Stargazer - Psychic Secretions
Chronique
Stargazer Psychic Secretions
C’est de notoriété publique, Thrashocore est le webzine que tout le monde respecte, mais que personne ne lit. C’est pour cette raison que je ne vous en voudrais même pas si vous n’allez pas au bout de cette chronique. Si d’aventure vous ne feriez que lancer l’écoute de Psychic Secretions en voyant la publication passer furtivement sous vos yeux, je considérerais ma mission comme accomplie. Car StarGazer c’est un peu le Thrashocore du Metal extrême, tout le monde se pâme à l’évocation du nom de ce génialissime groupe en provenance de la lointaine Australie, mais trop peu de personnes ne l’écoutent en réalité. Et pourtant ! Il y a des heures de plaisir à s’offrir avec leur discographie quasiment irréprochable, irrésistible fruit d’un labeur de vingt-cinq années de carrière ayant abouti à la sortie de cinq albums. Bien que la présente chronique ne traite que de leur dernière réalisation, Psychic Secretions, sortie en décembre 2020 chez Nuclear War Now ! Productions, label tout à fait recommandable, je ne peux que vous enjoindre, au passage, à vous pencher également sur ses prédécesseurs.
Arrêtons-nous un instant sur cette belle pochette, qui n’est pas sans rappeler celle d’Altars of Madness de Morbid Angel, dans une version moins evil et plus sobre, avec cet enchevêtrement de figures et de détails en noir et blanc dans lequel chacun verra ce qu’il a envie d’y voir, qui un visage, qui un personnage en méditation. Un premier effort du cerveau à la recherche du moindre élément nous permettant de saisir ce que peut bien signifier cette composition fouillée à la manière d’Archimboldo.
Psychic Secretions s’ouvre avec « Simulacrum », magnifique introduction instrumentale, sorte de mise en bouche exquise et délicate, tout en douceur, révélatrice de la star de cet album : la basse de Sieur Damon Good, le bien-nommé. Car, oui, je frissonne rien qu’en écrivant son nom, je fléchis le genou et incline la tête en signe de déférence à l’égard de cet homme discret aux multiples talents : guitariste, bassiste et chanteur, et au curriculum vitae impressionnant : Mournful Congregation, Cauldron Black Ram, VoidCeremony, Misery’s Omen, entre autres, excusez du peu ! « Lash of the Tytans » renverse la vapeur, donne un grand coup d’accélérateur et impose le ton de l’album dans son entièreté : riffing tour à tour cosmique ou alambiqué, chargé en émotions ou plus agressif, changements de rythmes et par conséquent, d’ambiance, sans pour autant perdre en cohérence, le trio australien est à l’unisson, rivalise de virtuosité dans une saine et prolifique émulation. « Evil Olde Sol » et sa ritournelle foutraque apporte un petit brin de folie et de gaîté, alterne passages lourds aux accents doomesques et envolées démoniaques pour le plus grand plaisir du schizophrène qui sommeille en chacun de nous. Avec « Star Vassal », c’est l’éclate totale pour le comparse de toujours de Damon Good alias The Great Righteous Destroyer, le non moins talentueux multi-instrumentiste, Denny Blake alias The Serpent Inquisitor, au jeu fluide et créatif, mis en lumière par un son pur et limpide comme une nuit sans nuage. Un titre se démarque cependant un peu des autres et pour cause : « The Occidental Scourge », avec sa rythmique plus rustique, voire rustre, nous rappelle que Damon Good et Denny Blake font aussi partie de CAULDRON BLACK RAM, dont les relents sont bien perceptibles, mais la basse majestueuse de Damon, encore elle (!), viendra en adoucir les aspérités. Le summum de la classe et de l’élégance sera atteint avec « Pilgrimage », ultime piste de cet incroyable album, dans laquelle Damon Good abandonne dans un premier temps son growl autoritaire pour s’essayer à ce chant clair à faire pâlir de jalousie bon nombre de crooners, avant de porter la dernière estocade sauvage avec un final qui n’est pas sans rappeler Nothing But the Whole d’Emptiness. C’est bon, je suis refaite !
StarGazer ne tombe jamais dans le piège de la démonstration prétentieuse de la branlette de manches et des circonvolutions de baguettes (« Hooves », « All Knowing Cold »), et délivre des titres hautement techniques, parfois à la limite du Prog, aux compositions ultra travaillées, tout en conservant cette brutalité viscérale, l’essence même du Death Metal. Cette basse fretless, aux accents DiGiorgiens, est omniprésente, admirablement mise en avant, sans pour autant écraser de sa superbe la batterie variée et subtile de Khronomancer, l’ingénieux architecte des incessants changements de rythmes, ni occulter les mélodies captivantes de Denny Blake.
Psychic Secretions est un album qui s’impose lentement mais durablement, Sa Majesté Damon Good ne guérit pas encore les écrouelles, mais a le don de tenir son auditoire d’une poigne de fer glissée dans un gant de velours. Grâce à un long travail d’exploration, doublée d’une bienheureuse inspiration, StarGazer parvient à produire une musique ambitieuse, exigeante, mais toujours accessible à celui qui ne restera pas insensible à cet univers unique, touché par la grâce et empreint de noblesse. Le sang bleu du Metal extrême coule dans les veines de notre discret trio australien, c’est une certitude. Si vous avez été réceptif au doigté magique de Damon Good, je me permettrais un dernier conseil : jetez-vous sur Entropic Reflections Continuum: Dimensional Unravel de VoidCeremony sur lequel il réalise encore des merveilles !
L’ADN du Death Metal, c’est la violence, la vélocité et la saleté. Bien que j’apprécie énormément de perdre quelques neurones avec les fiers représentants du genre officiant dans un registre plus «bas du front», rien ne me fait plus vibrer aujourd’hui qu’un Death Metal drapé d’atours plus distingués, plus cérébral sans être pompeux, se sentant libre d’explorer sans œillères d’autres registres. Le Death Metal n’est jamais aussi magistral que lorsque l’ombre du Black Metal plane dans son ciel pour y insuffler suffisamment de noirceur, que lorsque l’exigence et le raffinement de l’avant-garde parachèvent la réalisation d’une œuvre habilement construite et sensible. StarGazer est l’un des rares groupes à y parvenir à tous les coups, et encore davantage avec Psychic Secretions : du GrandArt.
| ERZEWYN 25 Mai 2021 - 1697 lectures |
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