En décembre dernier, les Rennais de
CADAVERIC FUMES sortaient leur premier album, le très attendu
Echoing Chambers Of Soul sur le label suédois Blood Harvest qui les accompagne depuis le début ou presque. Malheureusement, celui-ci marque également la fin des activités du groupe déjà séparé depuis plusieurs mois. N'ayant jamais pris le temps auparavant d'interviewer
CADAVERIC FUMES, cette sortie était propice à m'entretenir avec mes camarades bretons pour parler évidemment de ce premier album mais également revenir sur leur carrière et certaines des étapes les plus importantes. Alors prenez de quoi vous désaltérer et embarquez dans ce long entretien que j'ai pris plaisir à partager avec un groupe que nous serons sûrement plusieurs à regretter...
# Bonjour messieurs. Comment allez-vous après ces presque deux années particulièrement pénibles et frustrantes ? Pas trop compliqué de "surmonter" ces deux confinements et cette incertitude qui plane toujours ? Certains d’entre vous sont déjà remontés sur scène, est-ce que cela vous avait manqué ou finalement pas autant que vous ne l’imaginiez ?
Wenceslas: J’ai eu la chance de pouvoir appréhender le confinement comme un moyen de me ressourcer : je me suis cloisonné chez mon père sur la côte bretonne. Cela m’a permis de passer du temps avec lui, ce que je n’avais pas fait depuis très longtemps. J’en ai profité pour faire quelques vidéos de covers metal. Je ne suis remonté sur scène que récemment dans le cadre du Winter Rising Fest à Bessancourt (95) en octobre dernier, avec Necrowretch - Romain était d’ailleurs aussi de la partie et clairement cela nous avait grandement manqué. Ça m’a rappelé à quel point la scène était mon élément.
Romain : J’ai trouvé que le premier confinement était une expérience assez intéressante à vivre car complètement inédite. La panique sanitaire généralisée, les gens qui se ruent dans les magasins pour dévaliser les rayons de PQ, le monde qui s’arrête de tourner, le calme dans les rues de Rennes et l’odeur des champs qui reprends ses droits, la ville désentravée de la pollution automobile. Ambiance pré-apocalyptique assez surréaliste. Les concerts ne m’ont pas autant manqué que ce que j’aurais pu croire, c’est de ne pas pouvoir sortir ni retrouver mes amis pour boire un verre qui a été le plus dur au final. Et, effectivement, j’ai pu jouer à quelques occasions privées avec mes autres groupes cet été ainsi qu’au Winter Rising Festival en Octobre.
# L’histoire de Cadaveric Fumes remonte à 2011. Pourriez-vous revenir sur la genèse du groupe : vos différents bagages, vos principales influences à l’époque de votre rencontre ainsi que où et comment s’est passée celle-ci ?
Wenceslas: Romain et Léo se connaissent depuis le collège, et ont quasiment forgé ensemble leur culture musicale primordiale. Pour ma part j’ai rencontré Romain au lycée, mais je n’étais pas dans le metal à cette époque-là. Je jouais encore dans un groupe de rock garage avec d’autres potes. Ce n’est que quelques années après le lycée, au retour d’un séjour en Suède, que Romain m’a présenté Léo et que nous avons commencé à essayer de jouer ensemble. C’est à cette époque que je suis tombé dedans ("glisser" serait plus juste). Après maints essais infructueux avec différents line-ups, nous avons fini par nous recentrer tous les trois, et le projet est né ainsi. Reuben nous a rejoint plus tard.
Romain : Avec Léo on a commencé à jouer sous le nom Cadaveric Fumes vers 2009 si mes souvenirs sont bon mais c’était un groupe totalement différent, une énième incarnation de nos projets lycéens avec lequel nous n’arrivions pas à avancer faute de line-up stable et de vision partagée. Le "vrai" Cadaveric Fumes s’est concrétisé à l’été 2011 avec l’envie de jouer du Death Metal influencé par Morbid Angel, Convulse, Abhorrence, etc...
# Quelles étaient vos ambitions ? Les choses étaient-elles sérieuses dès le départ ou s’agissait-il seulement pour vous de faire de la musique entre potes partageant plus ou moins les mêmes centres d’intérêts ?
Wenceslas: Ce que nous voulions, c’était composer de bons morceaux, les enregistrer, les sortir sur un label et faire des concerts. Jammer le week-end entre copains, "sans prise de tête", ça nous a jamais intéressé.
# Si ces influences paraissaient à l’époque plus évidentes qu’aujourd’hui, on sentait déjà dans votre musique un désir d’aborder les choses à votre manière. En aviez-vous déjà conscience à l’époque ? Est-ce quelque chose vers lequel vous avez toujours tendu ?
Wenceslas: Comme expliqué plus haut, j’ai glissé tardivement vers le metal, et à l’époque du groupe, même si j’avais très envie de jouer du Death, je n’avais pas encore tous les codes et parmi ceux que j’avais, tous ne m’intéressaient pas non plus. Je fonctionne par appropriation, j’ai besoin d’utiliser la musique pour communiquer à ma façon. Dit autrement, le Death Metal est un moyen, pas une fin pour moi. Je pense que ça a joué en notre faveur stylistiquement parlant, même si ça nous a aussi compliqué la tâche.
Romain : Je penses qu’on voulait être original dès le début mais sans trop savoir comment s’y prendre. Le simple fait de jouer ce genre de Death Metal disons "old-school" était une réponse à ce qu’on pouvait voir autour de nous dans la scène locale, des groupes de Brutal Death sans saveur qui jouait pour leur 15 potes. Ça ne nous parlait pas, on voulait faire quelque chose davantage atmosphérique, cryptique et evil.
# Vous avez débuté sous la forme d’un trio avant d’évoluer rapidement sous celle d’un quatuor avec l’arrivée en 2012 de Reuben à la basse qui quelque mois plus tôt signait le layout de Macabre Exaltation sur laquelle il n’a pas donc pas joué. Qu’est-ce qui avait motivé ce choix à l’époque ?
Wenceslas: Reuben est une personne très intéressante, au parcours atypique, et un gigantesque mélomane. Je pense qu’il a dû voir des milliers de concerts, et il a même pas 30 ans. Nous cherchions un bassiste basé sur Rennes, qui puisse répéter le week-end et qui aurait les mêmes influences que nous. Le choix fut vite fait.
# En 2016 vous signez sur Blood Harvest Records, label suédois sur lequel votre premier album vient également de paraître. Vous souvenez-vous de comment s’est passée votre rencontre avec Rodrigo ?
Romain : Rodrigo nous a contacté en 2012 pour ressortir la démo en vinyle (elle n’existait qu’en format cassette à l’époque). Je suivais pas mal les actus du label et c’était clairement une référence culte pour moi donc on a sauté sur l’occasion. À partir de là Rodrigo s’est montré partant pour devenir officiellement notre label et nous avons bossé avec lui pour la plupart de nos sorties.
# Je ne sais pas si dans votre jeunesse vous avez écoutez un peu de Punk Rock (moi oui, en arpentant avec ma planche les dalles de l'Arsenal et de la place Hoche) mais saviez-vous qu’il est l’un des membres fondateurs de Satanic Surfers, gloire du Punk Rock suédois et l’un des portes étendards du label Burning Heart Records dans la seconde moitié des années 90 ?
Wenceslas: Oui hahaha je me demande si ce n’est pas lui qui nous l’avait dit la première fois que nous sommes venu à sa rencontre dans sa ville de Lund. Il est surtout sosie non-officiel de Steve Carrell (mais il semble que je sois le seul à le penser).
# L’artwork de Dimensions Obscure a été confié à Raúl González. Je sais qu’à l'époque, celui-ci avait pas mal fait parler de lui et pas forcément en bien. Cinq ans après vous en pensez quoi de cette illustration ? Correspond-elle véritablement à ce que vous attendiez de lui ou tout simplement à l’idée que vous vous faisiez de cet artwork avant même qu’il soit finalisé ? D’ailleurs c’était quoi le Pitch de départ ?
Wenceslas: Honnêtement, je pense qu’il a eu un coup de grâce en travaillant avec Morbus Chron car, mis à part les pochettes qu’il leur a dessiné, je ne suis pas non plus fan du reste de son travail,
Dimensions Obscure inclus. Nous lui avions simplement envoyé les textes de l’EP, avec quelques mots-clés pour le guider. C’est une pochette sympa, mais les rajouts numériques sont un peu grossiers et comparée à la peinture d’Adam Burke y’a pas photo (pardon).
Romain : J’ai mis du temps à m’y faire mais avec le recul je crois que je l’aime bien, malgré des défauts évidents. Disons que le processus a été assez pénible et qu’on partait de vraiment loin, les premiers sketchs ne correspondaient pas du tout aux pistes qu’on lui avaient fournis. À la base il nous proposait une sorte de forteresse glacée...sauf qu’on demandait un paysage cosmique. Rien n’allait, donc il a fallu corriger le tir par mail et ça a été plutôt galère. D’autant plus frustrant que j’adorais la pochette du premier Morbus Chron ainsi que celle du
Revelations Of The Ethereal d’Ataraxy. Au final on s’en sort avec un truc qui ressemble à un mix entre
Ride The Lightning et des pochettes de Black Metal suédois des 90’s hahaha.
# On sent clairement un début d’évolution entre les morceaux de votre première démo et ceux du split avec Demonic Oath mais c’est surtout flagrant à partir de Dimensions Obscure qui intègre beaucoup plus d’éléments progressifs, mélodiques et atmosphériques. Comment abordiez-vous l’écriture de vos morceaux à l’époque, notamment par rapport à vos influences directes, vos aspirations et ce qui se faisait déjà autour de vous (je pense à des groupes comme Horrendous, Morbus Chron, Tribulation qui commençaient à bifurquer vers des horizons plus personnels) ? Quel était votre état d’esprit à l’époque ? Où vouliez-vous amener Cadaveric Fumes ?
Wenceslas: C’est dur à dire car en vrai, je ne savais plus trop ce que je voulais à cette époque. Je commençais à officier dans un autre groupe plus 60’s qui avait le potentiel à me payer mes factures et je cherchais où était la place de Cadaveric Fumes dans tout ça. Je voulais sortir le groupe de la sphère underground, qu’on gagne une vraie reconnaissance, comme Tribulation a pu avoir, mais finalement je n’y croyais pas. Je n’ai pas réécouté ces sorties depuis des années d’ailleurs. Je le referai en temps voulu mais c’était une période de ma vie compliquée et que je ne regrette pas.
Romain : À l’époque du split avec Demonic Oath on tâtonnait car on sortait de notre première démo qui nous avait bien absorbé et dans laquelle on avait mis la plupart de nos idées. C’était le coup de Poker, comme souvent avec une démo : tu mets tout dedans, tu vois si ça prends et après... faut rebondir. Donc là on avait un label, un peu de following local qui commençait à venir et on cherchait vers quoi aller, fidèle à notre mantra de ne jamais se répéter. Donc on a fait ces deux morceaux avec Demonic Oath puis on a enchaîné une nouvelle mue sur
Dimensions Obscure... Ce dernier nous a permis de poser des bases stylistiques qui sont devenus la marque de fabrique du groupe.
# Ce process a-t-il évolué au fil du temps avec l’implication de membres alors en retrait dans l’écriture ?
Wenceslas: Avec le temps j’ai essayé de laisser la composition se faire plus dans le cadre de la salle de répétition, en me disant que cela me permettrait de décharger une partie du poids. Ça a donné l’anecdotique Demo 2017 dont je me souviens à peine. Ce n’est que pour la composition d’
Echoing Chambers Of Soul que j’ai décidé de pleinement assumer mon rôle et de reprendre les rênes de la composition, laissant les textes à Romain.
Romain : Globalement c’est toujours Wenc qui amenait les riffs en repet’, on jammait dessus et voyait ce qui en découlait. Cette méthode a donné du bon comme du moins bon, cela nous a fait perdre pas mal de temps aussi… J’ai largement préféré notre manière de fonctionner pour l’album, Wenc a composé et maquetté de chez lui les morceaux qu’il nous transmettait ensuite, ce qui permettait à tout le monde de travailler de chez soi avec un produit quasi-fini (guitares, basse, batterie programmée). L’objectif était de répéter moins mais mieux. Et je pense que ça a pas trop mal fonctionné. De mon côté comme je prenais la basse en plus du chant sur ce disque cela m’a permis de bosser à l’aise chez moi et de pas arriver en repet’ à l’aveuglette. Cela m’a aussi permis d’écrire mes textes avec autre chose que des répétitions enregistrées dégueulassement au magnéto cassette comme c’était le cas depuis les débuts du groupe haha.
# En travaillant sur cette interview je me suis naturellement replongé dans votre discographie. Je trouve le choix de production sur cet EP finalement plus surprenant que dans mes souvenirs avec notamment ces guitares au son très Rock presque Garage (pour ne pas dire Surf Rock sur "A Crepuscular Journey"). Pourquoi ce choix à l’époque ? Referiez-vous le même aujourd’hui ?
Wenceslas: J’étais obsédé par le matériel vintage à cette époque, en particulier dans le cadre de ce groupe de rock que je venais d’intégrer et qui m’avait amené à enregistrer dans un studio complètement analogique par exemple. J’avais cette idée de faire du Death sur du matériel ancien - un vieux Marshall, un Laney comme utilisé sur
Masters Of Reality de Black Sabbath, etc… - et ça a donné cette production si singulière. C’était une expérience intéressante, mais je pense que ça demande beaucoup plus d’exigence que ce dont on a fait preuve à l’époque. Il aurait fallu un arsenal de matériel en tout genre pour pouvoir peaufiner les sources. Il aurait aussi fallu un groupe prêt à en découdre en studio. Paradoxalement, je préfère la production de l’album, pourtant beaucoup plus classique. Avec le recul je suis pas mécontent de m’être donné autant de mal. J’aurai tout essayé et je comprends finalement mieux comment le Metal fonctionne en tant que production.
# Si je ne dis pas de bêtises, vous êtes l’un des tout premiers groupes français à avoir joué au Kill- Town Death Fest en 2013. Comment aviez-vous été approchés ? Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience et de votre week-end ? Vous y avez remis les pieds depuis en tant que spectateur ? À mes yeux, et même si je suis loin d’avoir écumé tous les festivals européens, c’est probablement l’un des meilleurs en son genre avec en plus d’affiches toujours très pointues une véritable atmosphère et un côté "cool", presque "familial".
Wenceslas: Il y avait déjà eu Necrowretch sur la toute 1ère édition du festival ! C’est un souvenir inoubliable pour nous. Nous y étions venus pour la première fois en tant que spectateur en 2011 et nous fantasmions déjà de venir y jouer, comme un rêve inaccessible, alors que le groupe débutait tout juste. Finalement nous avons fini par leur envoyer un mail, tout simplement, en se disant qu’on avait rien à perdre. Et ça a marché. Quelques mois plus tard nous nous retrouvions à l’aéroport de Copenhague à attendre que le staff vienne nous chercher. On y croyait pas ! J’ai eu la chance de pouvoir y rejouer avec Necrowretch pour la résurrection de 2018 et d’y retrouver des amis que je n’avais pas vu depuis des années. Mes meilleurs souvenirs de ma vingtaine se sont passés dans ce festival.
# D’ailleurs quels sont vos meilleurs (et vos pires) souvenirs de scène ? Y a-t-il eu des moments vraiment pénibles sur la route ? Et à l’inverse d’autres où vous vous êtes dit que c’était quand même cool d’être ensemble dans cette aventure ?
Wenceslas: Je n’ai pas un pire souvenir en particulier, juste des concerts où rien ne s’était passé correctement. La scène a toujours été le point faible du groupe, et ça pouvait être frustrant de voir d’autres groupes de notre génération évoluer plus vite que nous sur ce terrain.
Romain : Je suis d’accord sur le fait que nous n’ayons jamais été un groupe de scène, et c’est en parti dû au fait qu’on n’a jamais trop cherché à en faire. Quatre concerts par an ça n’aide pas à se rôder. Notre unique tournée (9 dates en France, Italie, Espagne) à l’été 2016 restera comme un souvenir marquant, malgré un vol dans notre van durant une nuit en Espagne qui nous a coûté une basse. La tournée s’est très bien passée et nous a rendu bien plus solide sur scène. Je citerai également l’un de nos derniers concerts en septembre 2019, l’asso I’m From Rennes, plutôt habituée à promouvoir le Rock et le Garage, a décidé de mettre le Metal à l’honneur et nous à proposé de jouer à l’Étage du Liberté de Rennes en compagnie d’autre groupe de la scène rennaise. Les conditions sur scènes étaient hyper pro et on a pu jouer devant un public assez hétéroclite.
# Vous avez sorti deux splits durant votre carrière. Le premier avec Demonic Oath en 2014 et le second avec Skelethal en 2018. Pouvez-vous revenir sur l’origine de ces deux collaborations et votre rôle éventuel dans le choix des artworks et des labels ?
Wenceslas: Tes questions me font remonter loin en arrière ! Je me souviens que l’artwork de
Entwined... a été dessiné par Jeroen de Bones et qu’il avait mis un an à le terminer, ce qui avait valu son lot de tension. Pour le deuxième split, c’est Jon, à l’époque dans Skelethal, qui s’en était chargé. Dans les deux cas, tout s’est fait naturellement, nous nous connaissions tous plus ou moins bien déjà.
# N’avez-vous jamais eu envie d’aller un petit peu plus loin que la "simple" cohabitation généralement proposée sur ce genre d’exercice ou plutôt de non-exercice ? J’imagine que ce n’est pas forcément chose aisée mais avec des musiciens comme Kevin ou les gars de Skelethal à l’époque on imagine qu’il aurait été possible de sortir un petit peu des sentiers battus ?
Wenceslas: On avait émis l’idée avec les Belges de Bones de composer un album tous ensemble plutôt que de faire un groupe par face, mais c’est quand même compliqué à gérer, ne serait-ce que logistiquement parlant, même pour l’enregistrement. Mais ça aurait été intéressant oui.
Romain : Cet hypothétique disque commun avec Bones aurait rassemblé les deux groupes de Death Metal Européen les moins productifs de ces 10 dernières années. Il serait probablement sorti vers 2034-2035. D’ailleurs leur premier album sort cet année et il va vous mettre une branlée.
# En 2017 vous sortez une démo trois titres dont, si je ne dis pas de bêtises, un seul morceau sera repris la même année sur le split avec Skelethal ("The Spectral Parade"). Est-ce que du coup "Under Abhorrent Constellations" et "Ominous Foretelling" sont voués à rester l’apanage de quelques happy few ? Pourquoi ne pas les avoir retravaillés afin de les faire figurer sur votre premier album ?
Wenceslas: J’avais pensé ré-enregistrer "Necromancy Sublime" pour l’album car c’est probablement le seul morceau pré-album dont je suis toujours plutôt fier. Mais je n’aime pas travailler dans le passé. Et pour être honnête, je ne me souviens même plus de ces deux morceaux de la Demo 2017.
Romain : C’était vraiment la période avant l’album où on ne savait pas où aller. Ces morceaux ne nous ressemblaient pas et je garde un assez mauvais souvenir de cette époque sur le plan artistique.
# Intitulé Echoing Chambers Of Soul, celui-ci vient d’ailleurs de paraître sur le label suédois Blood Harvest. Malheureusement, il s’agit aussi du dernier puisque Cadaveric Fumes n’est plus. À quand remonte exactement votre séparation et quels ont été les éléments déterminants qui ont conduit à cette décision ?
Wenceslas: Je n’ai pas la notion des dates, mais je peux te dire que l’album était en cours de composition. Je suis un jour arrivé en répétition sans guitare et je pense que tout le monde a compris ce qu’il se passait. Cette décision fut le résultat d’un long processus qui a commencé avec le groupe, disons que je me suis réveillé ce matin-là et j’ai compris qu’il devait mourir.
Romain : Ce qui a constitué une véritable douche froide car même si on pressentait qu’il n’y aurait pas de futur pour le groupe après l’album j’étais loin de m’imaginer qu’on lâcherait l’éponge avant de l’avoir terminé. Heureusement nous nous sommes mis d’accord pour ne pas tirer un trait sur des mois de travail et de sacrifices et ainsi finaliser l’album pour partir sans regrets.
# Il vous aura donc fallu dix ans pour le sortir. Outre ces éléments qui ont conduit à votre séparation, quels ont été les plus gros obstacles que vous avez dû franchir pour y parvenir et qui expliquent (au moins en partie) ce laps de temps particulièrement long ?
Wenceslas: Terminer la composition de l’album s’est fait plutôt bien, je pense que je me suis senti libéré ce jour-là et cela m’a permis d’appréhender l’album sous un angle neuf, sans pression autre que celle de faire ce que j’avais envie de faire correctement. C’est l’enregistrement et le mixage qui ont été compliqués surtout.
Romain : On a pas bûché sur l’album dix ans non plus, rassures-toi ! Après la démo 2017 on a fait table rase de ses morceaux qu’on aimait plus et on a décidé de revoir l’organisation du groupe. On souffrait du manque de deuxième guitare (une autre spécificité du groupe qui s’est révélé être plus un handicap qu’autre chose avec le recul) donc on a rectifié le tir. J’ai pris la basse et Reuben la seconde guitare. Cette nouvelle configuration à ouverte plein de portes à Wenceslas pour la composition, c’était carrément nécessaire même si un poil trop tard. Cette restructuration a donc demander un peu de temps, que tu additionnes au temps d’écriture de l’album, le temps de le répéter, d’entrer en studio, de mixer et masteriser, couplé aux délais de pressage infernaux et voilà. Cela nous amène à la fin de l’année 2021.
# Que ressent-on exactement lorsque le groupe dans lequel on a officié pendant près de dix ans sans changements de line-up (signe d’une certaine harmonie entre ses musiciens) sort finalement son premier album à titre posthume ? Fierté ? Soulagement ? Frustration ? Déception ?
Wenceslas: Un peu tout ça en même temps, mais je suis convaincu que l’album est ce qu’il est parce qu’il est justement posthume, donc je n’ai aucun regret.
Romain : Amen.
# Et maintenant, comment tire-t-on un trait sur son propre groupe lorsque l’envie et la motivation sont toujours là ? Lorsque l’on n’a même pas pu jouer ces titres sur scènes ?
Wenceslas: Le trait a déjà été tiré et cet album en témoigne.
# Pourriez-vous revenir sur l’enregistrement et la production de ce premier album. Qui s’est chargé de cette tâche, à quel endroit et dans quelles conditions ? Quels étaient vos souhaits et/ou références en la matière et avez-vous rencontré de quelconques problématiques (techniques, artistiques, etc) lors de l’enregistrement ou des phases de mixage et de mastering ?
Wenceslas: Le but de cet album était à la fois simple et ambitieux : enregistrer un classique. Je ne voulais pas d’une release qui s’ancre dans l’air du temps ou témoigne d’une époque un jour révolue. Je voulais que cet album reste une fierté pour nous même dans plusieurs dizaines d’années. Une récompense à ces années d’acharnement, de détermination, de frustration, de temps passé pour cet idéal. Après un premier passage en studio plutôt décevant et un deuxième dédié aux guitares uniquement, j’ai décidé de jouer la carte de la sécurité et de jeter en pâtures toutes les règles du Metal "traditionnel" : la batterie a été entièrement triggée, et je me suis chargé de l’enregistrement des guitares chez moi, de mon ordinateur, en utilisant des simulations d’amplis. Seule la basse est restée intacte de la première session studio. Cela m’a permis de conserver la liberté de mouvement dont j’avais besoin pour cet album.
Romain : j’ajouterai juste que nous avons encore une fois travaillé avec Romain Baousson qui s’est chargé de toutes nos sorties sans exceptions et ce fut encore une fois un plaisir de bosser avec lui.
# À titre personnel, je la trouve vraiment chouette cette prod’ (et plus aboutie que celle de Dimensions Obscure et globalement de vos précédentes réalisations) avec une batterie naturelle et extrêmement dynamique, des guitares abrasives mais pas trop marquées, une basse particulièrement audible et une spatialisation qui apporte un côté très immersif à l’ensemble. Est-ce que les premiers retours vont effectivement dans ce sens et correspondent à ce que vous aviez imaginé ?
Wenceslas: Globalement les gens ont l’air de penser comme toi, mis à part certains qui trouvent que la production est plus classique que celle de
Dimensions Obscure. Et ils ont raison. Mais encore une fois, le but de la manœuvre n’était pas de faire une production originale, intéressante - même si elle l’est d’une certaine manière - mais bien de faire un album efficace, puissant, ample, sans compromis. No more bullshit. Le côté "surf" de
Dimensions Obscure nous laisse de marbre en fait. Ce qu’on a toujours voulu faire, c’est du Death Metal puissant, beau, élégant, comme Morbid Angel a pu faire. Certains seront sûrement déçus qu’on ait perdu ce côté plus clean qu’on a pu avoir par le passé, mais crois-moi, cet album nous ressemble bien plus que n’importe quelle autre release que l’on a pu défendre par le passé.
Echoing Chambers Of Soul est du pur Cadaveric Fumes.
Romain : À titre personnel je n’ai jamais trop compris ce délire sur les guitares "surf" dans
Dimensions Obscure que j’ai pu lire dans certaines reviews, ça n’a jamais été ni un but, ni une intention. Mais si c’était à refaire non n’utiliserions plus ce genre de set-up , je crois que ça nous a desservi et que ça a donné une image faussée aux gens de ce que nous faisions. D’ailleurs pour l’album, c’était clair dès les maquettes qu’on voulait un son plus froid et tranchant... On visait plus
Gateways To Annihilation que
Mental Funeral si tu vois ce que je veux dire.
# Concernant l’artwork (superbe au demeurant), il s’agit là est une œuvre réalisée par l’artiste américain Adam Burke dans le cadre d’un concert donné par le groupe 13th Hour à la galerie Last Rites à New-York. Celle-ci s’intitule "Semita". Ne s’agissant pas d’une commission, qu’y avez-vous trouvé qui selon vous reflétait les thèmes et/ou l’ambiance générale de l’album ? Malgré toutes ces qualités, n’est-il pas frustrant de ne pas avoir pu (ou voulu pour ce que j’en sais) collaborer avec un artiste sur la base d’éléments musicaux et extra-musicaux partagés avec lui afin qu’il puisse donner naissance à une œuvre imaginée pour coller au mieux à la vôtre ?
Wenceslas: La vérité est que nous étions trop fauchés pour nous permettre de passer une commande sur-mesure à Adam Burke, donc nous nous sommes rabattus sur son catalogue de peintures disponibles. Il s’avère qu’en tombant sur cette image nous avons eu un déclic. C’était la pochette de l’album. Figure-toi qu’avec le recul je trouve la démarche presque plus intéressante que si la peinture avait été faite spécialement pour nous. Je ne peux pas te décrire en détail pourquoi cette pochette. J’aime bien le fait qu’encore aujourd’hui, je cherche à savoir pourquoi nous avons choisi cette peinture, faite à l’autre bout de la planète par quelqu’un qui ne nous connaît pas. Cela lui donne un sens encore plus profond, plus inconscient. Et finalement, même ça, ça correspond au message de l’album.
Romain : En réalité je voulais demander à Eliran Kantor de réaliser cette pochette, j’adore son travail, il a un univers et une technique qui sont complètement hors de ce monde et je voulais vraiment qu’il illustre l’album, je l’ai donc contacté pour lui demander son tarif qui, et on s’y attendait un peu, était bien trop élevé pour nous. Adam Burke était le second choix, également un de mes artistes préféré de ces dernières années, son univers onirique, sombre et épique colle parfaitement avec ce que je voyais pour l’album. Je pensais lui demander son tarif pour une peinture sur-mesure mais en regardant son catalogue disponible je suis tombé sur Semita et ça a cliqué tout de suite. C’était l’illustration directe du titre de l’album. Cette grotte en forme de crâne qui semble se réfracter à l’infini, invitant une figure humaine à venir l’explorer, cela encapsule pour moi tout les thèmes de l’album, et en fait de Cadaveric Fumes en général. De plus l’œuvre à une composition très classique qui me rappelle l’élégance de la pochette de
Nightfall par Candlemass, j’y ai vu un moyen de faire un lien avec les influences Doom présentes sur l’album. Cela m’a fait prendre conscience qu’il ne faut pas nécessairement demander à un artiste la pochette exacte que tu as en tête car il y a toujours un décalage entre ce que tu as dans la tête et ce que l’artiste va proposer (et c’est normal). L’histoire de l’art regorge d’œuvres picturales qui peuvent se montrer davantage évocatrice et adaptées à ta musique que ce que tu te visualises à priori, c’est la leçon que j’en tires en tout cas.
# Comme souvent, un grand soin a été apporté aux mélodies de vos compositions. Outre tous ces leads et autres solos, on trouve également deux morceaux instrumentaux : "Exordium" et "Waters Of Absu". Est-il aussi évident pour vous de transmettre des émotions et/ou de construire une ambiance particulière sur ce genre de compositions dénuées de chant ?
Wenceslas: C’est un exercice différent mais d’autant plus intéressant que tout y est possible. J’aime le fait que je peux laisser libre court à mon imagination dans ces cas-là.
# À la différence d’un titre comme "Exordium", vous avez choisi avec "Waters Of Absu" de vous essayer à de nouvelles sonorités. Qui a composé ce titre ? Dites-moi si je me trompe mais j’ai l’impression d’entendre un peu des Bretons de Vaisseau dedans...
Wenceslas: Et non, c’est encore moi qui ai composé "Water Of Absu" ! Je voulais créer une ambiance de musique de film, quelque chose d’à la fois cosmique et caverneux, rapport à ces chambres de l’âme, infinies et pourtant fermées à tout jamais.
# Abouti et d’une grande maturité, Echoing Chambers Of Soul fait preuve selon moi d’une grande finesse sans pour autant que le propos de Cadaveric Fumes s’en trouve dénaturé. On y décèle un véritable travail d’écriture et d’atmosphères mais aussi l’envie de rester fidèle à ses influences tout en proposant quelque chose qui n’appartient définitivement qu’à vous. À ce titre, je trouve que Cadaveric Fumes a définitivement sa propre patte. Mais au-delà de cette décision irrévocable, avez-vous le sentiment que vous étiez arrivé au bout de ce que vous souhaitiez explorer avec le groupe ou au contraire vous sentiez-vous encore capables d’une quelconque marge de progression ?
Wenceslas: Nos histoires individuelles ne sont pas terminées, et je compte bien un jour reprendre la composition pour un futur projet, mais il est clair que Cadaveric Fumes était arrivé au bout de ses limites.
Romain : À nous d’apporter notre patte dans nos nouveaux projets musicaux.
# Pour beaucoup d’entre vous, il s’agissait du premier groupe véritablement sérieux auquel vous avez participé. Quel regard portez-vous sur ces dix années passées ensemble ? Au-delà des galères, que garderez-vous en tête de cette expérience (apprentissages, découvertes, voyages, rencontres, etc) et est-ce que cela a changé vos idées sur le fait de jouer dans un groupe avec d’autres musiciens, d’avancer ensemble, de mener à bien un projet commun ?
Wenceslas: Ça restera une belle expérience pour nous: ce groupe nous aura fait voir du pays et partager l'affiche avec d'autres supers groupes internationaux. On a même acquis une petite notoriété en chemin. Finalement c'est ce qu'on voulait quand on a commencé, donc on peut dire que l'objectif est atteint. Et on s'est quand même bien marré ! Personnellement j'en retire que les groupes classiques, les bandes de potes qui vont en répé pour jouer ensemble, jammer, faire des concerts, c'est pas mon truc. Et pour tout te dire je pense pas que la démocratie ça marche vraiment dans ce contexte. Trop d'ego à gérer, et il arrive toujours un moment où ça devient contre-productif, et tu perds des dizaines, des centaines d'heures à ne pas aller au fond des choses, artistiquement, de peur de heurter les sensibilités, et je pense que beaucoup de groupe, si ce n'est la majorité, souffre de ça tôt ou tard. Je sais qu'il y'a des exceptions mais elles s'appellent pas ainsi pour rien. Si je devais refaire un projet, ce serait probablement seul, ou en binôme, avec des musiciens de session à côté. Un groupe a pas besoin de potes mais de musiciens, et d'un guide au milieu qui donne la tonalité.
# La mort est un thème particulièrement central dans les paroles de Cadaveric Fumes. Romain, j’imagine que c’est toi qui à la charge de leur écriture ? Comment se passe ce processus en général, as-tu besoin d’une certaine mise en situation pour y parvenir ? Qu'essaies-tu généralement de transmettre à travers elles ?
Romain : Exact, j’ai toujours été en charge des paroles du groupe. La mort est un sujet qui revient beaucoup effectivement, sous différentes formes au fur et à mesure de nos sorties. Au début j’étais dans quelque chose d’assez traditionnel (dans des titres comme "Gravecrusher" ou "Vault Of The Haunted Mist" par exemple) avec des récits se passant dans des cimetières sinistres, des cryptes putrides, etc. Puis petit à petit le côté Lovecraftien à pris le dessus, l’horreur cosmique, l’indicible... Je pense que c’est vraiment à partir de ces concepts Lovecraftiens que j’ai pu évoluer et trouver le style qui correspondait à Cadaveric Fumes. À partir de
Dimensions Obscure la mort reste un sujet récurrent mais surtout de la transcendance de celle-ci, la transmigration de l’âme à travers différentes sphères cosmiques, l’immortalité de l’essence, etc. Des choses un peu plus "sensoriel" et qui sont, de fait, carrément chiantes à mettre en mots ! Je ne pense pas que les gens puissent comprendre quoi que ça soit à mes textes, mais je crois aussi que personne ne les lit vraiment de toutes façons haha.
Pour parler du processus, j’écoute le morceau en boucle, jusqu’à ce que des lignes vocales me viennent, c’est surtout rythmique dans un premier temps. Ensuite il faut placer des mots dans ses lignes rythmiques. C’est comme un puzzle, il faut faire rentrer des items dans des espaces imparties. C’est souvent frustrant car parfois tu aimerais avoir plus de place pour exprimer toute ton idée mais c’est impossible. Comme j’aime bien écrire en rime ça rajoute une petite contrainte, mais qui peut aussi être un moteur pour débloquer des idées.
# As-tu le sentiment d’avoir progressé dans ton écriture ? D’être allé au-delà de ce à quoi on peut s’attendre en premier lieu avec n’importe quel groupe de Death Metal pour, à l’image de votre musique, sortir quelque peu des sentiers battus ?
Romain : Oui je pense avoir progressé, en tout cas je l’espère car l’inverse serait un peu triste. J’ai commencé à écrire des textes au lycée avec mon premier groupe de Death Metal et à l’époque il fallait chanter en anglais car toutes mes références étaient anglophones. Mon vocabulaire était plutôt limité, j’essayais de reproduire ce que je lisais (chez Carcass notamment d’où le nom Cadaveric Fumes) donc ça a donné des choses parfois malheureuses haha. Mais quand Cadaveric Fumes a commencé il y avait cette envie de faire quelque chose de moins gore, plus sérieux et atmosphérique d’une certaine manière donc ça m’a forcé à aller chercher du vocabulaire que je n’avais pas forcément. C’était pas toujours des textes hyper originaux mais je me suis mis à écrire de façon plus poussée disons. Je pense avoir trouvé ma direction à partir de
Dimensions Obscure et je l’ai suivi depuis, ce mélange d’horreur, de cosmique, d’indicible, de références aux panthéon lovecraftien et sumérien, en phase avec ce que m’inspire les morceaux.
# D’ailleurs je crois savoir que tu es très client de cinéma d’horreur. Dans quelle mesure le cinéma joue-t-il un rôle dans l’écriture de tes paroles ? Essaies-tu systématiquement de raconter des histoires à travers elles ou préfères-tu les choses plus diffuses ?
Romain : Effectivement le cinéma (et pas que d’horreur) est un de mes arts favoris, et ce depuis l’enfance. Je pense que j’ai toujours eu une mémoire davantage visuelle qu’auditive, quand j’écris je me visualise d’abords les choses mentalement. Il est évident que le cinéma fantastique et horrifique a eu une grosse influence sur moi, surtout sur les débuts du groupes, vers 2009-2010, car c’était l’époque où je découvrais Lucio Fulci, Amando de Ossorio, Dario Argento, le cinéma gore japonais, etc. Pour la suite aussi le cinéma à conservé une certaine importance en terme d’influences mais un cinéma différent, davantage porté sur l’ambiance et la contemplation (Kubrick et Herzog notamment). D’ailleurs je pense que peu de gens l’ont vu mais pour la sortie de
Dimensions Obscure j’avais monté un petit teaser vidéo avec des images de films pour présenter des extraits de l’EP, on y retrouve des images du Nosferatu d’Herzog, 2001 l’Odyssée de l’espace, La Montagne Sacrée de Jodorovsky, La Maison près du Cimetière de Lucio Fulci, et aussi des images de ce merveilleux court-métrage Américain intitulé
The Call Of Cthulhu qui reprend le fameux mythe Lovecraftien à la manière du cinéma muet et expressionniste Allemand des années 20. Ce teaser traîne encore sur Youtube je pense.
Concernant la deuxième partie de ta question, les deux se mélangent. J’ai pu écrire des histoires par le passé, des choses avec une vraie narration, un déroulement etc. mais aussi des choses beaucoup plus abstraites et insaisissables. C’est encore le cas sur le nouvel album il y a des choses laissées à l’interprétation de l’auditeur.
# Croyez-vous également que le cinéma influence la manière que vous avez de composer ? Le Death Metal de Cadaveric Fumes étant très porté sur les ambiances, ce ne serait pas surprenant de penser qu’il y ait un lien avec la construction et le développement de vos morceaux.
Romain : Bonne question, il nous est arrivé avec Wenc de parler de choses qu’on aimerait faire, d’ambiances cinématographiques qu’on aurait aimé voir intervenir dans nos morceaux (je me souviens que Morricone avait été évoqué plusieurs fois pendant la composition de l’album) mais je ne sais pas si nous sommes parvenu à le concrétiser réellement au final.
Wenceslas: J'aime bien l'idée de composer un album comme une BO d'un film qui n'existe pas. Où l'auditeur se figurerait lui-même le film en l'écoutant. C'est un peu ce qu'on a voulu faire avec cet album. Je voulais que la musique raconte une histoire, une sorte de récital mythologique et surréaliste. On a pas mal parlé de Morricone à cette période avec Romain, compositeur qui me fascine dans le genre. J'adore comment la musique parle d'elle-même. J'ai d'ailleurs lu que dans le cadre des westerns de Leone, la musique avait été composée en premier dans la chronologie, puis diffusée sur le plateau de tournage, pour que les acteurs puissent s'imprégner de l'atmosphère, et que le film se cale sur la musique, et non l'inverse. Du pur génie.
# Toujours question cinéma, auriez-vous quelques pépites peu connues et/ou sous-estimées à conseiller ? Ou bien quelques classiques qu’il faut avoir vu absolument et qui d’une manière ou d’une autre peuvent avoir influencé Cadaveric Fumes ?
Romain : Je vais essayer de me limiter à cibq classiques personnel que j’estime il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie (liste absolument non-exhaustive) : The Exorcist de W.Friedkin, The Godfather de F.F.Copolla, Halloween de J.Carpenter, Nosferatu: Phantom der Nacht de W.Herzog et L’enfer des Zombies de L.Fulci Je ne pense pas avoir véritablement de "pépites cachées" à te conseiller mais des films un peu plus confidentiels que tu n’aurais peut-être pas vu : Angel Egg de M.Oshii, Lonewolf and Cub (toute la saga), Altered States et Les Diables de K.Russel, Koyaanisqatsi de G.Reggio, Baraka de R.Fricke, Der Todesking de J.Buttgereit, The Wizard of Gore de H.G Lewis, Seul contre Tous de G.Noé, The Player de R.Altman, Le Masque du Démon de M.Bava, Les Yeux sans Visages de G.Franju, Alucarda de J.L Moctezuma, The Green Knight de D.Lowery, Lady Snowblood de T.Fujita, Testsuo : The Iron Man de S.Tsukamoto, The Deadly Spawn de D.McKeown, Guinea pig : Mermaid in a Manhole et Flowers of Flesh & Blood, La Maison au fond du Parc de R.Deodatto, Tombs Of The Blind Dead de A.de Ossorio, The Horror of Dracula de T.Fisher, Tous les films où figure Al Pacino, les séries The Sopranos / The Shield / The Wire... Bon c’est une liste très fourre tout et très peu exhaustive (qui va du chef d’œuvre triple A à la série Z) mais t’as de quoi t’amuser déjà.
# Comme le suggère ma question précédente, je ne suis pas un inconditionnel du genre et beaucoup de classiques manquent à ma culture personnelle. Par contre, j’ai le sentiment que le cinéma d’horreur, malgré parfois des scénarios relativement intéressants, à du mal à convaincre à cause d’un manque d’audace et une vision un poil limitée et répétitive. C’est encore plus vrai aujourd’hui avec des reboots improbables et des twists que l’on voit arriver à des kilomètres. Qu’en pensez-vous ?
Romain : Oui je suis plutôt d’accord avec ton constat. Après je suis loin d’avoir l’œil sur tout, de traîner dans les festivals de cinéma, etc... Un journaliste de Mad Movies aurait sûrement des arguments à avancer mais les propositions récentes m’ont pas faites rêver outre mesure, en tout cas dans l’offre que j’ai pu voir. Il y a quand même des réalisateurs qui se démarquent cela dit. Je pense par exemple à Robert Eggers notamment pour The VVitch et The Lighthouse, deux films excellents avec de vrais partis pris de mise en scène. Sinon, j’avais assez aimé It Follows pour son concept original ainsi que The Devil House pour son ambiance late-70’s ultra maîtrisée (c’est saisissant à l’image), mais bon ça commence à dater déjà... Mais mon petit chouchou de ces dernières années c’est Ari Aster et son incroyable Hereditary. Première fois que je ressens un tel malaise dans une salle de cinéma, c’était viscéral. Très très hâte de voir comment ce gars évolue.
# Je ne crois pas dire de bêtises en disant qu’à l’époque de votre rencontre la scène bretonne était relativement calme en matière de musiques extrêmes (que ce soit côté groupes ou côté organisations et labels). Aujourd’hui elle est l’une des plus intéressantes en France. Quel regard portez-vous sur son évolution tout en sachant que vous en êtes pour certains des acteurs encore très actifs ? Y voyez-vous de quelconques spécificités par rapport à d’autres régions ou pas du tout ?
Romain : Hum c’est dur à dire. Il y a toujours eu pas mal de groupe de musique en Bretagne de manière générale, de la musique traditionnelle déjà, puis Rennes et Brest étaient dans les années 80/90 des villes où le Rock vivait bien, Saint-Brieuc avait une scène Punk bien active aussi, je connais moins ce qui se passait dans le Morbihan cependant. Donc ouais, y a toujours eu des groupes et des concerts par ici, ça a peut-être influencé les gens de ma génération à monter leurs groupes eux-aussi. Mais en ce qui concerne le Metal à proprement parler j’ai l’impression que les gens ont une vision un peu faussée de ce qui se passe à Rennes. Pour parler de la dernière décennie, que je connais, (Retentum Curiae ou Morbid Rites agissaient dans les années 2000 mais je n’habitais pas encore ici) la scène Metal Underground dont tu as pu entendre parler se limitait vraiment à un petit noyau dur, en terme de groupe on était pas vraiment légion sur Rennes même. Il y avait nous, Hexecutor, Ritual Temple (qui s’est arrêté après une démo) et Nuclear Abomination. Et c’est tout. Le truc vraiment chouette c’est que nos potes de l’asso Roazhon Underground se sont toujours démerdés pour que les tournées UG intéressantes passent par ici, on a donc eu la chance de voir Vulcano, Sadistic Intent, Convulse, Disma, Venenum, Blood Incantation/Spectral Voice, Nekrofilth (et bien d’autres) et d’ouvrir sur certaines de ses dates.
Voilà pour les "activistes". À ça tu ajoutes bien sûr les metalheads locaux qui bougent aux concerts… C’est vrai que ça commence à faire un peu de monde, mais en terme de quantité de groupe c’était quand même loin d’être Stockholm en 91. En tout cas pour ce qui est de la scène Death / Black / Thrash / Heavy / Doom, ces dernières années ont vu fleurir des nouveaux groupes comme Sépulcre, Scumslaught, Venefixion (originairement du Finistère mais qui s’est relocalisé à Rennes), ce qui peut donner l’impression d’une abondance de groupe à Rennes mais tu retrouves juste les mêmes gars à des postes différents et il y a finalement assez peu de sang neuf dans tout ça.
# Si à l’heure actuelle Cadaveric Fumes n’est plus depuis déjà un petit moment, ce n’est pas pour autant que vous n’êtes pas occupés ailleurs. Pourriez-vous nous parler de vos projets respectifs, qu'ils soient musicaux ou non ? Bref, c’est quoi la suite pour vous ?
Romain : J’ai rejoint Venefixion au chant en 2018 et on a sorti notre premier album l’année dernière chez Iron Bonehead Productions. Le plan est donc de le défendre au maximum sur scène cette année. Je joue également de la basse dans Sépulcre (avec Jon & Hélène (ex-Skelethal) et Kev (Venefixion, Destroyer 666,...) et nous venons d’enregistrer un EP qui est en cours de mixage à l’heure où je te parles. Je suis également bassiste live de Necrowretch depuis peu. Pas mal de choses pour se tenir occupé en somme.
Wenceslas: Je suis à la guitare dans Necrowretch depuis plusieurs années maintenant et Romain vient de nous rejoindre en effet. J'ai moins le temps de composer dans mon coin car j'ai un gamin qui arrive et je suis plutôt dans les travaux à l'heure actuelle. Je m'initie à la musique électronique à mes heures perdues, ambient particulièrement, mais je compte bien me remettre à la gratte et composer du Metal à nouveau!
# On arrive à la fin de l’année 2021 et donc l'heure des bilans. Pouvez-vous partager avec nous quelques-unes des meilleures sorties et découvertes de 2021 avec nous ?
Romain : J’ai du mal à me tenir informé de ce qui sort et j’avoue avoir perdu un peu d’intérêt dans tout ça ces dernières années. En 2021 j’ai surtout découvert des albums d’ambient géniaux avec Brian Eno, Steve Roach, Hoverkraft (le projet ambiant de Paul Reidl de Blood Incantation), Hiroshi Yoshimura Takashi Kokubo... J’étais assez peu familier avec ce genre musical et je me rends compte que ça me transporte vraiment loin donc j’ai bien envie de continuer à creuser ce ce côté-là. J’ai aussi écouté des groupes de Rock alternatif US des années 90 comme Failure et Hum... En sorties Death Metal récentes, ne me viennent à l’esprit que le Sijjin, le dernier Cerebral Rot et le bien nommé
Nerve Butcherer de Concrete Winds, tout les trois excellents.
# Voilà, je ne vais pas vous tenir la jambe plus longtemps. Je suis ravi d’avoir pu avoir enfin cette conversation avec vous. Je vous laisse le mot de la fin, à bientôt !
Wenceslas: Merci de nous avoir suivi toutes ces années et bonne continuation !
Romain : Merci de nous avoir donné la parole pour cette interview rétrospective et félicitations à ceux qui seront arrivés jusqu’ici.
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