Des cris assourdissant de folie au début ; Des râles de dégoût à la fin. Et entre, toutes les émotions qui mènent des uns aux autres, dans l’urgence de tout expulser.
C’est cela qui marque dans
Decrepit. Funeralium, ce groupe que l’on peut toujours décrire comme un Doppelgänger d’Ataraxie – membres en commun et influences communes –, le montre une nouvelle fois : son discours à lui est bien plus cru, extrême, que son jumeau, similitudes de traits mais rictus déformant le visage.
Une tangente qui m’avait particulièrement plu sur
Deceived Idealism, sa rigueur, son sadisme de chaque instant, mais qui prend encore une autre tournure sur ce nouvel album. Exit les fleuves de haine et de détestation de soi qui tourmentaient – jusqu’à s’y perdre –
Of Throes and Blight : il est temps d’en finir, comme avec un problème que l’on a trop longtemps laissé perdurer, cherchant dans les excuses faites à soi-même et aux autres une manière de le décaler. Oui, nous détruisons ce que nous touchons. Oui, nous sommes abjects, avides et centrés sur nous-mêmes, cherchant à plier à notre confort une planète sans laquelle nous ne pouvons vivre. Oui, la Terre finira par reprendre ses droits, ses roches désertifiées par l’Homme enfin laissées à l’abandon. Elle nous survivra, certainement balafrée mais libérée de ceux qui n’ont fait que détériorer les conditions de leur existence sur elle.
C’est, à gros traits, ce qu’appuie Funeralium durant les soixante-dix-huit minutes que dure
Decrepit. Un discours obligatoirement long avec lui, hurlé, creusé, aussi pointilleux qu’étalé, mais désormais guidé par l’intensité des impératifs. Ainsi, cette ouverture vers plus de mélodies rencontrée avec
Of Throes and Blight prend désormais une place prépondérante, ses accroches nous harnachant aux sentiments négatifs proférés par cette voix qui – comme à chaque rencontre avec elle – donne à penser qu’elle est LA voix, celle d’un doom extrême où se mélangent les pensées suicidaires de
Bethlehem, les apitoiements de
Warning (cf. les leads de « The Lunatic Escalation Towards Extinction ») ainsi que les plans larges sur un paysage calcaire d’
Evoken. Un long déclin, la fin abordée dès le départ – l’album ne s’appelle pas
Incipit, notez –, où les Français usent paradoxalement de toute leur humanité pour lui asséner le coup de grâce.
Images de pierres noires et esseulées ; pamphlet longitudinal appelant à notre extinction ; émotivité de chaque instant, les larmes nées de la colère s’écoulant sans timidité... Nul besoin de dire que
Decrepit embrasse une grandiloquence qui pourra paraître trop excessive pour certains. Mais c’est bien ce qui fait le prix des meilleures œuvres de doom, ses gestes qui peuvent sembler trop théâtraux pour les béotiens alors qu’ils relèvent d’une certaine ferveur, emporté et non emprunté que l’on est par des envies de beauté dans un monde courant vers sa propre décadence. Une beauté que Funeralium se décide – enfin ? – à aborder de face, dans des passages qui étreignent plus d’une fois et avec une justesse rare, évoquant par instants les délices compliqués et tortueux d’un
Anhédonie (mon dieu, ce magnifique « Ruination »).
Cependant, arrêtons-là les comparaisons : Funeralium fait ici des adieux à l’humanité qui lui sont bien personnels, trouvant dans son rigorisme – symbolisé par une base rythmique aussi austère que dominatrice, les montées de « Aviditas » en guise d’exemples – une poésie qui lui est propre, où la noblesse se trouve davantage dans une mise en scène de sa sortie que l’exploration de tourments philosophiques. Les affres pour l’un ; le trépas pour l’autre. Certes, on pourra continuer à trouver que l’on se perd trop ici, un vécu partageant la force que déploie en long et large la formation laissant parfois la place à une attention flottante. Une critique habituelle envers cette musique qui demande plus que de coutume pour s’y investir pleinement.
Decrepit n’en reste pas moins une des plus belles créations de doom extrême qui m’ait été donné d’entendre ces dernières années, soit depuis un certain
Résignés. Hé, on n’y échappe pas…
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