Comme le football, le métal a besoin de "grosses cylindrées", des groupes qui tirent les autres vers le haut. C'est d'autant plus vrai pour le death métal, genre caractérisé par une scène saturée qui se copie inlassablement. Heureusement, certains groupes osent sortir des sentiers battus et ne se laissent pas enfermer dans un carcan auto-imposé qui nuit gravement au renouvellement du style. Il faut des locomotives, des leaders qui fassent avancer le Schmilblick (Coluche, si tu nous regardes...). C'est là que Nile intervient. Dès 1998 et son premier album,
Amongst The Catacombs Of Nephren-Ka, les Américains ont bien fait comprendre qu'ils n'étaient pas un groupe comme les autres: brutalité ahurissante, technicité hors-norme, vocaux hallucinants et surtout concept novateur centré sur la civilisation égyptienne. Et à chaque nouvel album, ils n'ont cessé d'enfoncer le clou. Voici donc
Annihilation Of The Wicked, le 3ème enfonçage de clou.
Afin de faire honneur à la richesse musicale de cet album, il aurait sans doute fallu rédiger cinq pages, avec un track by track très précis mais chiant comme la mort. Je vais donc, cher lecteur (oui, j'ai perdu tout espoir d'avoir des lectrices!), t'épargner ce calvaire et te laisser découvrir au fil des écoutes tous les trésors cachés, tout en essayant de restituer fidèlement ma profonde admiration pour ce groupe à part. Car Nile ça ne se lit pas, ça s'écoute, et seul, le soir, dans le noir, allongé sur son lit à la fin d'une journée pénible où tout plein de choses n'ont cessé de te rapeller que devenir un adulte ça n'a décidément rien de marrant. Tu mets tes écouteurs (ou ton casque, si, ami lecteur, tu as les moyens), tu fermes les yeux et tu te laisses bercer par les remous (souvent féroces) du fleuve (et tu n'oublies quand même pas d'appuyer sur "play", je ne vais pas tout te dire non plus!).
Une fois complètement imprégné de l'ambiance unique, tous les charmes se dévoilent, chose impossible si on écoute d'une oreille distraite, ce qui serait une insulte suprême pour une telle musique. La production est lourde mais claire et les guitares sont bien plus mises en valeur que sur
In Their Darkened Shrines, le précédent opus. Du coup, la batterie se trouve légèrement sous-mixée. Malgré celà on est soulagé que Nile ait trouvé un remplaçant au monstrueux Tony Lauréano. Le grec George Kollias (Nightfall, Sickening Horror) s'avère excellent dans son nouveau rôle et je pense que beaucoup préfèreront son jeu moins démonstratif mais tout aussi technique. Je disais un peu plus haut que les guitares étaient bien mises en valeur, on ne peut ansi qu'être stupéfait devant un tel talent de composition et d'orchestration, même si ce dernier point s'avère plus discret que sur
In Their Darkened Shrines. On a une nouvelle fois le droit à des morceaux très rentre-dedans, de véritables démonstrations de technique, de brutalité et de vitesse avec blast-beats foudroyants et BPM qui affolent les compteurs ("Cast Down The Heretic", "Sacrifice Unto Sebek, "The Burning Pits Of The Duat", "Chapter Of Obeisance Before Giving Breath To The Inert One In The Presence Of The Cresent Shaped Horns") et des morceaux plus épiques (et de plus de 8 minutes) d'où ressort une atmosphère mystique et envoûtante ("User-Maat-Re" et les deux derniers titres, absolument fantastiques, "Annihilation Of The Wicked" et "Von Unaussprechlichen Kulten"). Côté riffs c'est la foire à la saucisse, aucune impression de déjà entendu ou de réchauffé vient nous gâcher l'écoute. Karl Sanders est bien l'un des meilleurs guitaristes de la scène extrême. Ce qu'il y a de bien avec Nile, c'est qu'en plus d'écouter de la putain de bonne musique, on voyage, pour beaucoup moins cher qu'avec Flash Airlines et sans arrêt fâcheux à Charm El-Cheikh. Chaque note respire l'Egypte ancienne, tout comme les magnifiques harmonies et les samples d'ambiances (moins présents qu'auparavant toutefois) distillés tout du long: le morceau acoustique d'intro, "Dusk Falls Upon The Temple Of The Serpent On The Mount Of Sunrise", le riff à 1'31 de "Sacrifice Unto Sebek", l'intro de "User-Maat-Re" et le titre instrumental "Spawn Of Uamenti" avec ses samples bien flippants sont ainsi des petits bijoux. Certains passages sont plus qu'impressionnants, je pense notamment aux joutes solistes de Sanders et Toler-Wade sur "Cast Down The Heretic" qui durent pas moins de 2 minutes (!) et les déferlements ultra brutaux à partir de 2'43 sur "The Burning Pits Of The Duat" et à 1'21 sur "Annihilation Of The Wicked". Autre chose qui rend Nile intouchable: les vocaux. L'utilisation de troix voix différentes est un plus non négligeable et évite au groupe une linéarité fréquente à ce niveau pour la plupart des formations de brutal death. Et je ne peux que m'incliner humblement devant la voix incroyablement caverneuse de Karl Sanders, c'est surréaliste (et en live je vous raconte même pas!!).
Grâce à Nile, je l'ai dit, on écoute du bon son et on voyage. Mais ce n'est pas tout: on s'instruit aussi. Les explications de textes dans le livret sont une très bonne idée et permettent de crédibiliser encore plus le concept si cher à Karl Sanders. Tout celà est présenté sous la forme d'un digipak à l'artwork somptueux pour parachever cette nouvelle pièce maîtresse dans la discographie du groupe. Et croyez moi c'est vraiment important quand on débourse 17 euros de voir que rien n'a été laissé au hasard.
Nile a encore frappé un grand coup avec ce
Annihilation Of The Wicked. Même s'il est moins ambiancé et plus direct que l'énormissime
In Their Darkened Shrines, il constitue un fantastique témoignage du génie de la bande à Sanders, à mille lieux des autres combos brutaux. J'aime à penser que Nile bourrine intelligemment et qu'il intellectualise le death métal, en l'amenant à un niveau jusque là insoupçonné. La grande classe quoi!
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