Atheist + Exhumed

Un concert un lundi soir, dans un Paris qui d'année en année déserte de plus en plus fréquemment les salles de concerts, et qui plus est lorsque la salle en question n'est pas la plus connue d'entre elles comme le Divan du Monde, les conditions pour le premier passage de Atheist sur les terres de l'hexagone ne sont pour le moins pas optimales, d'autant plus qu'une autre date vient lui faire concurrence à savoir Enslaved et Negurä Bunget. Peu importe, c'est sur le coup de dix-neuf heure que le public parisien commence à investir l'enceinte intimiste du Divan du Monde, on peut déjà remarquer une moyenne d'âge un peu plus élevée que d'habitude, c'est probablement l'effet come-back des papys qui prend tout son sens, c'est que se dire que le père Kelly poussait déjà sa gueulante il y a de ça vingt-sept ans ça ne les rajeunit pas. Accompagné des brutes épaisses de Exhumed, c'est aux alentours de dix-neuf heure trente que les festivités commencent.

J'avoue ne connaître à peu près rien des Américains lors de leur apparition sur scène, c'est donc en total néophyte que je me place au milieu d'un public encore très clairsemé qui fait pour l'instant, et ce malgré la petite taille de la salle, un peu peine à voir. Exhumed démarre sans aucun préliminaire son set agressif et crasseux, pratiquant un grind véloce armé de quelques riffs death qui vous démangent la nuque, c'est pour ainsi dire une soirée visiblement très éclectique que nous a concocté là Garmonbozia et les surprises ne font que commencer. Si quelques plans sortent remarquablement du lot et peuvent même être qualifiés de redoutables, la mixture ne prend malheureusement pas la plupart du temps et ce en énorme partie à cause d'un son très brouillon qui n'aide évidemment pas à l'accessibilité du set. De plus là où certains groupes donnent l'effet d'un véritable électrochoc en plein thorax par leur énergie et leur brutalité pures, ici c'est une prestation bien trop statique que nous propose le quatuor, chaque musicien étant bloqué par un pied de micro empêchant toute folie au niveau du jeu de scène. Les quelques fans présents y trouvent cependant leur compte puisque il y a bel et bien quelques retours du public, mais on ne peut clairement pas parler de carnage dans la fosse. Un constat renforcé lorsqu'un problème technique vient frapper le guitariste / chanteur Matt Harvey et obliger le groupe à meubler un peu le temps libre histoire que de ne pas perdre définitivement son auditoire. Heureusement que l'impressionnant Danny Walker a eu la bonne idée de nous gratifier d'un long et efficace solo de batterie qui occupe avec brio nos mirettes en attendant de reprendre le show là où il s'était arrêté. En définitive, si Exhumed nous a proposé un set appréciable, il a clairement été enfoncé par un son plus que limite laissant la désagréable impression d'une prestation quelque peu bordélique voir parfois bâclée, ce qui n'était pourtant pas le cas, j'en suis persuadé. Malgré quelques passages marquants et efficaces, le plus souvent la musique du combo tombe relativement à plat pour ma part, dommage car dans de meilleures conditions il aurait certainement pu en être autrement.

Une longue demi heure me permettant une visite attentive des espaces buvettes et merch' aux prix tout à fait honorables, il est enfin temps de prendre place pour l'entrée en scène de Atheist. Passé une courté introduction, la bande de Kelly et Steve entame immédiatement avec l'excellent titre éponyme "Unquestionable Presence", de quoi mettre en deux temps trois mouvements un public déjà bien plus consistant dans sa poche. Ayant fait peau neuve depuis sa reformation, le groupe est désormais composé de l'homme à la capillarité imposante – Travis Morgan – à la basse ainsi que Jonathan Thompson et Chris Baker, tout deux membres de Gnostic, aux guitares en plus des membres fondateurs que sont Kelly Shaefer et Steve Flynn, respectivement au chant et à la batterie. Un line-up solide qui se fait visiblement plaisir sur scène comme l'atteste le set intense et intimiste qu'il nous a livré ce soir pour son retour sur la capitale. Que ce soient les récents "Second To Sun", "Fraudulent Cloth" et l'excellent "Live And Live Again" ou les morceaux issus des deux magistraux premiers albums comme "On They Slay", "An Incarnation's Dream" ou "Retribution", Atheist met tout le monde d'accord et provoque de nombreuses réactions dans le public. Le groove est omniprésent, la basse toujours audible et trépidante, les guitares à la technique folle sont on ne peut plus entrainantes tandis que l'imparable Steve Flynn leur offre un assise rythmique de premier choix ; quant à Kelly Shaefer, il assume tout simplement avec maestria son passage au rôle unique de chanteur, communicatif comme pas deux et transmettant un plaisir palpable d'être là. La prestation est en tout point irréprochable, pas une fausse note, pas un seul écart dans les vocaux hargneux et, malgré l'étroitesse de la scène, c'est un spectacle bel et bien vivant et énergique qui se déroule sous nos yeux. De plus avoir la possibilité de voir Atheist dans des conditions aussi intimistes et chaleureuses est une chance toute particulière à mes yeux, ici les musiciens s'adressent directement à une personne du public en particulier, multipliant les échanges et les contacts avec leurs fans. On approche des vingt-deux heure et les festivités touchent malheureusement à leurs fins, un "Mother Man" d'anthologie et un "Faux King Christ" dévastateur plus tard et le groupe nous fait déjà ses adieux sur le monstrueux et tant attendu du public "Piece Of Time". Que ce soit dans la fosse où chez les cinq américains, ces quelques minutes apparurent réellement comme les plus épiques et intenses de toute la soirée, sublimées par un son désormais irréprochable ; quelques révérences et la formation quitte les planches devant une foule encore affamée qui scande durant de longues minutes des « Atheist » aux prononciations parfois douteuses, mais c'est sur un bon gros vent que beaucoup quitteront la salle, face au fait que les cinq gaillards se sont quand même tirés comme des voleurs après leur set, laissant des doutes quand à la véracité de leur enthousiasme quelques minutes plus tôt. Fort heureusement, le groupe finit par répondre à l'appel du public en investissant non pas la scène mais la fosse pour quelques embrassades et discussions qui font chaud au cœur.

Une soirée mémorable que ce 25 avril donc, il est juste dommage que les agendas soient tombés ainsi et que deux affiches de interessantes se fassent concurrence le même soir, portant j'imagine préjudice à l'affluence des deux dates. Toutefois, malgré un Exhumed pas tout à fait convainquant à mes yeux et une prestation d'Atheist beaucoup mais alors beaucoup trop courte, tout le monde ressort à la cause du père Kelly et de ses acolytes, profitant jusqu'aux derniers instants de l'ambiance si particulière qui règne dans la salle avant de quitter l'enceinte en sachant très bien que les vacances, c'est fini, les jours fériés aussi, et que la journée du lendemain risque d'être plus que difficile.