Skepticism - Companion
Chronique
Skepticism Companion
Je le dis et le répète – et m’en excuse en même temps – mais ces derniers temps, je ne chronique que des bijoux ! Même si, par principe, je chronique tout ce que je réserve ou qu’on m’adresse par principe, bon ou mauvais, parfois, les étoiles s’alignent et rien n’est à jeter. C’est au tour de Skepticism de s’avancer vers moi. Tu comprendras ma joie. Comme tant d’autres ces derniers temps, les Paysage d’Hiver, The Flight of Sleipnir, The Ruins of Beverast… Skepticism fait partie de mes groupes favoris, de ces icones d’un style qui ne faillissent pas. Jamais. Comme les grands Mournfull Congregation, Esoteric et Thergothon, Skepticism peut s’enorgueillir d’être la pierre de touche d’un style, le funeral doom, à qui il a donné ses bases comme ses lettres de noblesse. Stormcrowfleet demeure encore aujourd’hui un chef d’œuvre inégalé d’éther, de mystique et de menace mêlés. Plus encore, trouver une faille dans la discographie du combo finlandais tient de l’exploit. Ordeal, peut-être un poil en deçà en raison de son format étrange, reste à un niveau où la concurrence est aussi rare qu’au sommet de l’Everest. Alors, ces 13 années d’interruption, insoutenables même pour le clerc de notaire le plus discipliné, valaient-elles l’attente fébrile ? C’est un oui sans réserve qui doit être apporté à cette question.
Companion se présente à nous dans le format classique et reconnaissable du groupe : 6 titres pour environ 48 minutes de musique et des longueurs moyenne de 8 minutes. Ni trop, ni trop peu.
Situé dans la droite ligne d’Alloy, ce Companion poursuit la (petite) révolution de Skepticism vers des sons tout aussi lourds et mystiques, mais plus clairs, plus lumineux, presque plus organiques et surtout, hyper majestueux et amples. Skepticism, comme le confirme le titre d’ouverture Calla, est un aigle qui plane fièrement au dessus des montagnes, surplombant le commun des mortels. Ce Calla développe tout ce qui fait sa force : la profondeur du son et l’amplitude du propos. La sensation, comme chez Sunn o))), dans une approche évidemment différente, est quasi physique. On ressent les changements de rythme, les cassures et les relances dans son corps, au fond de son estomac. L’expérience, déjà évidente sur les précédents albums, est ici aboutie. L’immersion est remarquable, l’orgue renforçant davantage encore la plongée dans les abysses. Mais, de nouveau, loin d’entraîner l’auditeur dans l’obscurité totale, Companion profite de cette plongée pour lui faire découvrir la beauté des grands fonds.
Comme sur Alloy ou sur les derniers Ahab, The Intertwined par exemple laisse passer la lumière, filtrer les rayons du soleil au milieu des profondeurs noires de l’océan. Lent mais « confortable », pesant mais lumineux, The Intertwined comme The March of the Four dressent le tableau d’un combo dominant, capable de mêler les ténèbres à la clarté sans dénaturer ni l’un, ni l’autre (l’orgue ultra planant sur le départ de The March of the Four par exemple, immédiatement couplé à des guitares lourdes au son étouffé et au retour de l’orgue, ultra solennel et ample à la fois). Profonds, comme toujours, ces morceaux lancent l’album en l’inscrivant dans le glorieux passé du combo (ils rappellent les aspects menaçants de Stormcrowfleet comme ceux, plus ésotériques, de Farmakon, sans omettre les atours majestueux – déjà – d’Alloy), tout en préparant l’avenir et quelques nouveautés.
Dès The March of the Four en effet, les mélodies égrenées à la guitare se font jour (en pont central sur ce titre), très clairement mises en avant, comme les arrangements monumentaux. Passage et The Inevitable jouissent ainsi d’une approche ultra léchée, où l’orgue porte littéralement le premier quand la guitare sèche constitue le cadre thématique même du second en lançant et en terminant le titre. La diversité instrumentale devient la règle, la mélancolie le propos central. Le funeral de Skepticism prend d’autres teintes, plus baroques, plus chargées (sur Passage par exemple, avec son départ comme pris dans la tempête, puis ses aspects plus directs, presque plus death) alors que, par ailleurs, The Inevitable joue davantage sur l’effet de progression et de reptation que sur la lenteur à proprement parler.
Comme si cela ne suffisait pas, Skepticism s’offre le luxe de clôturer son album par une pièce maîtresse : The Swan & The Raven. S’il fallait un titre de synthèse, une conclusion qui résume l’ensemble de leur carrière, ce titre serait celui-là. En 8’21, Skepticism dévoile tout ce qui fait sa grandeur : l’emphase et la majesté ultime des compos, le mélange de menace nocturne et de lumière divine, la profondeur abyssale du son, la science des structures musicales proposées et l’immersion, inégalée dans le style, dans l’univers sonore développé.
Je ne saurais dire si ce nouvel effort du combo finlandais est meilleur ou moins bon que tel autre. A la vérité, il serait peut-être insultant d’entrer dans cette démarche. Companion est, comme tout le reste de la discographie du groupe, un pur bonheur. Il n’est plus fort, ni plus faible que les autres. Il trouve sa place aux côtés du plus récent Alloy dont il prolonge l’évolution, sans jamais oublier ses racines. Companion est une merveilleuse pierre de plus dans l’ouvrage monumental de ces Compagnons du devoir musical.
| Raziel 6 Novembre 2021 - 1913 lectures |
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