Proudhon - The Damaged Bodies
Chronique
Proudhon The Damaged Bodies (EP)
“Les concerts Grindcore, c’est l’anarchie, c’est n’importe quoi, et puis la musique c’est pareil, c’est débile, c’est du bruit, de l’anti-musique en fait, de l’anarchie auditive”. Jamais entendu ça? Non sans avoir besoin de rappeler à ces personnes ce que signifie réellement le terme anarchie (vous êtes grands et pouvez chercher sur internet), sur ce coup, c’est réellement l’anarchie, même si le style n’est pas purement Grind. Car nos deux gaillards ont choisi comme nom de groupe celui de Mr Pierre-Joseph Proudhon, figure importante de la politique française du XIXème siècle (“La propriété c’est le vol”, ça vous dit quelque chose?) et se sont inspirés du monde prolétaire et du mouvement anarchiste, dont Mr Proudhon fut un des théoriciens (je résume), pour écrire leur album. Pour ceux qui voient d’un mauvais œil le nom de ce monsieur et qui souhaiteraient poster des critiques hâtives, je cite le Disclaimer présent sur leur page Bandcamp « We do not agree with all of Proudhon's statements. It is rather a question of celebrating the birth of anarchism, in this region that is Franche Comté ».
Groupe Bisontin formé par Thomas Hagmann (vocaux, batterie) et Antoine Dillon (guitare, basse), Proudhon est fraîchement né en 2020 et se présente au grand public avec « The damaged bodies ». Petite précision, la moitié des paroles a été écrite par un tiers en la personne de Red Baron/Till Batoz. Beau bébé d’environ 14 min, cet EP est un condensé de Death penchant sur le Grind, furieux et hargneux. Entre accélérations pachydermiques (« Puits Saint-Marie », « Les temps nouveaux »), breaks « pesanteur maximale » comme sur le très défiant « Canuts Revolt » ou le calorique « Ravachol », le groupe se fait plaisir et s’amuse à jouer avec le tempo tout au long de l’EP. Je ne peux m’empêcher de ressentir un réel plaisir de jouer et de création chez nos deux gars. L’auditeur se fait bousculer avec le sourire à coups de riffs bien rouillés et de frappes bourrines portées à la batterie. Petit coup de cœur pour le « Chant des Cerises » qui donne envie d’headbanguer comme un dingue, en rythme avec ces breaks casses-nuques, et de briser son mobilier en allumettes.
Thomas se déchire les cordes vocales avec un chant grave et râpeux, se muant parfois en hurlements criards (« Die rote fahne », « Les temps nouveaux »), ce qui colle parfaitement au titre de l’EP, tant on sent dans ce qu’il cherche à retransmettre une sorte d’usure. Loin de proposer un disque uniquement centré sur la naissance et les débuts du mouvement anarchiste, Proudhon (le groupe) se veut aussi le porte-parole des travailleurs de cette époque, et met aussi en lumière dans ses textes la misère et les conditions auxquels ces ouvriers étaient assujettis. Pour se faire, Proudhon va à l’essentiel et ne cherche pas à passer par quatre chemins pour cracher sa colère et rendre hommage à ces personnes.
Que serait un disque mettant en avant l’anarchie sans une chanson d’époque ? En guise de préambule, l’EP débute sur le « Triomphe de l’anarchisme » de Charles d’Avray (écrit en 1901), choix plus que logique, et plongeant directement l’auditeur dans la période où veulent nous amener nos Francs-comtois, chant accompagné par la suite par d’autres samples de dialogues ou de documentaire, sur « Ravachol » et « Les temps nouveaux ».
Nos deux Bisontins futés terminent leur EP sur quelques secondes instrumentales plus réfléchies et plus introspectives, sentant presque l’espoir à plein pif et annoncées par un break faussement final ; cela donnera sûrement aux auditeurs une envie de relancer l’EP, et surtout d’en écouter plus de la part du groupe, ce qui est mon cas. Les seules réserves que je ferais se portent principalement sur la production qui manque à mon sens de profondeur ; néanmoins, je comprends ce choix, collant tout de même plus à leur thème et leur envie de sonner « rusty ». Pour une première sortie, je ne vais pas tacler le groupe sur la question de l’originalité de leur musique ; nos deux gars ne prétendent pas révolutionner le Death/Grind qu’ils appliquent, et bien, d’ailleurs. L’originalité, à mon sens, se trouve surtout au niveau du contenu des textes, qu’ils ont décidé de porter avec les styles précédemment cités. En définitif, un premier EP convaincant et qui passe comme une lettre à la poste made in Besançon ; une musique parfaitement exécutée, un thème intéressant et original, et une superbe pochette, tout ça sent bon pour la suite. A vérifier cet été, si mes informations sont exactes.
| Anken 10 Mars 2021 - 1031 lectures |
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