Honnêtement, je n’avais pas l’intention de parler de
श्मशान काली. Non pas à cause de sa qualité – arrêtons tout de suite les questions à ce sujet : vous devez l’écouter, si ce n’est pas déjà fait – mais de son contenu, exemple-type de l’œuvre compliquée à chroniquer par sa durée, obligeant à saisir des fragrances plus qu’un discours clair, et sa tracklist, où les différentes reprises de Bathory et Celtic Frost (avec, respectivement, « Enter the Eternal Fire » et « I Won’t Dance (The Elder’s Orient) ») forcent à un professionnalisme m’ennuyant d’avance, avec liste des différences et liens entre les versions d’origines et leur appropriation. En résumé, beaucoup de travail pour un disque qui semblait, à l’époque de sa sortie, n’être qu’un supplément de choix pour les amateurs de la formation, n’ayant de toute manière pas besoin de mes élucubrations pour se jeter sur ces trois titres marqués du nom de P.H.O.B.O.S..
Mais impossible d’y couper, tant cet EP est lié à
Phlogiston Catharsis, album – spoiler alert – majeur de cette année qui enfonce le clou de
Atonal Hypermnesia et confirme que Frédéric Sacri est à considérer comme l’égal d’un certain Vindsval. Cependant, si l’on pense une nouvelle fois à Blut Aus Nord dans cet alliage entre musique industrielle, black et doom metal, difficile de ne pas voir dans ces trente minutes que le phobique développe encore plus son identité, partant dans une direction propre où les références à la culture hindou (« श्मशान काली » signifiant apparemment « Crématorium » en hindi) sont une indication. Par une composition originale (« Smaśāna Kālī (She Is the Firewalkers) ») et des reprises qui ont tout de la base de travail, burinées du sceau du projet au-delà de leurs compositeurs, P.H.O.B.O.S. crée un univers qui quitte la chambre où se torturer d’hallucinations de
Atonal Hypermnesia pour assumer ses envies d’ailleurs, cherchant dans le rituel et le sang versé sa propre voie sacrée. Le cauchemar mental transformé en religion : voilà ce que propose la porte d’entrée
श्मशान काली, ses atmosphères aussi primitives que psychédéliques se vivant dans une exaltation où une production crue, une rythmique tribale, une voix se délectant des joies du meurtre sacrificiel deviennent, au regard de l’arrivée de
Phlogiston Catharsis, une profession de foi délicieuse en elle-même et pour les possibilités qu’elle offre.
Une initiation au feu avant une consécration par lui : c’est comme cela que s’impose cet essai dans mon esprit après écoute de
Phlogiston Catharsis, où un sens, une logique, se révèlent derrière une symbolique aussi énigmatique que jouissive – car au-delà des analyses que pousse à faire l’œuvre de P.H.O.B.O.S., il y a clairement de quoi prendre un plaisir direct, sensuel, dans ces boucles hypnotiques, corrosives et puissantes. Nécessairement aussi convaincants que frustrants pris seuls, ses révérences envers Bathory et Celtic Frost, son dialecte s’inscrivant dans un hindouisme aux images mystiques et cruelles, son syncrétisme de fièvre black metal, langueur doom metal et domination industrielle, prennent toute leur saveur en lien avec la discographie du projet. Raison pour laquelle cette chronique, à la façon de
श्मशान काली, ressemble à une introduction des choses à venir,
Phlogiston Catharsis en ligne de mire. Je l’avoue : il me tarde autant qu’il me fait peur de vous en parler.
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