Je pourrais dire que je l’avais vu vu venir, notamment lors de certains morceaux comme « Transfixed at Golgotha » (issu de
Triunity, split avec Blut Aus Nord) ou encore à l’écoute de ces rythmiques qui ne demandaient qu’à palpiter seules sur
" (Industrial blackened doom/noise) de P.H.O.B.O.S.">
Atonal Hypermnesia et
Phlogiston Catharsis… Mais non, rien ne laissait présager la mue qu’a entamé ici P.H.O.B.O.S., délaissant ce coup-ci les guitares pour un album définitivement marqué par les scènes industrielles, électro et dubs.
Des scènes qui ont toujours fait partie des influences du projet, mais qui aujourd’hui prennent toute la place. Comme si l’on se retrouvait ici de l’autre côté du miroir, le black / doom metal infiltré par l’industriel d’autrefois a muté en musique électronique venimeuse et solennelle. La perte de repères est au départ totale, les habituels citations de Scorn et
Godflesh et ce qu’ils ont pu engendrer de plus proche du dub et de l’électro,
Author & Punisher dans ses moments les plus transgenres, ne parvenant pas à décrire ce que réalise ici le duo Frédéric Sacri / Mani-Ann Sitar. Pensez donc, même les ponts avec
Blut Aus Nord, dont P.H.O.B.O.S. a été plus d’une fois vu comme une excroissance glauque issue de
The Work Which Transforms God et
MoRT, ne deviennent ici que semblables à ceux avec un cousin éloigné aux liens de parenté de moins en moins identifiables ! Plus que jamais unique, le projet fait route seul – jusqu’à une sortie sur son propre label Megaton Mass Products –,
Bleaker Beater ne s’assimilant à nul autre que lui-même.
Même en repensant à ce que l’on a écouté de noir et d’extrême au sein des scène électro et industrielle,
Bleaker Beater continue de se voir comme un hybride louche, possédant un ADN extra-terrestre et pourtant fascinant de familière étrangeté pour qui décide de s’y intéresser. Un sentiment que l’amateur de P.H.O.B.O.S. de longue date trouvera ici comme des chaussons mis à sa disposition, ce nouvel album cachant derrière son apparence originale un monde que l’on a déjà exploré avec
" (Industrial blackened doom/noise) de P.H.O.B.O.S.">
Atonal Hypermnesia,
Phlogiston Catharsis ou encore l’EP
श्मशान काली. Une fois la surprise passée, ce nouvel album se perçoit comme une nouvelle étape dans cet univers marqué par le mécanique et l’organique, faisant sienne la religion de la nouvelle chair. Une évolution plus qu’une révolution, où le savant se révèle plus clinique et fervent qu’autrefois, usant d’une précision qui laisse hébété durant les beats chirurgicaux de « Haemophiliac Stomp » et « Solve Et Coagula » ou encore l’accroche affûtée de « Basalt Ganglia » et « Beta Blocker ».
C’est que P.H.O.B.O.S. a méticuleusement préparé sa copie, usant de machines aussi fines dans leur prédation qu’enveloppantes dans leur nappes synthétiques. Derrière la domination de titres comme « Pyrocene Antibodies » ou « Procollapsolog » se terre une ambiance sentencieuse et sacrée, atmosphère ayant déjà charmé durant
Phlogiston Catharsis. Le rouge des organes remplaçant celui de la lave, la morsure des mutations supplantant celle de l’extrême chaleur, le duo reste cet apôtre aussi sensuel que dangereux d’un syncrétisme qui n’oublie pas la foi derrière ses psaumes d’une nouvelle ère. Des psaumes qui, s’ils n’ont pas les longs discours abyssaux des précédentes œuvres, parviennent à toucher leur cible en pleine tête.
Plus pointilleux, moins défricheur d’une terre qu’il ne se lassait pas d’explorer sur ses œuvres antérieures, P.H.O.B.O.S. laisse croire qu’il a trouvé sa forme définitive avec
Bleaker Beater. Pourtant, il serait clairement présomptueux de faire ici quelques pronostics sur l’avenir offert (ou non) par ce revirement stylistique conservant l’essence de ce qui fait l’attrait du projet, malgré un deuil difficile de ces guitares si hypnotiques et corrosives, tel Celtic Frost bataillant de ses membres techno-organiques au sein d’un monde fanatique. Des titres moins percutants que d’autres (« Hyperkalem Pathogens » par exemple), sauvés par une cohérence d’ensemble ne lâchant jamais l’auditeur, laissent tout de même penser que cette nouvelle porte appelle à entrer et rester, tant une marge de progression se devine le long de ces quarante-et-une minutes. Un lieu hybride où P.H.O.B.O.S., maître des clés, pénètre avec force, montrant ici qu’il est déjà chez lui.
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