Victorieux. C’est la première sensation que créé ici Phobos, une sensation directe, quasi-palpable : celle de le rencontrer exactement comme il ne faisait que le laisser entrevoir délicieusement autrefois. Celle de le voir créer le disque qui est une forme d’aboutissement de son style si particulier. Presque une révélation.
Certainement, cela va être compliqué de ne pas user et abuser envers
Phlogiston Catharsis des champs lexicaux du religieux, tant il touche au sacré de sa manière propre. Prenant la suite de l’EP
श्मशान काली et sa plongée dans une mystique faite d’industriel, de black metal et de doom metal devenus syncrétisme hindou, il développe pleinement ce que son prédécesseur introduisait : un voyage dans le feu, le marasme couleur pétrole de
Atonal Hypermnesia s’embrasant et nous brûlant, pour nous rendre semblable à lui. Une catharsis qui a des goûts de meurtre, de rite de passage, où notre individualité s’éteint pour devenir vecteur de la parole de Phobos.
Un pouvoir d’évocation qui fait que je n’ai plus envie de rattacher un autre projet à celui de Frédéric Sacri (ici épaulé de Magnus Larssen et Mani Ann-Sitar). Car si on pourra penser une nouvelle fois au marionnettiste Blut Aus Nord ainsi qu’aux enfiévrés de Drug Honkey, dont la parenté de label (mais qui arrêtera la machine Transcending Obscurity au bon goût épatant ?) et un
Cloak of Skies pareillement vénéneux, quittant l’idolâtrie des anciens pour développer son propre discours, fait d’eux des frères de choix, impossible de trouver ici exact équivalent à ce monstre à la généalogie limpide
(Godflesh, Bathory, Celtic Frost) mais à la croissance inattendue. Dans un monde où les entités les plus bizarres finissent par lasser, stagnant dans leurs trucs et astuces au point de nous habituer à leurs allures de mutant (qui a dit Ævangelist ?), Phobos semble à chaque fois s’approcher un peu plus de sa forme parfaite, sans pour autant donner à circonscrire son identité, l’arrêter à une idée claire, s’enfermer dans des mots préconçus.
Un langage propre, intraduisible, où les concepts usuels de la transcendance, du psychédélisme, d’une sensualité mentale qui donne à épouser du regard les choses d’une manière autre, plus enflammée, plus charnelle, et en même temps plus globale, extra-terrestre, deviennent traces d’une expérience toujours aussi vivante malgré les écoutes répétées. Ne lisez pas plus longtemps cette chronique et allez écouter
Phlogiston Catharsis, son metal qui n’en est plus, liquéfié par incandescence, sa voix black metal qui a la texture visqueuse des idées maudites nous emplissant l’esprit, son magma mécanique et pourtant antimoderne tant il s’approche de l’élémentaire,
Atonal Hypermnesia en guise de flaque entropique, ce nouvel album en flamme libératrice, comme une réponse.
Musique si « alien » devient rapidement aliénante.
Phlogiston Catharsis est victorieux jusqu’à assujettir la pensée de sa proie de façon étonnamment agréable, consentante, surprise qu’elle est de se sentir aussi bien au sein d’un disque au premier abord hostile, chercheur de sang à verser – ce qu’il est mais fait également devenir comme lui, matière humaine heureuse de devenir lave. La récompense « Aljannashid » rend cela clair, les méandres des autres morceaux trouvant la concrétisation de leurs transformations incessantes dans son mantra, scellant l’attachement à ces quarante-sept minutes.
Ce qui rend d’ailleurs étonnant le fait que Phobos n’a pas poursuivi dans cette voie pour le final « Smothered In Scoria », préférant serpenter plutôt qu’établir plus profondément la sacralité sans détour de ce qui le précède. S’il y a à chercher une frustration dans cette œuvre incroyablement riche, généreuse comme rarement, elle est bien dans cette conclusion qui n’en est pas une, terminant par l’impression d’avoir écouté une langue véhiculant sa foi sans pour autant la réaliser sur Terre. Un voyage où l’intérêt est en son sein et non sa destination en somme, mais qui, malgré cette petite envie de voir
Phlogiston Catharsis auréolé en fin d’une puissance caressée et offerte, a le mérite de terminer énigmatiquement un longue-durée qui n’en finit plus de questionner derrière ce qu’il apporte de jouissances immédiates. Car comment chose aussi en dehors de toutes cases, aussi inédite, peut-elle être aussi… naturelle ?
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