Etxegiña - Herederos del Silencio
Chronique
Etxegiña Herederos del Silencio (EP)
Il n’aura échappé à personne qu’au sein de la scène black metal française, certaines formations auront préféré prendre leur distance avec ce que le commun des mortels appellent être une formation apolitique, mais jouant souvent avec le feu et une certaine imagerie nauséabonde sans pour autant l’assumer, ou plus encore de ces formations qui aiment bien avoir le bras droit bien tendu et qui ne se limitent plus, désormais, aux seules activités musicales. L’émergence d’un groupe tel que Etxegiña fait ainsi du bien, ayant pour patronyme un mot basque qui signifie constructeur et qui fait référence au surnom d’un des ancêtres de l’un des membres de la formation. Formé en deux mille dix neuf, avec à l’époque un premier single comme carte de visite, Etxegiña partage d’ailleurs sa localisation géographique entre Eibar, au Pays-Basque, et Paris, et l’on y retrouve surtout Waldo Losada à la basse et au chant - ex Atavisma - et Titouan Le Gal, tous les deux faisant partie de Acedia Mundi. Changeant de batteur en cours de route, le trio nous présente, enfin, - parce qu’il se sera fait attendre -, en cet automne deux mille vingt et un leur première réalisation avec cet Herederos del Silencio.
Qu’est-ce qui va distinguer Etxegiña de la masse de sorties discographiques à laquelle nous sommes désormais confrontées, c’est en premier lieu ce black metal mélodique de haute tenue. Rien de bien nouveau, il est vrai, mais ici, cela a le mérite d’être très bien fait. L’on retrouve évidemment de très bons riffs aux aspérités mélodieuses sur l’entièreté de cette réalisation, qui n’en oublient aucunement d’être incisives quand il le faut, mais en sachant vous emporter assez facilement avec ces tournures tantôt épiques, tantôt nostalgiques. Si l’on devait faire un rapprochement, mais sans évidemment mettre de côté la personnalité du groupe, ce serait peut être avec les débuts de Kampfar, mais sans les contours folkloriques des Norvégiens. Du classique pourrait-on objecter, mais c’est sans compter une production très naturelle qui laisse de la place à la basse. Et c’est un choix bien judicieux car les lignes de basse de Waldo Losada sont excellentes et apportent un réel plus à tout ceci, virevoltant entre les lignes de guitares, ce qui renforce l’aspect mélodique de la chose, et cela fait bien longtemps que je n’avais pas entendu une aussi belle mise en avant de cet instrument pour ce genre musical. Mais ces éléments techniques ne seraient rien si les compositions ne tenaient pas la route, et là dessus, il n’y a rien à redire non plus, c’est loin d’être linéaire et il y a un savoir faire pour mettre en valeur les thématiques de cet album et surtout les paroles. Dans tous les cas, l’on maîtrise parfaitement la dualité entre passages mélodiques et d’autres plus soutenus, donnant du relief à tout ceci.
Faire le tour du propriétaire sans évoquer de quoi il en retourne au niveau des thématiques abordées par Etxegiña saurait leur faire injure. Et ce serait surtout nier tout l’intérêt de ce groupe. Ici, l’on fait évidemment référence à l’Espagne des années trente et quarante en mettant en avant la Guerre d’Espagne et la répression qui suivit au début de l’ère franquiste, mais non pas pour faire l’apologie du Caudillo, mais bien pour dénoncer ce régime, mettre à l’honneur les victimes de cette période, aussi bien celles de Guernica que celles du camps d’Alabatera et rendre également hommages aux femmes et aux hommes qui se sont opposés à ce régime. En cela, le chant uniquement en espagnol de Waldo est on ne peut plus pertinent et rend l’ensemble encore plus intègre et honnête, et surtout très prenant. Ce d’autant qu’il a une diction on ne peut plus audible avec un chant assez grave mais qui oscille parfois avec des intonations plus intenses et aiguës. Dans tous les cas, cela donne vie à ces scènes du passé et l’on a l’impression d’avoir autant d’appels aux armes ou à lever des barricades que des témoignages de révérence envers ces combattants. Aussi, naviguons nous souvent entre élans militants, moments de bravoure mais donnant l’impression d’être voués à l’échec, et instants bien plus nostalgiques et mélancoliques, notamment les débuts de La Montaña ou le final de Los Cadáveres Insepultos de Albatera. Et je dois avouer que c’est cela qui m’a le plus touché sur cet EP, que cela m’a renvoyé à des œuvres littéraires telles que Pour Qui sonne le glas, Hommage à la Catalogne, L’Espoir et Les Fils de la nuit, ou à certains coins des montagnes du Pays Basque où l’on y retrouve des pierres tombales en hommage à ces victimes. J’y retrouve ce même entrain, dans cette volonté de se battre pour changer les choses et, surtout, cette même tragédie humaine.
Ainsi, cette première réalisation de Etxegiña est une belle réussite, confirme bien ce que le groupe avait dévoilé il y a deux ans avec son premier single, et remplit bien les promesses avancées il y a quelques temps. En effet, le groupe rend ici un vibrant et bel hommage aux victimes du franquisme, avec un black metal à la fois mélodieux, vibrant et intègre, et qui n’a pas besoin d’apparats pour faire son effet. L’on est juste frustré que cet enregistrement ne dure pas plus longtemps, tant les vingt minutes passent très vite, et l’on espère qu’un album complet verra le jour rapidement. Mais en tout cas, des réalisations comme celle-ci font vraiment du bien, et Etxegiña sera parvenu à faire sortir du silence celles et ceux qui y ont été réduits.
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