Ce n’était qu’une question de temps. A force de l’entendre évoluer en vitesse accélérée, prendre au pied de la lettre les ambiances de mutations physiques et psychologiques que ses textes et sonorités transmettent, il ne s’agissait d’attendre que le moment où Fange (désormais un trio, arrêtant ici la valse des batteurs pour inviter une boite à rythme dans la danse) allait enfin briser totalement le reste d’humanité, bien que déjà fortement entamé – pensez-donc, quand on renvoie à ce point à Entombed et Swans –, qu’il avait encore sur le jouissif
Punir.
C’est désormais chose faite, comme l’appuie le nouveau libellé qu’on a directement envie d’apposer à
Pudeur dès la première écoute. Industriel : voilà ce qui vient tout de suite en tête, lui et sa bardée d’images typiques, ses histoires de contagion, isolation, transformation, infection. Promis, je ne ferai ici pas de lien outrancier entre ce qui nous traverse toutes et tous actuellement et cette nouvelle sortie, bien que la tentation soit grande (pire / meilleur hasard du calendrier de l’année ?). Toujours est-il que les Bretons, à l’image de cette pochette signée par leur guitariste, embrassent désormais leur part mutante à pleines bises, délaissant – au premier abord – l’accroche pour mieux nous étouffer au fur et à mesure des écoutes.
Car on entre dans cet album avec l’impression que c’est lui qui nous pénètre, à grands coups de riffs et sons accumulés au point de ne pas savoir où donner de la tête au départ. Doté d’une production puissante et brouillonne ce qu’il faut, façon HM-2 passée au broyeur,
Pudeur accule avec une méthode qui, dans la foule des noms qu’ils donnent envie de convoquer (Swans ; Zulawski ; Morbid Angel ; Cronenberg...), me fait surtout halluciner d’images d’un
Ævangelist période Omen Ex Simulacra habitant dans un ghetto urbain bien de chez nous. « Ultrafrance », Fange le reste, donnant à ses cauchemars une lumière terne, réaliste et défaitiste, où le monstre grossier, écœurant et avide qu’il n’arrête jamais de devenir fait de l’Hexagone son octogone, ses ruelles mortes, ses désirs sales, son atmosphère noire coupée au mauvais vin rouge. Quelque part entre
La Mouche et
Rue Barbare,
Tetsuo et
Série noire, jusqu’à une voix et des paroles plus que névrosées faisant tourner dans ma tête des scénarios où, non, la grippe qui a atteint Patrick Dewaere n’est pas qu’une grippe.
Stop. Inutile d’aller plus loin dans les délires qu’inspire ce disque d’une richesse et d’une personnalité si grandes que l’on s’y perd. Surtout que, durant ces trente-neuf minutes, on est loin d’errer hors-sol :
Pudeur, au-delà de son univers particulier, possède bien sa ration de moments qui percent, enculent et brisent, une fois que l’oreille s’est habituée. La guitare folle de « Cafard Céleste » ; les voix stridentes et entêtantes de « A Tombeaux Ouverts » ; les entremêlements à la Morbid Angel de « Génuflexion »... Faire un track-by-track des instants forts qui parcourent l’album est plus que possible mais c’est bien cette alliance entre fond et forme, cet enlisement pratiqué en nous maintenant fermement la tête pour être certain qu’on s’y noie totalement, qui marque sur la durée.
Et pourtant, on le sent avec délice : Fange n’a pas encore atteint sa forme finale. Derrière son death metal marqué par le sludge (ce dernier s’amenuisant de plus en plus), il laisse entrevoir un nouveau champ des possibles lors de « Dieux Gémissants » et « A Tombeaux Ouverts », titres où il s’adonne complètement à son obsession industrielle.
Pudeur montre alors qu’il est une nouvelle étape qui, heureusement, ne fait pas preuve de timidité (tout juste met-il un peu de temps à démarrer, « Soleils Vaincus » étant moins convaincant que ce qui le suit). Quant à savoir s’ils se décideront lors de leur prochain disque à aller encore un peu plus au bout des choses... Espérons qu’on le sache très rapidement.
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