Comme à chaque fois, c’est en fanfare et à coup de publications Facebook et Instagram naturellement enthousiastes qu’Everlasting Spew Records avait annoncé la signature en mars 2021 des Américains de Civerous. Un deal auquel je faisais d’ailleurs encore allusion dans ma chronique de la compilation
The Expedition Of Illness publiée en septembre dernier. Sauf qu’a priori les choses ne se sont pas déroulées comme prévues puisque c’est finalement chez Transylvanian Tapes Records (Dipygus, Kombat, Fossilization...) que le groupe originaire de Los Angeles a trouvé refuge. Il semblerait en effet que le label italien ait finalement décidé de ne pas s’engager avec les cinq californiens. Les raisons de ce désistement ne me sont pas connues mais a priori les choses ne se sont pas faites sans heurt...
S’il est toujours dommage de voir ce genre de brouilles arriver, à notre niveau de simple auditeur cela ne change pas grand chose. D’autant plus que Transylvanian Tapes Records (chez qui le groupe avait déjà trouvé refuge pour la sortie de son premier album live intitulé
Live Promo MMXXI) reste un excellent label, plus discret mais néanmoins très actif et qui pour l’occasion a fait les choses à fond avec trois pressages différents (vinyle, CD et cassette) histoire de contenter à peu près tout le monde.
Illustré par un certain Nick Mueller dont on appréciera l’usage audacieux de couleurs chatoyantes qui, j’en suis sûr, ne manqueront pas d’attirer le regard de l’auditeur lambda habitué le plus souvent à des dégradés de gris, ce premier album intitulé
Decrepit Flesh Relic va offrir à Civerous l’opportunité de mettre en avant ses progrès (déjà constatés sur la compilations sus-nommée) et surtout une prise de position un peu plus ferme quant au genre qu’il pratique. Eh oui, si les influences Black Metal des Californiens pouvaient sembler évidentes sur leurs tout premiers enregistrements, celles-ci ont aujourd’hui presque totalement disparues (à l’exception de quelques riffs et autres petits passages pour le moins discrets) au profit d’un Death/Doom désormais pleinement assumé.
Du haut de ses trois-quarts d’heure et passé cette longue introduction où se mêlent râles agonisants et murmures inquiétants, ce premier album va dérouler les six compositions suivantes avec une force et une détermination particulièrement engageantes. Il faut dire que la production épaisse, tout en puissance et en lourdeur, mais néanmoins naturelle avec notamment une batterie qui à le bon goût de ne pas sonner artificielle s’avère taillée pour le job, servant en effet idéalement le propos d’un groupe qui apparaît ici plus motivé que jamais. À ma grande surprise, cette production est signée de monsieur Andrew Jay Harris aka Akhenaten de feu Judas Iscariot. Si j’en crois Metal Archives, celui-ci n’a pas travaillé sur un seul enregistrement depuis près de quinze ans. Aussi, le revoir prendre du service pour Civerous sur un album de la trempe de
Decrepit Flesh Relic à de quoi surprendre.
Évidement moins surprenant, le Death/Doom que va nous proposer ici le groupe californien dont la démarche s’inscrit en effet dans une relecture relativement fidèle de ce qu’un groupe comme Spectral Voice (lui-même influencé par deux ou trois grands anciens tels qu’Evoken, diSEMBOWELMENT ou Therghoton) propose depuis maintenant quelques années. Une formule qui d’ailleurs semble connaître un certain regain d’intérêt auprès de jeunes formations désireuses d’explorer ces terres désolées et arides à coups de riffs plombés qui puent la fatalité et de séquences beaucoup plus musclées servant de véritables électrochocs dynamiques. Si la recette est bel et bien connue de tous, Civerous a néanmoins tenté d’y apporter sa petite touche personnelle histoire de quand même faire la différence. C’est ainsi à l’aide d’un violon présent sur le titre instrumental "Rot Delineated (Decrepit Flesh Relic)" à 0:18 ainsi que sur "Spiral Of Eyes" à 7:48 que le groupe d’Oakland va être en mesure non pas nécessairement de surprendre l’auditeur (de nombreux groupes de Death/Doom ont déjà fait appel à ce genre d’instrument par le passé) mais au moins à apporter un peu de fraîcheur à une formule plus ou moins cousue de fil blanc. Et si l’effort reste relativement mesuré, on saura néanmoins apprécier à sa juste valeur cette couleur un brin plus dramatique apportée par ces sonorités si particulières. Dans une moindre mesure, l’effet d’écho donné au growl d’Issaiah Vaca apporte également une sorte de profondeur supplémentaire à la musique des Californiens et participe par là même à l’identité plus affirmée de Civerous.
Enfin, outre ces quelques petites spécificités et ces alternances de passages écrasants et de moments menés le couteau entre les dents, on va également retrouver le genre de sonorités spectrales et cosmiques (sous forme de leads lointains ou de notes solitaires) qu’affectionnent en particulier certains des groupes sus-mentionnés. C’est le cas notamment sur "From The Crypt To The Cavern", "Hubiku", "Bone Wreath" et "Spiral Of Eyes". Si l’héritage de ces sonorités ne fait ainsi aucun doute, l’effet sur le Death / Doom de Civerous reste le même.
Decrepit Flesh Relic est ainsi marqué par le même genre d’atmosphères profondes et délétères dans lesquelles l’auditeur prendra plaisir à s’engouffrer corps et âme. Car oui, à la manière de ce growl abyssal et lointain, il y a quelque chose de profondément effrayant et attirant dans la musique des Californiens. Quelque chose qui pousse à revenir encore et encore à se confronter à ces moments pesants de solitude ou à ces instants de sauvageries expiatoires. Bref, les signes évident d’un album pour le moins réussi...
En effet, si les premiers enregistrements du groupe manquaient un peu de direction avec notamment quelques digressions Black Metal relativement surprenantes, Civerous prouve ici qu’il a désormais trouvé la bonne formule. Certes,
Decrepit Flesh Relic n’est pas un album d’une grande originalité mais la grande qualité d’exécution (que ce soit dans la construction des compositions, les riffs et mélodies ou le développement de toutes ses ambiances) et les quelques efforts dispensés en vu de se démarquer et apporter une touche de personnalité à son Death / Doom font de ce premier essai longue durée une franche réussite qui malgré une année particulièrement chargée en sorties de qualité (Worm, Hooded Menace, Dream Unending, Mortiferum, Burial...) ne manquera pas de retenir l’attention et de trouver sa place parmi les plus remarquables de 2021.
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