La vie n’est pas un long fleuve tranquille...et la pérennité d’un groupe ne tient qu’à un fil. Prenez l’exemple d’Ultha. Court passage sur un gros label (Century Media), difficultés rencontrées pour leur troisième album, départ du guitariste R.C., problèmes personnels et questionnements divers, la trilogie, débutée en 2016 avec l’excellent
Converging Sins, aura bien failli rester inachevé. Heureusement après un petit pas de côté, une grosse inspiration ainsi que l’arrivée du guitariste L. (Unru, Sun Worship), les Allemands retrouvent rapidement l’envie et la flamme. En résulte la parution de divers courts formats, dont le très bon EP
Floors of Heaven. Deux ans plus tard, la formation surprend ses fans en annonçant la sortie de
All That Has Never Been True, via Vendetta Records, sans tambour ni trompette. Aucune promotion et un artwork aussi classieux qu’intriguant réalisé par Tobias Hahn (cf.
Belong ou
Floors of Heaven) en guise de premier contact, il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité.
Autant de signaux positifs qui ont rapidement estompé les craintes laissées par un
The Inextricable Wandering en demi teinte, dont les élans dark et ambiancés avaient la fâcheuse tendance à vous perdre en cours de route. « Dispel » ne fait d’ailleurs que confirmer ce sentiment. Les musiciens ouvrent les hostilités sans fioritures, pas de longue intro ici ni de passages instrumentaux low tempo – dans la continuité du EP sorti en 2020. La production plus raw accentue également la noirceur et l’agressivité des compositions. M. Schaub, impérial derrière les fûts, vient rompre le calme, sert de contrebalance, sur certaines parties plus calmes comme sur « Der alte Feind (Jeder Tag reißt Wunden) ». La tension et le désespoir surgissent au gré des minutes par ce jeu d’équilibriste, ces cassures, cette sensation d’être proche du point de rupture. Que ce soit au détour de lignes de guitares épurées (l’intro de « Bathed in Lightning, Bathed in Heat »), les douces notes un peu enfantines (jouées par A. Rosczyk) qui surgissent ça et là, le chant clair ou encore les belles montées épiques (cf. « Carrion (To Walk Among the Spiders) »), une petite lumière émerge, fébrile. Des éclaircies lointaines et en trompe-l’oeil, qui ne font que mettre en relief et magnifier l’humeur sombre de R. Schmidt.
Salvation waits for noone and soon
I will forget that the world has forgotten about me.
All That Has Never Been True est l’album le plus nihiliste et le plus personnel du groupe. Une œuvre tourmentée où vous retrouvez la touche « Ultha » dans la manière de composer, l’importance accordée aux ambiances et l’effusion d’émotions. Sa musique évoque des images, d’une virée nocturne seule avec ses angoisses. Ce nouveau long format frôle l’heure de jeu mais les Allemands se font plus concis et plus précis aussi. La bombe explose avec « Dispel » mais l’attention ne faiblit pas même lorsque le rythme se fait plus lent comme sur « He Knew and Did Not Know », morceau instrumental anxiogène à souhait. Il est une sorte de passerelle menant à la seconde partie de l’album, davantage tortueuse. La folie s’invite vicieusement, menée d’une main de maître par R. Schmidt (au chant habité et très varié), des mélodies désabusées mais aussi un côté plus ésotérique (« Carrion (To Walk Among the Spiders) »). Vous êtes déstabilisé, passant de sonorités post-punk/cold-wave sur l’inro horrifique de « Haloes in Reverse » aux sonorités black. Les douces notes de synthé (encore elles) vous bercent et vous égarent sur le très bon titre « Rats Gorged the Moon...and All Fell Silent » (renvoyant à la scène norvégienne). Vous errez, telle l’héroïne de Carnival Of Souls, emporté par les mélodies entêtantes qui tournent en boucle.
La fin d’une trilogie et un retour dans la douleur mais réussi pour Ultha. Placé sous le signe de l’obscurité,
All That Has Never Been True est paradoxalement son album le plus riche. « Der alte Feind (Jeder Tag reißt Wunden) » en est l’exemple le plus frappant avec les changement de tonalités, les chœurs poignants et l’instrument à cuivre qui fait son apparition dans les dernières minutes. Les musiciens évoluent tout comme leur musique et ils ont su trouver ici le juste équilibre. Si vous êtes fan de Weakling et de black metal atmo de qualité, vous ne resterez pas insensible à cet opus.
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