Dripping Decay - Watching You Rot
Chronique
Dripping Decay Watching You Rot (EP)
Si notre époque nous a prouvé qu’aujourd’hui tout est malheureusement sujet à débat, il y a quand même quelques points sur lesquels l’humanité semble capable de s’accorder. Outre le fait qu’on ne puisse donc pas mettre d’ananas sur une pizza, le flair d’un label comme Headsplit Records n’est également plus à démontrer.
En activité depuis 2007, la structure de Portland menée par Dylan Laviolette (Cemetery Lust, Hacksaw, Nekro Drunkz...) a depuis longtemps prouvé qu’elle avait effectivement le nez creux lorsqu’il s’agissait de débusquer de modestes formations pourtant capables de vous mettre la tête au carré. La liste est longue mais de Morbific à Perversor en passant par Anthropophagous, Apraxic, Sadistic Drive, Cystic, Autophagy, Morbital et bien d’autres encore, le label a en effet très rarement déçu… Et comme beaucoup d’entre vous, c’est donc avec une certaine avidité que je suis l’essentiel de ses sorties. Parmi les plus récentes, on trouve un groupe lui aussi originaire de Portland répondant au nom dégoulinant de Dripping Decay.
Formé on ne sait trop quand, ce dernier réunit en son sein des membres de Frightmare, Hallucinator, Blood Freak et autres entités plus obscures dont personnellement je n’avais encore jamais entendu parler (Caffa, Forsaken Eternity, Hand Of Fire...). En guise de première sortie et plutôt que de passer par la case "démo", Dripping Decay s’est dit qu’il serait probablement plus judicieux avec sept morceaux sous le coude d’avancer directement à l’étape suivante, celle du EP. Intitulé Watching You Rot, celui-ci est illustré part l’artiste finlandais Toni Hietomaa (Lantern, Excrement, Rotpit, Cadaveric Incubator...) qui afin d’être le plus raccord possible avec le nom du groupe signe pour l’occasion une oeuvre baveuse laissant planer peu de doutes sur ce que l’on va pouvoir y trouver.
En effet, comme le dit cet adage de l’autre côté de l’Atlantique: "What you see is what you get". Ainsi, suite à cette chouette introduction qui à le mérite de planter comme il se doit le décors à coups de synthétiseur aux sonorités horrifiques héritées des années 80 et de samples improbables sortis de je ne sais où ("And then I was covered with feces and sewer sludge and ashes of dead babies"), Dripping Decay va rapidement passer aux choses sérieuses, embrayant sans plus attendre vers un Death Metal à l’ancienne fortement influencé par un certain Repulsion. Une vision simple et archaïque, notamment au regard des standards de notre époque, mais dont le résultat particulièrement sauvage et redoutable ne devrait avoir aucun mal à convaincre tout ceux qui portent Horrified en haute estime (et si ce n’est pas le cas, il serait peut-être bon de revoir vos "classiques").
Bien décidés à faire ce que l’on appelle une entrée remarquée dans le petit monde putride du Death Metal, les quatre américains ont donc choisi d’y aller particulièrement franco le temps d’un "Cremator" aussi expéditif que jouissif. En un tout petit peu plus de deux minutes, le groupe de Portland va ainsi y aller de tout ce qui fait le charme du célèbre trio originaire de Flint. De ces riffs à trois notes aussi simples qu’efficaces qu’il va naturellement dégueuler à la face de l’auditeur avec cette urgence et cette intensité caractéristiques de la scène Punk en passant par ces accélérations frénétiques et explosives menées bien évidemment pied au plancher, ces quelques ralentissements et autres changements de rythmes aussi brefs que particulièrement bien sentis, ces ambiances faisandées ou bien encore ce growl arraché et maladif, rien ne manque à cette formule vieille de bientôt quarante ans et qui malgré toutes ces années n’à encore aucune difficulté à rendre complètement dingo... Après ce "Cremator" des plus réjouissants et loin de vouloir en rester là, Dripping Decay va renchérir de plus belle avec un "Dissolve Me" encore un petit peu plus redoutable qui entre ces blasts à la sauce kalachnikov, ces riffs profondément débiles mais d’une efficace redoutable, cette voix arrachée et ces quelques grognements de hyènes, fini s’il en était encore nécessaire de nous convaincre du plein potentiel de ces "jeunes" Américains. À titre personnel, il ne m’en a pas fallu davantage pour être acquis à la cause de Dripping Decay et cela même si la suite va légèrement baisser en intensité.
Rien de grave puisqu’à la manière d’un Autopsy qui est assurément l’une des autres grandes influences du groupe de Portland, on va trouver sur "Bay Of Blood" et surtout "Watching You Rot" une plus grande prédisposition pour tout ce qui est mid-tempo vicieux et déglingués. Là encore rien de bien sorcier puisqu’à après ces attaques menées le couteau entre les dents ("Cremator", "Dissolve Me", "Sadistic Excruciator"), Dripping Decay va prendre un malin plaisir à lever le pied le temps de séquences toxiques où à défaut de se taper la tête contre les murs le plus clair du temps on va tout simplement dodeliner de la tête avec la bave aux lèvres (les premières secondes de "Bay Of Blood" ou un petit peu plus loin à compter de 1:48 ou bien sur l’excellent "Watching You Rot" et cette entrée en matière viciée et entêtante). Un joli petit tour de passe-passe puisque de cette façon le groupe évite une certaine redondance même si en vrai personne n’a jamais reproché à un album comme Horrified d’être trop linéaire...
Si tout cela manque donc peut-être un petit peu d’originalité dans la mesure où chaque plan et chaque séquence renvoie effectivement à quelque chose ayant déjà été fait il y a de cela un paquet d’années (avec l’art et la manière qui plus est), ce premier EP de Dripping Decay n’en reste pas moins une excellente découverte que je prends plaisir à écouter sans jamais me lasser. On attendra de voir ce que le groupe nous réserve pour la suite et s’il est surtout capable de s’accommoder de plus longs formats souvent révélateurs d'une certaines redondances et plus globalement de certaines limites mais en l’état c’est évidemment un grand "OUI" enthousiaste et sincère à l’écoute de ce genre de Death Metal qui me rend personnellement toujours aussi neuneu !
| AxGxB 31 Janvier 2022 - 967 lectures |
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