Accoucher d’un album dans la douleur n’est jamais chose aisée. Néanmoins, il faut parfois se faire violence et y passer pour espérer laisser une trace, marquer les esprits durablement et au passage honorer ses efforts, son histoire et son propre parcours par le biais d’une sortie qui ait du sens et dont la portée soit un petit peu plus conséquente qu’une simple démo ou un modeste EP, aussi sympathiques soient-ils… C’est probablement ce qu’avait en tête les quatre garçons de Cadaveric Fumes lorsque, malgré leurs différents et après avoir pris la décision irrévocable d’en finir avec le groupe, ces derniers se sont décidés malgré tout à composer et enregistrer ce qui est et restera à jamais leur premier et dernier album (quitte à terminer ce travail à trois puisque Reuben choisira vraisemblablement d’arrêter les frais avant d’en voir le bout).
Intitulé
Echoing Chambers Of Soul, celui-ci est paru le mois dernier sur le label suédois Blood Harvest Records chez qui les Rennais avaient plus ou moins trouvé refuge depuis la sortie de
Dimensions Obscure en 2016. Pour illustrer cet ultime témoignage de la supériorité bretonne en matière de Death Metal (calmez-vous, je rigole...), Cadaveric Fumes est allé piocher dans le catalogue de l’artiste américain Adam Burke aka Nightjar Illustration afin d’en exhumer cette œuvre précédemment utilisée par l’artiste dans le cadre d’une exposition tenue à la célèbre Last Rites Gallery de New-York. S’il ne s’agit donc pas d’une commission, l’illustration choisie par le groupe semble pourtant avoir été créée pour lui tant ce qu’elle évoque correspond en tout point à l’atmosphère générale de l’album et à ce Death Metal obscur et atmosphérique dont Cadaveric Fumes s’était fait une spécialité. Évidemment, Le groupe aurait pu se louper sur ce coup (surtout après celle sujette à débat de
Dimensions Obscure) mais heureusement ce n’est pas le cas et c’est donc particulièrement ragaillardi que l’on se lance à la découverte de ces trente trois petites minutes...
Eh oui, si la séparation de Cadaveric Fumes est une chose terriblement frustrante, la durée pour le moins contenue de cet album posthume l’est presque tout autant. Dix ans de carrière conclue en l’espace d’une petite demi-heure… Cela a évidemment de quoi agacer l’amateur qui, de pied ferme, attendait peut-être un petit peu plus de la part des Rennais. Néanmoins, passé cet irritant qui n’en est pas vraiment un, force est de constater que ces années passées à patienter n’auront pas été vaines puisqu’effectivement
Echoing Chambers Of Soul est le digne album qu’attendaient tous ceux qui ont eu un jour le bon goût de succomber à cette formule que les Bretons se sont appliqués à concocter durant une petite dizaine d’années. C’est également la preuve que Cadaveric Fumes ne s’est pas trompé et qu’aussi pénible que fût sa conception, ce moment douloureux en valait la chandelle afin de pouvoir clore ce chapitre avec panache et élégance.
Sans jamais chercher à révolutionner quoi que ce soit mais en gardant en tête l’idée fondamentale de proposer une musique plus personnelle que celle du voisin d’à côté, Cadaveric Fumes va renouer ici avec ce Death Metal inspiré autant par l’ancienne garde (de Morbid Angel à Autopsy en passant par Entombed...) que par l’idée d’offrir une musique plus progressive rappelant les (grands) écarts faits il y a déjà une dizaine d’années par d’autres formations telles que Morbus Chron ou Tribulation. Pour autant, on pourra néanmoins regretter cette fois-ci l’absence de sonorités plus Rock à l’image de ce qui nous fût offert sur
Dimensions Obscure et par conséquent constater également l’évidence qui est qu’
Echoing Chambers Of Soul se caractérise par une approche peut-être un petit peu plus "classique" que ce à quoi la formation semblait promise. En effet, probablement libérés d’une certaine pression pesant jusque-là sur leurs épaules, les membres de Cadaveric Fumes donnent avec cet album posthume le sentiment d’être revenus vers quelque chose de plus simple et de plus évident sans paradoxalement verser dans la simplicité et l’évidence…
Il faudrait effectivement être sourd ou de bien mauvaise foi pour ne pas déceler dès la première écoute tout le travail effectué derrière ces quelques compositions. Du riffing aux textures en passant par les structures, les mélodies ou l’atmosphère générale de l’album, il ne fait aucun doute que de sérieux efforts d’écriture se cachent derrière ces trente trois minutes. Groupe peu enclin aux excès de vitesses et autres démonstrations de force, Cadaveric Fumes n’a jamais cherché à amener énormément de brutalité dans son Death Metal. Son crédo à lui ce sont plutôt les ambiances qu’il va développer ici à travers un travail mélodique particulièrement envoutant qui à chaque écoute me colle des frissons. Si "Exordium" remplie ici son office en introduisant comme il se doit l’auditeur à l’univers des Bretons par le biais d’une batterie dynamique et volontaire et de guitares sombres et vicieuses, c’est surtout après que se révèlent tout le talent de Cadaveric Fumes. De "The Stirring Unknown" à 2:46 à "A Desolate Breed" à 0:35, 1:03 et surtout 3:49 pour une conclusion absolument dantesque en passant par "Waters Of Absu" en forme d’intermède aux sonorités Synthwave horrifiques et crépusculaires, "The Engulfed Sepulcher" et ses leads fantomatiques, "In Cold Astral Sleep" à 0:55 et 1:37 avec ce lead sinueux qui s’étire encore et encore ou "Voidgazers" à 2:52 et autres petits à côtés capables de vous hérisser le poil, le groupe nous embarque sans crier gare dans ces paysages obscurs entre errances souterraines et voyages aux confins de l’Espace.
Naturellement, ces mélodies développées généralement le temps de longues séquences instrumentales ne sont pas le seul atout à la main de Cadaveric Fumes. Si le riffing en clair/obscur des Rennais peut effectivement paraître simple et hérité de quelques grands noms de la belle époque (malgré une petite touche personnelle qui fait quand même à mon sens la différence), il n’en reste pas moins soigné, immersif et surtout particulièrement bien ficelé puisque capable de jouer avec autant d’aisance la mélodie et l’agression. Car s’il n’est pas un groupe qui s’exprime avec violence, ce n’est pas pour autant que les garçons de Cadaveric Fumes n’en n’ont pas sous le pied. Dispensées avec parcimonie, les accélérations plus ou moins brèves offertes ici à coups de blasts, tchouka-tchouka et autres joyeusetés du même ordre ("The Stirring Unknown" à 1:24 et 4:09, "A Desolate Breed" à 2:25, 3:31 et 5:07, "The Engulfed Sepulcher" à 2:22, "In Cold Astral Sleep" à 4:02, "Voidgazers" à 2:23) vont apporter une dynamique nécessaire à un Death Metal atmosphérique qui par ailleurs ne manque pourtant pas de groove puisque du riff pour dodeliner de la tête, les Rennais en distribuent à la pelle.
Frustrant par sa durée mais aussi et surtout parce qu’il s’agit là du dernier témoignage d’un groupe discret mais bourré de qualités et au potentiel élevé,
Echoing Chambers Of Soul laisse une impression étrange dans la bouche. Évidemment, nous aurions tous aimé en avoir davantage (je ne parle pas forcément de ces trente trois minutes), et cela pendant encore quelques années. Mais au moins une chose est sûr, Cadaveric Fumes a l’élégance et l’intelligence de tirer sa révérence à un moment où le groupe avait encore des choses à dire, loin de cette routine dans laquelle certains groupes semblent confortablement installés. Un moment où nous autres auditeurs attendions également beaucoup de ce premier album plutôt qu’une énième livraisons aussi efficace et convenue soit-elle… Alors oui, les Bretons seront amèrement regrettés mais réjouissez-vous car il nous reste une discographie exemplaire à nous caler dans les oreilles à commencer par cet unique longue durée (huhu) frustrant, certes, mais aussi et surtout extrêmement réjouissant et immersif dans lequel se plonger est un véritable plaisir et la promesse de voyages inoubliables. Bien joué messieurs, merci pour tout et bonne continuation !
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