Verbum - Exhortation to the Impure
Chronique
Verbum Exhortation to the Impure
On ne présentera pas Iron Bonehead chez qui est sorti, le 14 janvier dernier, ce Exhortation to the Impure. À moins d'avoir vécu dans une cave ou carrément sur une autre planète durant ces vingt dernières années, la simple évocation du label teuton devrait susciter un minimum d'intérêt. En revanche, certains d'entre vous auraient peut-être trouvé utile de situer les gaillards de Verbum, mais on ne peut pas dire que l'on sache grand chose à leur sujet. Si ce n'est qu'ils nous viennent du Chili -pour changer-, qu'ils sont à priori cinq dans le groupe, et qu'ils n'ont sorti auparavant qu'un seul EP, en 2016. C'est tout ce qu'il y aura à se mettre sous les chicots. Maigre, n'est-ce pas ?
Ce qui l'est déjà un peu moins, maigre, c'est ce premier album. Quand bien même avait-on été gavé de (Black/)Doom/Death durant l'année passée, qu'il faudrait vraiment être méchamment snob pour dédaigner la présente offrande. On y retrouve les essentiels du genre: opacité, profondeurs insondables, variations des tempi et des patterns de batterie (faut insister là dessus, le gus semble toujours en recherche de subtilités bienvenues, qui insufflent énormément de vie à cette incarnation par ailleurs des plus macabre), large éventail des épaisseurs de couches de parpaings (ah bon, c'est des guitares ?) que vous allez recevoir dans les gencives, le tout au service de compositions le plus souvent à tiroir, emmenant de plus en plus loin et profond, jusqu'à ce que plus aucune lumière ne puisse dessiner les contours de quoi que ce soit. Là où c'est très bien interprété, c'est qu'à jouer ce jeu, on prend inévitablement le risque d'accoucher d'une œuvre imbitable, au sujet de laquelle seuls quelques élus autoproclamés prétendront être parvenus à en goûter la saveur méphitique, et avoir tout compris des secrets les plus occultes de l'existence par la même occasion (tant qu'à faire). Eh bien là non, les Chiliens évitent cet écueil. Sûrement, et en premier lieu, de par les qualités de ces compositions qui s'abstiennent de tourner en rond. Ensuite, de par sa durée générale inférieure à trente-six minutes, qui aide évidemment à digérer plus aisément le tout. Si bien même, qu'à quelques reprises, un léger sentiment de "trop peu" pourrait se faire ressentir quand les dernières notes se meurent. Mais parfois seulement. Et dans ces cas là, c'est pas bien compliqué, on a le choix: appuyer à nouveau sur la touche play, lancer leur EP qui annonçait déjà quelques prétentions (on y retrouve d'ailleurs l'entrée en matière de Exhortation... en guise d'"outro"), ou bien aller taper dans votre garde-manger, qui, une fois encore, devrait être bien rempli depuis la fournée MMXXI.
Ce qui m'a aussi marqué, ce sont des relents épars qui m'ont dans un premier temps renvoyé vers le De Mysteriis Dom Sathanas. Une atmosphère qui, même de loin, me semblait assez similaire, se dégageait de l'album des Chiliens. Je pense notamment à ces moments où seule la six cordes est présente, et ces arrêts en suspens baignant dans la réverbe ambiante, ou encore certaines intonations d'outre-tombe du chant qui pourraient rappeler Attila Csihar. Je ruminais cette impression de cousinage, me disant que, tout de même, ce n'était pas exactement ça, et que dans tous les cas, il ne s'agissait sûrement pas de Mayhem-worship... et puis, j'ai réalisé que c'était aussi vers le Thorns de Snorre W. Ruch que ces ambiances me ramenaient (le lien avec DMDS reste cohérent), plus particulièrement les demos, et dans une moindre mesure le split Thorns vs. Emperor. Ces impressions ont beau être éminemment subjectives, c'est, en partie, le pourquoi de mon intérêt pour cet album de Black/Doom/Death, que j'ai du mal à comparer à d'autres mastodontes de la catégorie (excepté les Finlandais de Swallowed peut-être...), même si, bien entendu, on trouvera des composantes communes, les aspects crépusculaires et funestes, un genre de religiosité nécessairement solennelle, abyssale. Et il y a par ailleurs, et curieusement, un côté force tranquille, imposante, pleine d'assurance, que cela soit sur les parties plombées ou les quelques déflagrations contrôlées. En d'autres termes: on sent bien qu'ils ne claquent pas du boule nos lascars.
Mon seul reproche vis-à-vis de cet album, outre éventuellement la durée un peu chiche, c'est sa pochette. Le côté gravure, même si déjà vu un milliard de fois, ne me dérange pas, mais sérieusement, qu'est-ce que c'est que cette vieille paluche aux doigts évoquant un bouquet de merguez mal dégrossies ? C'est évidemment un détail, mais au vu de l'esthétisme soigné du reste, ainsi que les différentes illustrations proposées pour leur EP, je comprends mal comment un crobar aussi atroce a pu être validé. Si vous partagez mon interrogation, j’espère qu'elle ne vous aura pas empêché de poser les oreilles sur cet album, mais si jamais c'était le cas, j'ose imaginer que, peut-être, mon baragouinage ci-dessus vous aura convaincu de passer outre l'hideux ornement.
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