer le trait sur le côté black metal et occulte – que ce soit sur la forme ou le fond (cf. le rageur « Eirde »). Mu par le sentiment d’urgence dégagée par la musique ainsi que le chant totalement habité de Pede, votre corps se met mécaniquement en marche. À l’image de Klaus Kinski dans
Aguirre, la colère de dieu, dont l’introduction de « Vier » (composée par Stadt) renvoie, votre quête sur la voie de la main gauche se poursuit avec une opiniâtreté aveugle. Tel un dément acharné vous avancez, traversant moult champs désolés et cours d’eau, malgré la volée de coups assenée par les riffs nerveux et le rythme qui s’emballe fiévreusement. Une déflagration crue mais au fort pouvoir addictif comme cette lumière que vous désirez ardemment ou encore ses lignes de basse obsédantes (en particulier sur le magistral titre introductif). Éreinté, rien ne vient perturber votre ascension. L’intensité de « Zop » couplé au jeu de batterie très véloce et la grosse influence d-beat qui se dégage vous pousse dans votre folie. Ô Lucifer ! L’odeur de soufre que vous sentiez en fin de « Vier » (toujours lui) et sur « Eirde » avec ses mélodies hallucinées et ténébreuses à souhait revient mais plus marquée en fin d’album. « Trok », où la chute vertigineuse. Les mélodies malsaines et tortueuses sonnent votre entrée dans le chaos infini. Une noirceur éclatante qui vous remue les tripes par sa rugosité mais aussi, surtout, par ce flot d’émotions qui se déverse à partir de la 4ème minute.
Difficile de trouver à déplorer dans ce déballage de hargne de gagne-petit visant à faire perdre tout le monde. Avec
Slonk, Alkerdeel semble avoir atteint ce qu’il cherchait à accomplir depuis ses débuts, à savoir une peinture terne et radicale du Black Metal, où l’agression quasi-constante laisse abasourdi de constance. Tout juste notera-t-on que sa formule, à savoir donner une vigueur nouvelle à des riffs on-ne-peut-plus classiques, est aussi ce qui empêche de nous enthousiasmer outre-mesure. Car quand on se souvient des climats « autres » que pouvait transmettre par sa lourdeur cette formation se déclarant influencée par
Burning Witch – mais qui, ici, brûle en hommage aux sorcières –, on se dit que ce nouvel album est une fuite en avant allant au bout d’une certaine direction, plus qu’un accomplissement total. Vu l’ambiance actuelle, on n’en voudra pas aux Belges de vouloir s’enfuir et griffer ce qu’il y a sur leur passage, plus que jamais Sans Domicile Fixe mais aussi Fils De Satan !
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