Peu importe le nombre de va-et-vient qu’à connu Nile tout au long de son existence, le sort du groupe a toujours reposé sur les épaules d’un seul homme, celles de Karl Sanders. Pilier indéboulonnable de l’entité originaire de Greenville en Caroline du Sud, l’homme à toujours su faire face aux multiples aléas, assurant contre vents et marées (parfois plus péniblement) la pérennité de son héritage. Pourtant, s’il y a bien un départ chez Nile qui a soulevé tout un tas d’interrogations, c’est évidemment celui de Dallas Toler-Wade. Après vingt-ans de bons et loyaux services aux côtés de monsieur Sanders, celui-ci a décidé qu’il était temps de raccrocher les gants, prendre un peu de recul et surtout poser ses bagages, préférant laisser sa place à qui pourrait cocher toutes les cases d’un cahier des charges que l’on imagine particulièrement exhaustif et épuisant (phases de composition, séances d’enregistrement, tournées, phases de composition, séances d’enregistrement, tournées...). L’heureux élu est un certain Brian Kingsland dont le nom n’a certainement pas dû aider à rassurer le quidam puisqu’il était jusque-là un parfait inconnu, traçant sa route au sein de formations tout aussi inconnues que lui (Enthean, Rites To Sedition). On note également l’intronisation officielle de Brad Parris au poste de bassiste bien que celui-ci a rejoint les rangs de la formation en 2015.
Quatre ans après un
What Should Not Be Unearthed qui chez moi avait fait plutôt bonne figure, Nile est de retour depuis novembre dernier avec un nouvel album intitulé
Vile Nilotic Rites. Si celui-ci a une fois de plus été enregistré dans les studios de Karl Sanders (à l’exception des parties de batterie de monsieur Kolias enregistrées à Athènes), on remarque surtout que Neil Kernon n’est désormais plus de la partie, une première depuis 2005 et l’enregistrement de
Annihilation Of The Wicked. Pour le mixage et le mastering, Nile a donc fait appel aux services du producteur Mark Lewis (Arsis, Cannibal Corpse, Deicide, Monstrosity) pour un résultat que je trouve encore un peu plus équilibré que son prédécesseur, un album qui pourtant corrigeait déjà le tir face à un
At The Gate Of Sethu manquant cruellement de coffre et de personnalité (très peu de basse dans l’ensemble, une batterie au rendu affreusement synthétique...). Ici Mark Lewis a conservé cette lisibilité tout en offrant davantage de puissance et surtout un poil plus de relief. Certes, on reste sur une production moderne avec ses travers les plus évidents, notamment ce trigg systématique qui se fait toujours beaucoup trop entendre à mon goût, mais dans l’ensemble le travail réalisé sert plutôt bien les compositions à tiroir d’un Nile toujours aussi technique et véloce. Enfin pour une fois, l’artwork est également plutôt réussi avec un choix de couleurs qui change quelque peu des tons ternes et/ou monochromes auxquels le Polonais Michał "Xaay" Loranc nous avait habitué jusque-là.
Bon, allez, assez tergiverser, rentrons dans le vif du sujet et commençons peut-être par les choses qui fâchent. Le seul véritable reproche qui me vient en tête est encore une fois ce manque de sonorités orientales qui, à l’époque des premiers albums du groupe, permettaient une immersion quasi-instantanée dans l’Égypte des Pharaons. Si ce point de dissension a déjà été évoqué par le passé, je trouve que Nile n’a jamais été aussi feignant en la matière que sur cet album. Il faut attendre le titre instrumental "Thus Sayeth The Parasites Of The Mind" pour entendre enfin de véritables instruments évoquant la grande pyramide de Khéops, le Sphinx de Gizeh et les abords verdoyants du Nil (même si on peut tout de même distinguer quelques sonorités habituelles (ces tambours, ces choeurs féminins tragiques, ces énormes trompettes de l’apocalypse...) disséminées ici ou là depuis le titre "Oxford Handbook Of Savage Genocidal Warfare"). Un degré de fainéantise tel que le groupe en est d’ailleurs arrivé à pomper sans vergogne les partitions d’un Howard Shore sur The Lord Of The Rings (si cette séquence entamée à 6:29 sur "Seven Horns Of War" ne vous rappelle pas le titre "The Fighting Uruk-Hai" alors il faudrait penser à consulter un ORL rapidement) ou bien celles d’un Akira Ifikube (le début de "Seven Horns Of War" - encore lui - calqué note pour note sur le thème "Godzilla vs Mothra" de 1964)... Encore une fois, même si le groupe à peut-être le sentiment que tout cet apparat n’est aujourd’hui plus vraiment nécessaire, il est dommage de les voir réduits à peau de chagrin. D’autant que Karl Sanders à toujours été particulièrement à l’aise dans cet exercice puisqu’il fût un temps capable de pondre des albums entiers sur le sujet (
Saurian Meditation et
Saurian Exorcisms).
Pour le reste, on retrouve ce groupe que l’on connait bien et qui, soyons clair, n’entend pas changer quoi que ce soit à sa formule. Du coup, au delà des qualités évidentes et surtout immanentes à Nile qui sont notamment ses grandes aptitudes techniques, sa vélocité et sa capacité à sortir des albums bien souvent au-dessus de la moyenne dans un genre quelque peu en berne ces dernières années (même lorsque ces dits albums ne sont pas aussi bons qu’escompté), tout ce qui va permettre de faire la différence c’est généralement le degré d’inspiration frappant monsieur Karl Sanders et ses acolytes (puisque oui, le processus de composition semble depuis déjà quelques années largement partagé). Une inspiration jugée bien souvent à la baisse ces dernières années par les amateurs de la première heure même si en toute honnêteté, nombreux sont les groupes de Brutal Death un brin technique qui aimeraient sortir des disques d’un tel niveau. Mais qui aime bien, châtie bien alors forcément Nile continue d’essuyer les plâtres liés à ce statut de leader dans le secteur. Concernant ce
Vile Nilotic Rites, tout est encore une fois une question de ressenti. Je pourrais facilement perdre mon temps ainsi que le votre à vous parler de cette dextérité qui caractérise encore aujourd’hui le jeu épileptique de Karl Sanders, de cette aptitude à construire de longs titres à tiroirs, vous dire à quel point George Kollias est un fichu bon batteur mais le fait est que tout le monde le sait depuis déjà belle lurette. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’à mon sens, Nile s’en tire ici plutôt bien grâce à un album qui ne surprendra personne mais qui à cependant le mérite d’être parfaitement dosé. Sauvage mais pas trop,
Vile Nilotic Rites alterne ainsi les titres ou séquences musclés à des passages plus en retenus, à la fois lourds et particulièrement imposants. Les cinquante-cinq minutes passent ainsi sans encombre, le groupe étant toujours capable de briser des nuques comme de développer ce genre d’atmosphères grandiloquentes et théâtrales quelque part entre Stargate, Gods Of Egypt et The Mummy. Surtout, le riffing est suffisamment inspiré pour espérer redonner un peu de couleurs à tous ceux qui étaient jusque-là en PLS après une succession d’albums jugés insatisfaisant. Certes, ce n’est pas tout à fait le Nile de la grande époque mais les écoutes successives finissent tout de même par révéler tout un tas de bonnes choses. Et finalement c’est peut-être ça notre problème, continuer de croire que le groupe pourrait être capable de nous époustoufler comme il a su le faire lors de ses premières années sans voir qu’il reste encore aujourd’hui, après vingt-sept ans de carrière, l’un des groupes les plus solides du genre.
Malgré ses défauts évidents,
Vile Nilotic Rites n’en demeure pas moins un très bon album de Brutal Death technique. Bien entendu, il pâti de la comparaison inévitable avec certains de ses prédécesseurs face auxquels il ne pourrait résister (l’indétrônable
Annihilation Of The Wicked) mais se serait faire preuve de mauvaise foi que de nier les qualités évidentes de ce neuvième album. Car quoi qu’en dise ses détracteurs, Nile doit justement cette longévité à la qualité de ses réalisations, à sa capacité à entretenir cet univers et à ses particularités qu’il a lui même façonné tout au long de sa carrière, à son niveau d’excellence (parfois en baisse il est vrai) face à une scène Brutal Death qui depuis déjà pas mal d’années fait plus de peine qu’autre chose. Alors non, ce 8 donné à cet album n’est pas un 8 par dépit mais bien un 8 mérité face à une musique d’une efficacité indiscutable, exécutée d’une main de maitre et à la puissance destructrice et évocatrice toujours aussi impressionnantes.
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