2012 vient à peine de se finir que les hostilités reprennent déjà avec une des attentes les plus fortes de ce début d'année.
En tête de liste chez les amateurs de Black torturé et avant-gardiste, Spektr, énigmatique formation Française, nous revient après cinq ans d'absence. Mais si, souvenez-vous, Spektr avait déjà marqué le public avec les sorties respectives de « Et Fugit Intera Fugit Irreparabile Tempus » en 2004 et de « Near Death Experience » en 2006 : deux disques qui montraient la progression et développaient la personnalité du duo formé par Hth (Haemoth) et kl.K (Battlehorns). S'en est suivi un EP délicatement nommé
« Mescalyne » -et chroniqué sur ces pages-, puis plus rien...
Les annonces faites sur « Cypher » semblaient néanmoins un peu déroutantes puisqu'elles abordaient un concept-album sans aucune voix. Après tout, pourquoi pas, Spektr ne serait pas le premier groupe à tenter l'expérience... Mais tout de même, tenir des titres-fleuves assez longs en prenant le risque de ne pas combler un petit manque d'originalité dans un riff par un cri décharné n'est pas chose aisée. Avec un tel concept, Spektr se doit d'être impeccable sur chaque note composant « Cypher ». Comment faire donc pour que la musique se suffise à elle-même ?
Les deux musiciens semblent avoir trouvé la solution : la basse. C'est la première chose qui m'a frappé en tant qu'amateur du groupe depuis leur première production. Dans ce dernier effort, il est clair que la grand nouveauté, c'est cette basse qui change d'octave régulièrement et permet de donner un aspect résolument chantant aux compositions (« The Singularity », « Antimatter »...). Un choix déboussolant car faire chanter la basse dans un esprit oscillant entre certains passages rappelant les breaks bluesy du « Halmstad » de Shining ou même parfois proche des cassures d'octaves présentes dans des groupes de Drum'n'bass tels que Pendulum n'est pas ce qui semble caractériser l'univers très angoissant de Spektr... La fin du titre « Antimatter » montre bien ce chancellement ou la basse oscille entre mélodies prenantes et sauts d'octaves. Un résultat au final bien déstabilisant et confèrent une sorte de micro-climat chaleureux au milieu de la froideur habituelle des frenchies...
Ce choix apporte donc une tension particulière et mélodique qui n'entrave en rien la dominante horrifique de la musique du duo. D'ailleurs, au registre des nouveautés, on pourra noter quelques clin d’œils musicaux assez couillus, comme ce pattern de jazz très chabada qui ouvre la piste dénommée « Teratology » ou encore ce sample de voix volontairement modifiées de manière très grave sur le titre éponyme (un procédé de modification qui me fait personnellement penser aux introductions de certaines musiques électroniques telles que « Existence VIP » d'Excision). On notera aussi beaucoup d'effets posés sur les guitares, comme des réverbérations, ou des flangers qui appuient une certaine volonté de diversification du son, au point de faire parfois passer les riffs de guitares pour des nappes obscures, électroniques et synthétisées (« Cypher »).
Pour autant, Spektr reste le groupe formé de kl.K et d'Hth, ce qui pèse tout de même sur la musique proposée ici. Le son des guitares est toujours sursaturé comme sur les anciens opus et la technique de riffing particulière mêle ici encore ce feeling brutalo-traditionnel et ces arpèges dissonants. De même on constatera que la façon dont Spektr agence ses placements de bruitages ambiants reste fidèle à ce qui était déjà en place sur « Near Death Experience ». Cette expérience savamment remodelée ici se retrouve également dans la production, un poil plus lisse que celle de
« Mescalyne » mais clairement identifiable dès les premières notes. Au final la recette impulsée par le duo incorpore de nouvelles références musicales à une ossature technique respectée et maîtrisée de bout en bout. Le travail de fusion est cohérent et c'est ce qui donne à « Cypher » une personnalité originale tout en étant bien attachée à l'univers de Spektr.
Que dire de plus ? Que Spektr est bel est bien au rendez-vous en 2013 et qu'il conforte sa position de valeur sûre. Une fois de plus, la formation surprendra tout en restant fidèle à son style, ce qui ravira bien entendu les fans de la première heure. « Cypher » est une acquisition fidèle à elle-même, loin d'être décevante, évitant les pièges du radotage et provoquant une once d'excitation lors de la découverte des nouveaux éléments apportés. Un groupe qui ne déçoit pas, alors, elle est pas belle la vie ?
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