Dool - Summerland
Chronique
Dool Summerland
Depuis deux années déjà, la vie semble tout faire pour m’empêcher de retrouver un rythme de chronique digne de ce nom. Ceci pour toute une flopée d’odieux impondérables bien triviaux en tous genres, mais aussi et surtout par manque de temps à offrir à la seule musique toute nue. Il y a de quoi faire pourtant, la scène se porte bien, mon intérêt ne décroît pas. La conjecture structurelle de mon flexible workflow, pour parler comme un jeune macroniste bien de son temps, ne se trouve plus adapté à mes productive goals. Et il faudra y remédier. Les occasions ne manquent pas, pour sûr.
En voilà une belle occasion (qui date d’il y a un ans déjà), tiens. Dool, groupe néerlandais de rock psychédélique occulte mené par une chanteuse ensorcelante et paré d’une superbe pochette. Mmmmh. Cerise sur le gâteau, la formation s’est échangé quelques membres avec The Devil’s Blood par le passé. L’album précédent, déjà très apprécié à sa sortie, pouvait se targuer d’un batteur qui avait travaillé avec Selim Lemouchi, et la propre sœur de cette grande âme évadée de son plein gré en 2012 honorait alors Dool de sa mythique voix. Pas mal pour un premier galop.
Pas mal, certes, mais notre fine équipe de gros bataves visait pourtant plus haut. Remaniement de personnel, adieu le bassiste ex The Devil’s Blood et plus de Farida, entièrement concentrée sur son chouette projet Molasses. En revanche niveau beau monde, on est allé chercher Valnoir pour ladite pochette. J’ai beau n’apprécier que très rarement le travail du Monsieur, pour cette fois, j’adore. Cette petite église toute en flèches et en créneaux gothiques perdues au milieu de lanugineuses soieries écarlates… Sublime. Parfaite représentation de la musique du groupe.
Dool joue sur le terrain bien connu du (hard) rock psyché, aux ambiances toujours en demi-teintes, construites sur un constant clair-obscur. Les structures ne se font pas aussi aventureuses que ce à quoi la plupart d’entre nous s’attendent en présence de la mention « psychédélique ». On nage une petite brasse au milieu des eaux bien connues du couplet/pont/refrain, avec quelques immersions occasionnelles dans des profondeurs un peu plus troubles et progressives. Le climat de l’album demeure très homogène, en profonde cohérence avec lui-même, sans rupture. On décline l’essence en explorant ses émanations, mais on ne change jamais de substance première. Le groupe ne se permet aucune vraie récréation, et l’on ressent intensément le concept, l’idée directrice qui habitait le groupe tout au long de la composition. On pourrait d’ailleurs se risquer à dégainer l’infâme formule d’album « mature ». Dool se fait tourbé, réfléchit, flegmatique, rassemblé et surtout sobrement décidé. Et à propos de sobriété, il faut souligner la remarquable créativité du groupe, qui ne s’encombre d’aucun instrument autre que les quatre et six cordes (acoustiques et éléctriques), la batterie, le chant et les claviers. Dès « Sulphur et Starlight », la personnalité de Dool s’impose. Mélodie de guitare rêveuse, montée de la section rythmique, couplet avec chapelet de petites notes sur voix langoureuse... Selim n’est pas loin. Sans doute planait-il dans un coin du plafond durant l’enregistrement.
D’une manière générale, toutes les pistes de cet album se trouvent bâties sur un modèle à peu près similaire, sans que la magie ne vienne jamais à retomber. Fine alliance arpégée d’une guitare crunch et de volutes acoustiques, basse mutine et balancée, quelques petits claviers en soutien, et la voix de Ryann Van Dorst pour surplomber le tout. Un mot d’ailleurs, sur cette voix si particulière, que j’ai prise pour celle d’un homme le temps des premières écoutes. Point trop de fioritures, pas de pathos excessif, tout se joue sur la justesse et ce grain assez indéfinissable, situé quelque part dans les bas médiums. N’attendez pas un énième plagiat de Jinx ou de Janis, comme on peut en voir passer des cargaisons depuis plus de dix ans chez tous les groupes de rétro-rock occultisant.
Summerland tout entier me fait penser au Led Zeppelin de « When the Levee Breaks ». On retrouve un groove voisin, une ambiance proche, tout aussi incantatoire même si plus sombre, moins bluesy. On renifle d’ailleurs les relents black metal tout au long du disque, et plus encore les riches effluves d’un Sisters of Mercy sur Floodlands. Gothique, pour autant ? Je ne sais pas bien. Je me tâte. Pas aussi épanché que les fardés londoniens, Dool se fait plus sobre, plus austère. Mais une partie des eaux du Déluge sont venues irriguer Summerland, sans aucun doute possible.
Au rang des pépites, citons la très orientalisante « God Particle », ses couplets menaçants et son refrain en supplique. « The Wells Runs Dry » également, très dansant, plaintif et sorcier. « Ode to the Future » permet un bel apaisement en fin d’album, plus franchement lumineux et serein. Enfin, « Dust and Shadow » consacre toute l’œuvre, rituel paroxysmique porté par une mélodie tragique au possible en accords tonnants et trémolos poignants. Grand moment, puissant, touchant en Diable sur son refrain « Into the Eye of Fire… » répété comme un mantra. Extraordinaire final.
Ceci, chers lecteurs, est un grand album. Une des rares productions de la sphère psych/prog/mystique qui parvienne à se hisser à la hauteur des albums des années 70’, dépassant sans efforts les myriades d’autres formations de besogneux qui s’échinent à décalquer sans comprendre que l’excellence visée viendra d’ailleurs. Dool est inspiré, héritier, mais jamais atavique. Et à force de talent et de travail, il parvient à sa fin, à l’objectif final de tout groupe de musique.
Summerland restera.
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