On le remarque souvent mais il est indéniable que le temps passe à une vitesse folle, tant avec l’âge les saisons semblent se succéder à un rythme de plus en plus élevé et qui font qu’il est indispensable de profiter au maximum de la vie et de ses plaisirs avant qu’il ne soit trop tard, ou que tout s’arrête brutalement. Ce ressenti est valable de façon flagrante ici avec ce troisième chapitre des Islandais qui intervient trois ans et demi après le magnifique
« Algleymi », qui confirmait qu’ils étaient bels et biens le joyau de la scène noire de leur nation. Si l’entité a vu le départ de son batteur historique et son remplacement par le tout aussi tentaculaire Magnús Skúlason (ex-SVARTIDAUÐI), pour le reste elle continue son bonhomme de chemin loin des conventions et des normes avec la ferme intention de faire ce qu’elle veut de sa musique, n’en déplaise aux rageux professionnels. Mélangeant habilement la brutalité de son premier opus avec les accents plus mélodiques du second celle-ci va aussi ajouter quelques accents dignes de la scène Suédoise… et de FUNERAL MIST en particulier, tel qu’on va de suite l’entendre sur l’ouverture intitulée « Með Hamri » à la violence débridée en continu et aux relents Punk affirmés.
Car ici c’est une véritable tempête de haine nocturne qui est mise sur le devant de la scène où les blasts furieux côtoient des riffs agressifs au possible et un solo désarticulé, et ce durant une bonne période avant que le tout ne ralentisse légèrement pour se poser sur un mid-tempo guerrier et épique, et conclure ainsi une composition à la radicalité exacerbée et comme on ne l’a que rarement entendue chez ses créateurs. Pourtant réduire ce nouveau long-format à une tempête déchaînée serait une erreur, car si les gars ont encore une fois évolué ils n’en ont pas perdu leurs fondamentaux ni leur virulence primitive et à ce petit jeu « Engin Miskunn » en est le parfait exemple, tant elle reprend ici les éléments entendus sur la plage d’ouverture sans pour autant se répéter. Proposant toujours de la vitesse prépondérante (qui fait passer l’auditeur par tous les états possibles) le résultat n’en oublie pas de s’alourdir légèrement quand il le faut, tout en y ajoutant des accents entraînants propices au headbanging où les vikings règnent en maître au milieu de l’île désertique. Entre cette doublette qui lorgne largement vers
« Söngvar Elds Og Óreiðu » on va avoir droit aussi au tribal et rampant « Með Harmi » qui peut presque être vu comme étant une suite au précédent enregistrement, tant il met en avant de légères harmonies émergeant du chaos hivernal et sans que jamais la rythmique ne s’emballe. Préférant ici garder un train de sénateur plutôt que de lâcher les chevaux l’ensemble offre une certaine lumière au milieu du brouillard portée par une certaine nostalgie et des accents New-Wave/Post-Punk bien placés et intelligents, qui renforcent ainsi des sentiments ambivalents et semblent avoir été inspirés par le magnétique « Og Er Haustið Líður Undir Lok » publié en 2019. D’ailleurs ce bijou a visiblement été aussi l’inspiration de « Engin Vorkunn » tout aussi magnifique et au bridage relativement permanent, qui semble être une préparation au combat final comme à une randonnée dans les désertiques hautes terres du pays, tant on sent le brouillard prendre possession des lieux et aidé par un vent glacial qui souffle sans discontinuer. Rampante au possible et jouant sur les accents grisonnants plutôt que vers le noir impénétrable cette composition semble annoncer la tempête imminente de par cette météo capricieuse, où l’on ne peut s’empêcher de secouer la tête et d’avoir envie d’en découdre et d’en subir les conséquences.
Car une fois arrivé au bout de l’écoute de cette plage c’est l’interlude « Blóðhefnd » qui intervient et laisse planer le mystère autour de ce qu’il est arrivé aux différents participants, de par son côté martial (la caisse claire sèche se fait entendre sous la forme de roulements continus) qui laisse supposer que l’assaut final a eu lieu. Avec l’arrivée des doux chœurs religieux on se doute qu’ils arrivent au Paradis comme au Valhalla et qu’ils sont ainsi morts, même si l’on ne sait pas s’ils le sont de froid ou l’épée à la main. Cependant la deuxième option semble la plus probable quand retentit l’ultime titre (« Aftaka ») qui va mettre (après une courte introduction où retentit un piano désaccordé et inquiétant) une dernière salve d’énergie dans ses bagages, et ainsi donner des dernières minutes chaotiques à souhait via un déluge de blasts qui côtoie des riffs acérés qui s’épaississent quand l’allure ralentit, afin d’offrir un rendu homogène et équilibré où le désespoir du soldat y côtoie l’espérance de survivre à tous ces évènements. Intense et riche émotionnellement cette longue (et magnifique) fin d’album conclut ainsi un disque intense et qui ne se contente pas de reprendre uniquement la patte Islandaise, et qui va piocher vers d’autres horizons lointains.
En effet s’ouvrant à d’autres scènes que celle de son île adorée le quatuor signe ici une œuvre intense et riche en rebondissements, qui sous ses airs de relative simplicité demandera de l’attention et une mise en condition pour être totalement appréhendée. Montrant une virulence plus impressionnante et visible qu’auparavant (sans y perdre en atmosphères diverses) la formation de Reykjavík confirme son talent hors-normes et sa prise de risques, faisant d’elle la tête de gondole du (petit) milieu Black local et un nom de plus en plus reconnu à l’international… comme nombre de ses compatriotes. Autant dire que la bête menée par Dagur Gíslason a de beaux jours devant elle, portée par son écriture instinctive et qualitative à la fois classique et originale (et qui ne traîne jamais en longueur) et qui s’essaie avec brio à d’autres choses pour ne pas refaire les mêmes créations indéfiniment. Un choix courageux mais réussi qu’on ne peut que saluer et qui prouve que la menace vient encore et toujours du nord, et qu’elle sait prendre différents aspects pour surprendre et dérouter… mais sans jamais rebuter qui que ce soit, du grand art en somme !
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