Decrepisy - Emetic Communion
Chronique
Decrepisy Emetic Communion
Je ne sais pas si la carrière prolifique de Rogga Johansson a déjà suscité un jour des vocations mais une chose est sûre, si le jeune Charles Koryn continue sur cette lancée qui est la sienne depuis déjà un moment, ce dernier risque bien d’égaler dans quelques années le nombre de formations auxquelles a participé l’infatigable (et pas forcément toujours très inspiré) suédois qui, soit dit en passant, joue quand même actuellement dans quarante groupes (non, ce n’est pas une erreur de ma part) et cela sans compter les quinze autres formations qui bouffent aujourd’hui les pissenlits par la racine où dans lesquelles il n’est tout simplement plus en activité.
Âgé de seulement vingt-sept ans, Charles Koryn ou Charlie pour les intimes fait ainsi parler de lui depuis déjà un long moment. Batteur impressionnant chez les excellents Ascended Dead et cela depuis la formation du groupe en 2011 (soit à l’âge de 17 ans, et oui quand même), l’Américain est aussi apparu chez Chthonic Deity, Extraneous, Funebrarum, Ghoulgotha, Necrosic, Thanamagus, VoidCeremony et Vrenth. Un curriculum-vitae chargé et surtout particulièrement remarquable (pas grand chose à jeter en ce qui me concerne) qui vient aujourd’hui s’étoffer avec l’ajout de deux nouvelles formations.
Celle qui nous intéresse ici se nomme Decrepisy. Formé en 2020 à Portland, le groupe réunit en plus de Charles Koryn, messieurs Kyle Lynn (ex-Vastum, ex-Acephalyx, ex-Necrot...), Jonathan Quintana (Ritual Necromancy, Thanamagus, Grave Dust...) et Tim Lower (Grave Dust). De quoi là encore attiser la curiosité de tous ceux ayant déjà posé leurs oreilles sur ces quelques projets particulièrement dignes d’intérêt. Choisissant de ne pas passer par la case démo ou EP, Decrepisy a sorti le mois dernier son premier album sous les bannières de Chaos Records (CD), Seed Of Doom Records (vinyle) et Life After Death Records (vinyle). Intitulé Emetic Communion, celui-ci la joue plutôt chiche avec seulement cinq titres dont une outro instrumentale.
Heureusement, c’est bien là le seul grief que je puisse dresser à l’encontre de la jeune formation qui pour le reste fait ici le taf et bien plus encore. En effet, même si Decrepisy n’a rien d’un groupe extrêmement novateur, il faut bien avouer que le savoir-faire des quatre garçons embarqués dans cette nouvelle aventure suffit largement à compenser le manque flagrant d’originalité découlant de ces quelques compositions savamment ficelées dont l’inspiration est à chercher une fois de plus du côté d’Incantation, Disma ou Funebrarum.
Ecrit et composé par Kyle Lynn, Emetic Communion est plutôt du genre à jouer les prolongations et cela malgré un contenu relativement mince. Car outre cette conclusion sommaire (deux minutes) mais néanmoins bien fichue qu’est "Anxiety Womb", les quatre autres compositions oscillent plutôt entre six et dix minutes bien tassées. Ce n’est donc pas toujours pied au plancher que le groupe américain mène ici sa barque, préférant en effet cultiver une certaine terreur à travers de nombreuses séquences bien lourdingues (merci à la production signée Greg Wilkinson) rappelant effectivement quelques uns des groupes cités juste au-dessus (la longue introduction menaçante de "Dissipating Form", le dernier tiers d’"Embodied Decomposition" ou bien encore les quatre premières minutes d'"Abbatoir Of Sorrow") ou alors amener également un soupçon de groove bien senti grâce à quelques passages mid-tempo chaloupés ("Dissipating Form" à 3:07 et 6:44, "Emetic Communion" à 3:31, "Abbatoir Of Sorrow" à 4:20). Et si ce premier album fait effectivement la part belle à ces moments particulièrement écrasants, les accélérations sauvages, aussi brèves soient-elles, ne manquent pas. Entre séances de tchouka-tchouka simples comme bonjour mais toujours aussi entrainantes et salves de blasts, le jeune Charles Koryn n’est assurément pas en reste ici ("Dissipating Form" à 2:11 et 4:28, "Emetic Communion" à 1:38, 5:10 et 6:21, "Embodied Decomposition" à 0:31, 1:09, 2:04 et 5:36, "Abbatoir Of Sorrow" à 4:49). Saluons enfin bien évidemment le riffing particulièrement sombre et fuligineux de Kyle Lynn souligné ici à plusieurs reprises par les excellents solos et autres leads infernaux de Jonathan Quintana ("Dissipating Form" à 2:09, 4:06 et 6:56, "Emetic Communion" à 2:00, 4:37 et 5:55, "Embodied Decomposition" à 0:18, 2:09, 2:44 et 3:34 et "Abbatoir Of Sorrow" à 3:06, 5:56 et 8:03) qui lui aussi s’y connait lorsqu’il s’agit d’invoquer Satan à l’aide de son manche (hin hin). Là encore, le spectre d’Incantation plane tout au long de ces trente quatre minutes rondement menées mais comment en vouloir à Decrepisy lorsque la chose est faite avec autant de talent et de conviction (surtout lorsque les grands patrons continuent malheureusement sortie après sortie d’amorcer leur déclin) ?
Bref, rien de bien nouveau sous le soleil de Portland si ce n’est que Decrepisy a quelque peu pris tout son monde par surprise avec ce premier album qui à défaut d’originalité se montre heureusement d’une efficacité à toute épreuve. Certes, on pourrait se dire que l’on commence a avoir fait le tour de la question en matière de Death Metal caverneux mais le fait est que Decrepisy a su faire ici les choses intelligemment en variant les plaisirs et en prenant le temps de construire ses compositions afin de créer de véritables progressions ainsi que des atmosphères particulièrement saisissantes. Alors oui, quatre titre et trente quatre minutes c’est peut-être un poil court mais quand on est capable d’aligner un disque de cette trempe en guise de premier jet et bien on ravale ses quelques petits reproches et on prend le plaisir là où il se trouve, en l’occurence ici.
| AxGxB 2 Septembre 2021 - 1082 lectures |
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