C’est un beau nom,
JE, à notre époque où même Narcisse passerait pour un altruiste de premier ordre. Cela donne envie de parler du moi, du ça, du sur-moi, et cela tombe bien puisque les thèmes principaux d’«
Epilogue of Tragedy », troisième LP de la formation depuis 2014 après un EP paru en 2010 («
Un royaume de nuit »), sont justement l’individualisme dans les années 80, la croissance urbaine, la solitude, etc.
Bon, le pourquoi des années 80 mériterait d’être creusé, approfondi d’une façon quasi universitaire, mais il est généralement admis que ce fut la décennie qui vit naître un égocentrisme forcené, et ce en dépit des grandes campagnes humanitaires, l’Ethiopie par exemple. Si, en 1985, vous avez échappé aux Chanteurs sans Frontières et à leur «
Loin cœur et loin des yeux, l’Ethiopie meurt peu à peu », grand bien vous fasse, c’est toujours une saloperie de moins qui encombre votre cerveau. Les années 80, c’est aussi l’extension des cités HLM initiées dans les années 60-70 sous couvert de mixité (pas au sens où on l’attend désormais, les classes sociales voulaient encore dire quelque chose) et d’intégration sociale, toute cette pensée pseudo sociologique matinée d’urbanisme dévoyé. Une décennie de merde donc, que j’ai traversé en tant que mioche mais qui, avec le recul, se traînait en fait la gueule de bois de l’échec de l’utopie de libération sexuelle, les femmes (non bourgeoises ou issues de la vieille aristocratie) devenant enfin des consommatrices accomplies, de bonnes petites soldates de l’industrie du décervelage, les égales de l’homme dans sa misère ouvrière ou de petit bureaucrate, dans sa misère sexuelle également.
Et c’est dans ce creuset à suicides que
JE puise son inspiration. Franchement, je suis réellement surpris qu’aucun label n’accompagne le trio sur cette sortie, on a tous tellement entendu de médiocrités signées sur des maisons de disques plus ou moins prestigieuses que cette absence de contrat m’apparaît dès lors comme une incongruité qui ne saurait perdurer. Le style ? Un
black metal à tendance dépressive évidemment mais mélangé à des éléments plus
rock, voire
shoegaze, sans toutefois ressembler à du
ALCEST ou
LES DISCRETS. Le style est plus dur, plus résolument
metal, peut-être même
gothique à l’occasion, notamment du fait d’un copieux usage des claviers. Nulle critique de ma part ici : ils sont parfaitement dosés, en totale harmonie avec les guitares et le climat visé mais c’est clairement un instrument clé pour bien comprendre la démarche de
JE.
Les membres de la formation étant tous des musiciens expérimentés, cet «
Epilogue of Tragedy » ne saurait être considéré comme un coup d’essai et l’on sent bien à l’écoute des sept titres qu’ils bénéficient de tout le savoir-faire des protagonistes. Outre un travail soigné sur la production et les orchestrations, les huit minutes de « Crown of Thorns and Memories » ainsi que les neuf d’« After the Rain » sont là pour démontrer qu’il y a un beau talent d’écriture, une sensibilité adulte. Autrement dit, on ne se coltine pas les jérémiades post adolescentes qui sont trop le souvent le lot du dit
black metal dépressif, qui est le style par excellence de la pleurniche avec les émos. Par conséquent, si vous n’avez rien contre un peu de douceur, que vous recherchez un brin d’apaisement sans pour autant vous départir de votre armure de métaleux, je vois en
JE une belle opportunité de s’ouvrir à un genre exigeant, joliment illustré ici.
Me concernant, c’est la fort agréable découverte de cette fin d’année : sans prétention, sans grandiloquence excessive et emphatique pour montrer combien ils en gros sur le pathos, tout en subtilité et en décence, soit des qualités aussi rares que précieuses actuellement.
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