Ultha - Converging Sins
Chronique
Ultha Converging Sins
« Born from the ashes,
condemned to dust. »
Bien décidés à détruire tout ce en quoi vous croyez, les Allemands de Ultha continuent leur travail de sape en enchaînant les réalisations. Ainsi après un premier album (Pain Cleanses Every Doubt) paru en 2015 mais également un EP et un split sortis cette année, ils reviennent avec un second long format d'un noir d'encre. Pas le temps de sortir la tête de l'eau donc, que déjà des mains vous agrippent et vous entraînent dans les profondeurs. Car le groupe aborde un nouvel angle d'attaque sur ce Converging Sins plus décomplexé au niveau des influences – et qui risque d'en décontenancer plus d'un/e.
Pourtant Ultha poursuit son évolution en douceur, délivrant toujours un black metal très personnel aux accents post (cf. Weakling, WITTR). Une musique désacralisée et désolée qui sort des tripes, les musiciens semblant puiser dans leurs ténèbres intérieures afin de vous toucher au plus profond de votre âme. La mélancolie reste donc au cœur des compositions et vient vous cueillir dès le long titre introductif « The Night Took Her Right Before My Eyes ». Les musiciens brossent un paysage désertique et glacé, alternant parties mid et low tempo ambiancées et passages plus agressifs où les belles lignes de guitares tant mélodieuses que poignantes sont mises en relief par un jeu de batterie plus nerveux. De même, la dualité vocale entre le guitariste Ralph Schmidt et le bassiste Chris Noir apporte une toute autre dimension à l'ensemble de part la variation de ton et l'émotion dégagée. Le chant très arraché de Chris Noir – proche de Chip King du groupe The Body – épand d'ailleurs son lot de noirceur, et renforce l'aspect fragile découlant des cinq morceaux (« You Will Learn About Loss », par exemple). Car l'impression de marcher sur un fil au dessus d'un vide béant, prêt à basculer à tout moment, fait sens ici et ne vous quitte pas durant les 63 minutes que dure cet album. Si le temps peut sembler long sur papier – le groupe distillant le mal-être ambiant de bout en bout –, celui-ci défilera pourtant sans crier gare. Un fait dû notamment à une plus grande richesse d'écriture permettant de dévoiler une longue palette de tonalités et ainsi accroître le côté addictif.
« In the darkness
Our bodies shone »
Parmi des parties ou titres plus classiques comme « Fear Lights The Path (Close To Our Hearts) » – un peu trop long à mon goût – viennent donc se greffer de nouveaux éléments. Les Allemands accentuent nettement le trait sur Converging Sins, outre le regain de variation bienvenu, leur musique gagnant en puissance et majesté. Elle revêt en effet un éclat particulier grâce à des nappes de synthétiseurs (déjà présentes sur l'EP Dismal Ruins) aux élans symphoniques, exaltant vos sens par leurs atours épiques – et renvoyant à des groupes tels que Emperor. Des atmosphères intemporelles qui viennent en côtoyer d'autres, plus légères, modernes et ne tenant qu'un rôle de soutien aux guitares afin d'accentuer les émotions (cf. Deafheaven période Sunbather) – le tout sur un même morceau (« The Night Took Her Right Before My Eyes »). Des mélanges osés qui fonctionnent néanmoins à merveille comme sur le remarquable « Athame | Bane Emanations », sorte de rencontre improbable entre Amenra et Borgne. Ultha étend son ombre peu à peu mais de façon plus insidieuse, délaissant l'aspect dépressif en élargissant davantage ses sources d'influence. En résulte un album beaucoup plus aventureux où chaque morceau se démarque du lot, que ce soit dans les ambiances, la construction ou encore la sensibilité. Et « Mirrors In A Black Room » en est l'exemple parfait avec le superbe featuring de Rachel Davies (Esben and the Witch). La formation se drape en effet de mystère ici avec une musique lente et épurée, s'éloignant davantage de sa zone de confort. Les sonorités shoegaze brumeuses se propagent et vous enserrent tout doucement comme dans un cocon. L'impression de flotter dans le vide est grande, vous laissant uniquement guidé par la voix spectrale de Rachel – figure allégorique de la Mort. Une Mort ensorcelante et belle qui tutoie le sacré notamment lors de la première partie du morceau, formant une passerelle vers le grandiloquent « You Will Learn About Loss » avec ses chœurs poignants ou encore un synthétiseur dessinant tour à tour un décorum horrifique – renvoyant aux vieux films d'horreur – et religieux (le son inquiétant et massif de l'orgue).
« Loss is all and all is lost »
Des textures et des couleurs plus variées pour un Converging Sins cohérent à la fois hypnotique et sentencieux. L'essence du groupe coule le long de ces cinq compositions mais prend donc des formes nouvelles résultant sur un second essai plus long, soigné et profond. Certes, il y aura toujours des personnes pour taxer les Allemands de « false » ou d'opportunistes. Personnellement, malgré quelques petites longueurs et des influences trop marquées par moment, je ne peux que saluer la prise de risque de Ultha à la vue du résultat. Une perle de noirceur que cet album !
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