Cela devient embarrassant. Un retour sur mes chroniques peut donner l’impression que je juge de façon égale les albums des Français, les assortissant toujours d’une note qui appuie de façon un peu plate tout le bien que je pense de leurs créations. Pourtant, une réécoute de leurs albums pour préparer l’arrivée de
Pantocrator – peu de temps après l’EP
Poigne, comme escompté avec ces hyperactifs – m’a montré que certains avaient, avec le recul, une saveur particulière que d’autres, malgré un style toujours marqué et en mutation constante, n’avaient pas autant. Ce petit plus, c’est ce que je retrouve notamment sur
Pourrissoir et
Pudeur, plaçant ces derniers au-dessus de leurs frères.
Il s’agit donc d’arrêter de considérer chaque réalisation de Fange comme une chance, une œuvre qui, de facto, dépasse d’une tête une scène qui manque cruellement de groupes aussi originaux et profonds. Avoir un projet comme lui dans le paysage actuel est une chance, c’est acté ; mais comment, au-delà de ces considérations générales, se débrouille-t-il, lui, surtout après tant d’années entre radicalité et pas en avant parfois timides, parfois aux allures de sauts dans l’inconnu ?
Pantocrator apporte une réponse nette et définitive, un sentiment que je rencontre pour la première fois chez ces titilleurs. En effet, point d’attente sur une suite, point de ce mélange de frustration et d’excitation qui fait également le sel de ce projet-là : Fange semble avoir trouvé sa forme définitive avec ces deux titres maousses, offrant un bouquet final à des années de transformation d’un sludge gargouillant au son HM-2 à un death metal s’industrialisant pierre après pierre. Jusqu’à construire sa propre cathédrale de (nouvelle) chair.
Pantocrator, un nom d’album faisant référence au divin et qui trouve sa place dans une musique couvrant une pléthore de styles, les mettant sous sa coupe et les regardant tous du même œil éteint et acariâtre, omniscient et omnipotent. C’est en effet cette uniformisation qui étonne sur « Tombé Pour La France » et « Les Vergers De La Désolation », réussissant à tenir sur la longueur leur appétit, prêts à dévorer et régurgiter en aplats les vomissures de death metal, industriel et post-punk dont ils font leur repas. Logique, pour un groupe qui a toujours fait d’une certaine avidité son sacerdoce ! Fange s’inscrit ici plus que jamais comme un
Ævangelist humain-trop-humain, où l’extraterrestre serait remplacé par un gagne-petit et ses rêves si rongés qu’ils en deviennent difformes, si vénérés qu’ils en deviennent obsédants, une curée faisant s’imaginer curé, les bas instincts comme religion.
C’est bien cette impression de suivre des soubresauts ayant trouvé leur dénominateur commun qui fait le prix de cet album, la faim répondant à la misère. Les différents mouvements composant chaque morceau ont été visiblement réfléchis pour ne faire qu’un, quitte à abandonner certains reliefs qui marquaient auparavant les compositions de Fange. Plus sûr de lui, plus constant, moins épatant, il gagne désormais sur la longueur là où il sortait auparavant des titres mettant des crocs en jambe.
Un passé moins versatile mais plus animal qui me manque un peu sur cette trentaine de minutes. Les Français font désormais des détails leur affaire, à l’image de ce chant plus développé, s’autorisant quelques pointes émotionnelles (les expérimentations de
Poigne ont porté leurs fruits pourris, cf. « Les Vergers De La Désolation » et ses appels à la dérive). Ce qui fait passer Fange dans une nouvelle catégorie, celle où les becs fins trouveront pleinement leur compte. Moi ? Je ne peux m’empêcher de ressentir un sentiment de trop grande humilité derrière ses deux compositions pourtant gargantuesques, comme si tout cela, bien que rondement mené, cherchait un peu trop un élan nous emportant ailleurs.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : par de nombreux aspects, voici ce que Fange a sorti de plus abouti. Peut-être est-ce dans ce sentiment de rencontrer les Français certains de leur musique et de ce qu’ils cherchent à transmettre que se terre cette frustration de ne pas parvenir à l’embrasser totalement. Alors que j’attends toujours le jour où ils sortiront l’œuvre qui me mettra définitivement à genou – et
Pantocrator est une belle esquisse de ce que l’on peut attendre d’eux sur ce point... Décidément, tout cela est bien embarrassant.
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