Spektr - Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus
Chronique
Spektr Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus
(No Longer Human Senses)
Il y a des gens qui aiment bien le néant, qui aiment bien être à la ramasse. On peut dire qu'à ce petit jeu, Spektr se met bien et qu'en plus, ça fait treize ans que ça dure. Treize ans que les deux compères Hth et kl.K nous sortent à chaque album une nouvelle exploration musicale d'un concept généralement affilié à un état de seconde conscience. Que ce soit l'EMI ou la prise de drogues hallucinogènes, Spektr aime explorer des recoins de l'humain que le Black Metal ne traite pas forcément. D'ailleurs, le premier album n'échappe pas à la règle puisque la thématique de ce premier disque semble être le temps au sens large du terme puisque que le disque semble aussi bien porter sur l'infinité de la chose que sur sa distorsion. Un bien beau programme donc, relativement ambitieux tout en étant surprenant.
Sorti sur Appease Me Records – la filiale de Candlelight Records tenue par les membres de Blut Aus Nord- un beau jour d'Avril 2004, « Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus » (parfois aussi nommé par son sous-titre « No Longer Human Senses ») présente au monde la genèse musicale de ce que sera Spektr. Un point de départ au final très ressemblant aux œuvres suivantes puisque tout les ingrédients communs à l'identité musicale développée par le combo sont déjà présents ici. En premier lieu, un artwork très sobre offrant seulement le logo du groupe noyé dans un gros flou et trimbalant ça et là quelques détails religieux ou symboliques.
La patte Spektr ne s'arrête pas là : Interludes noise, grosses guitares ultra-saturées dans la veine d'Haemoth, sampling vocaux, complexité parfois poussée à son paroxysme, disque fleuve... On ne peut vraisemblablement pas douter du fait que le duo sait déjà ce qu'il veut faire à l'aube de sa carrière. Cependant, quelques points nuancent « Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus » de ses successeurs. En plus d'offrir une production bien plus arrachée et brute, ce premier opus est tout simplement plus Black Metal. Le riffing présent sur « Reveal The Four Seals » par exemple, rappelle un tantinet l'époque glorieuse de Gorgoroth. Comme quelques indices disséminés ici et là, le Black Metal traditionnel s’immisce dans l’œuvre pour lui apporter les moments de panique et de rage qu'elle nécessite.
Ce qui est finalement surprenant, c'est que peu importe le concept abordé, le talentueux duo réussi toujours à couvrir ses compositions d'une chape de plomb ambiante qui permet d'envelopper soigneusement n'importe quel auditeur. Voilà ni plus, ni moins, ce qui fait la richesse musicale du projet, oscillant toujours entre cette rage simpliste approchant d'une folie intérieure profonde et un véritable égarement dans les limbes créé par ce subtil dosage de saturations et d'infra-basses. Alors certes, c'est un classique que de provoquer ce genre d'univers dans ce style de musique mais notons que la précision, la classe, le savoir-faire et l'impact que possède Spektr force un respect finalement inhérent aux sensations que l'auditeur éprouve. Tension, violence et beauté sont les maîtres-mots de ce « Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus » décidément très étudié.
Sous couvert d'un flou artistique volontaire (peu d'informations en général, que ce soit sur le livret ou sur les membres qui composent le duo), Spektr sait très bien où il emmène l'auditeur, ne serait-ce que par la technique musicale développée par le batteur, déjà impressionnant de précision dans la réalisation de ses parties plus ou moins alambiquées. On citera également la justesse dans le dosage de la production, chaque sample ou passage plus noise s'intègre sans sourciller déboulant sans prévenir après un passage ultra-violent. En plus de ça, tout laisse à penser que le disque a été produit dans un trip « Do it yourself », ce qui augmente la dose de respect due à Hth et kl.K pour leur travail colossal de production.
En fait, c'est facile, chaque disque du duo français est une réussite et si « Et Fugit Interea Fugit Irreparabile Tempus » est certainement un poil plus lassant que ses successeurs (la faute à quelques riffs moyens, et aussi à quelques moments qui traînent un peu en longueur), il n'échappe pas pour autant à la règle. En mettant les quelques défauts sur le compte de la jeunesse, on ne retiendra finalement de cet opus que la maturité musicale qu'il retranscrit : Un univers, un style, un concept et une exécution sans faille.
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