Tümëur - Sédition
Chronique
Tümëur Sédition (Rééd.)
Tümëur, one-man band français ô combien mystérieux. Très peu d’informations sont disponibles sur le groupe et son unique membre, simplement que ce dernier a choisi pour pseudonyme Éclat Cadavéreux et qu’il tenait le rôle de batteur et vocaliste dans le groupe Humus, aux côtés de Dunkel (Drakonhail, Sale Freux...). Rien de plus, et finalement, on s’en fiche. Début 2020, France d’Oïl Productions a décidé de rééditer sous format vinyle «Sédition», deuxième album de Tümëur sorti initialement en 2013. Toujours aussi soucieux du détail et afin de proposer une édition en complète adéquation avec les paroles contenues dans l’album, des photographies ont été prises par le label à Oradour-Sur-Glane pour orner le vinyle ainsi que l’insert.
Autant commencer dans le désordre par le point culminant de l’album, « Oradour », village tristement célèbre pour le massacre qui s’y est déroulé par une division SS. Troisième titre de l’album, il nous amène à déambuler lentement dans ces rues vides, où plane la mort à chaque carrefour. Tel un guide invisible, Éclat Cadavéreux nous accompagne avec sa voix rêche, qui se fait toujours aussi dénonciatrice et pleine d’amertume. Sur ce titre et le suivant, Tümëur réussit à recréer l’horreur et les affres de la guerre, la tristesse et la mort. Écoutez le final de ce morceau... Il est à l’image du déchaînement de violence et de cruauté du 10 juin 1944 : froid, sans sommation, sinistre. Glaçant. Le bruit presque sourd de la grosse caisse en roue libre n’est pas anodin ; on aurait presque l’impression que le sang tape dans notre oreille comme un bombardement interne, que le sol tremble, comme si vous étiez vous-mêmes au sein de la ville martyre, et que votre heure est proche.
Bien plus qu’un simple instrument, Eclat Cadavéreux utilise la batterie pour mettre en image ce qu’il souhaite nous montrer, nous décrire et nous faire ressentir. Ainsi, sur « L’armée du crime », au milieu de toute cette rage, des coups de caisse claire faisant penser aux rythmiques militaires se font entendre, rythmiques si souvent utilisées lors de représentations d’exécutions ; courte pause, succédée par des trémolos qui ajoutent une touche de tension sur l’ensemble, pour un résultat à la limite d’une bande son de film.
Les deux titres restants, premier et dernier titre de l’album, changent complètement de sujet, tout en restant raccords avec les idéaux du musicien. La scène Black Metal n’échappe pas à la colère d’Eclat Cadavéreux avec «Anti-Nazi Black Metal» où le musicien crache sa fureur et son dégoût envers le NSBM qui gangrène son Art noir, sa noirceur, son refuge. Pas de discussion, Eclat Cadavéreux ne mâche pas ses mots et pose implacablement sa voix, susurrant presque ses paroles, sur un instrumental déchaîné. La double mitraille et nous plonge dans un vortex de noirceur où il est impossible de sortir ; les notes mélancoliques de la guitares qui entrecoupent ces passages violents contrastent complètement avec ces coups furieux portés à la grosse caisse. Mais tout n’est pas que tristesse et négativité chez Tümëur. Sur « Anarchisme », passée la partie lente et lourde du morceau, cela est mis de côté. Eclat Cadavéreux se fait plus provocateur et à coups de trémolos séditieux et agressifs, il termine le titre et l’album sur une majestueuse et dantesque fin. Une fin dont les accords, loins d’être joyeux, se font plus vivants et moins sombres que le reste de l’album.
A l’image des photographies d’Oradour, « Sédition » est un album au style complètement dépouillé et grisailleux. La musique de Tumëur est minimaliste : une répétitions de riffs et d’arpèges de guitares, jouées suivant différents tempos ; une basse ronflante, dont certains notes sont parfois mises en avant, comme d’énormes tintements de cloches ; une batterie apocalyptique qui bat la mesure et dont la grosse caisse résonne comme un tremblement sourd ; une production des plus raw, et un mixage qui est, à mon sens, complètement réussi, mettant en instrument tel ou tel instrument en avant au moment opportun. Tous les sentiments les plus négatifs vous accompagneront, et seront transmis par la voix si caractéristique d’Éclat Cadavéreux : haine, fureur, rage, tristesse, mépris, rejet, rancœur…
Quatre morceaux, trois thématiques donc mais pour autant, quatre ambiances. Chaque morceau se distingue de son voisin, même si se succèdent sur l’ensemble de l’album la violence, portée par une rapidité d’exécution dévastatrice, et une accalmie malsaine, lente et dérangeante. L’émotion noire propre à Tümëur et son envie de transmettre ses sentiments et sa propre vision sur différents sujets forment le fil rouge de ce Sédition. Tout réside dans l’habilité de son compositeur à produire une musique sinistre et blafarde qui invite à l’introspection, au questionnement et à la prise de conscience. Son compositeur se fait plus personnel et direct sur cet album, et dirige sa haine vers les idéaux et personnes qu’il exècre et méprise, rappelant à certains des pans peu glorieux de notre histoire. On ressort de cette écoute hébété, l’estomac plein d’aigreur et la tête groggy, en proie à de multiples réflexions. Nul rayon de soleil ne viendra transpercer les nuages gris qui stagnent au-dessus de la musique de Tümëur.
| Anken 2 Août 2021 - 1146 lectures |
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