Comme bon nombres de formations US issues de la même scène, ANTHRAX profite du changement de décade pour entamer sa mue. Mais les enjeux ne sont pas les mêmes pour tous : METALLICA, qui va capitaliser pendant dix ans sur l'énorme succès rencontré par le black album, conduit MEGADETH (Countdown To Extinction) et SUICIDAL TENDENCIES (The Art Of Rebellion) à temporiser, quand TESTAMENT ou EXODUS perdent un peu le fil de leur thrash avec les passables "The Ritual" et "Force Of Habit". De leur côté, les new-yorkais, qui ont éjecté l'inégal Joey Belladonna du poste de chanteur, sont clairement à la relance après deux albums en demi teinte :
"Persistence Of Time" traînait en longueur et
"State Of Euphoria", malgré toutes ses qualités, n'a guère convaincu le public qui lui préfère toujours le redoutable
"Among The Living". Pour relancer sa carrière, ANTHRAX s'en remet donc au gosier d'un John Bush tout droit sorti de HELLRAISER III (et, plus sérieusement, du groupe de heavy metal ARMORED SAINT) ainsi qu' à une approche rythmique plus moderne.
Passé une introduction bruitiste qu'on jurerait extraite de "Utopia Banished" des anglais de NAPALM DEATH, on retrouve pourtant ANTHRAX où on l'avait laissé, sur le tempo assez rapide d'un "Potters Field" dont la rythmique bûcheron n'est pas sans rappeler celle de "Time", Charlie Benante y martyrisant les fûts de manière quasiment identique. La différence réside dans la durée raisonnable du titre en question (4 minutes, si on esquive l'intro), le groupe ayant eu tendance à jouer de la rallonge sur les deux derniers albums. Un retour à plus de simplicité qui touche les onze extraits de "Sound Of White Noise", seuls "Packaged Rebellion", "Invisible" et "This Is Not An Exit" franchissant la barre des six minutes. Autre changement, de taille cette fois, la production : pour la première fois depuis ses débuts, ANTHRAX bénéficie d'un son franc et massif (concocté par Dave Jerden - ALICE IN CHAINS, BIOHAZARD) qui met en valeur tous les instruments, notamment la basse, très présente tout au long de l'album. La voix puissante et chaleureuse de John Bush (tellement à l'aise qu'on a le sentiment qu'il a toujours été là !) efface enfin ce sentiment d'avoir affaire à un groupe schizophrène, le cul entre un tabouret thrash (Ian, Benante) et un fauteuil heavy (Belladonna, Spitz). Plus isolé dans cet univers power (l'influence récente de PANTERA est palpable), Dan Spitz, dont c'est à ce jour le dernier enregistrement studio avec ANTHRAX, est contraint à l'épure et se montre plus sobre qu'à l'accoutumée ; ses solos, plus rares, n'en sont que plus efficaces.
Dans un registre agressif, "1000 Points Of Hate" et "Burst", les pendants rageurs de "Potters Field", sont les garants old school de l'équilibre interne d'un album à la richesse rythmique inattendue. Car pour le reste des compositions, les américains ont pris des risques. Tantôt lourd ("This Is Not An Exit" et son final au pas de charge), tantôt mélodique (l'hymne "Only" et son fameux mur de guitares), ANTHRAX semble s'être libéré des entraves qui clouaient au sol les quelques bonnes idées de "Persistence" en cédant plus volontiers à l'appel du mid tempo. De cet album, le groupe n'a guère conservé que le sérieux de ses textes et une ambiance plus sombre. Relisez les paroles (superbes) de "Black Lodge", on est quand même loin de "I Am The Law" ! "Black Lodge", puisqu'on en parle, évite haut la main l'écueil de la ballade sirupeuse en s'orientant sur les rives cauchemardesques de "Twin Peaks", série qui a inspiré Scott Ian pour l'écriture de ce titre. A David Lynch, ANTHRAX emprunte également Angelo Badalamenti, son compositeur attitré, le temps d'une ballade lugubre, poignante et déchirante. C'est le chef d'oeuvre de l'album, talonné de près par "Only" (quel refrain!) et la pachydermique "Room For One More". Difficile d'écarter un titre du tableau d'honneur tant le groupe s'est appliqué à livrer des riffs marquants (ceux de "Hy Pro Glo" en particulier, bien lancés par les nombreux roulements de Charlie) et des refrains top niveau ("Packaged Rebellion", pour n'en citer qu'un). On n'oubliera pas de rattacher à ses onze devancières l'excellente "Poison My Eyes", placée sur la B.O. du "Last Action Hero" de John McTiernan. Une bombe de plus pour un ANTHRAX quasi parfait, qui livre ici son meilleur album toutes époques confondues.
11 COMMENTAIRE(S)
10/01/2014 10:26
20/06/2011 17:50
20/06/2011 12:18
04/01/2011 18:58
04/01/2011 06:53
Ah! Pour une fois qu'on ne vient pas me reprocher d'avoir sous noté "Among The Living" ... Merci pour ton commentaire!
04/01/2011 02:34
18/07/2008 14:22
Un must!
18/07/2008 08:04
Effectivement, j'ai constaté qu'on mettait souvent les mêmes notes !
17/07/2008 19:33
17/07/2008 17:07
C'est le moins qu'on puisse dire ...
17/07/2008 09:30