Nous avions laissé Sinmara et Misþyrming juste après la sortie de leur premier album respectif, les excellents
Aphotic Womb et
Söngvar Elds Og Óreiðu tous deux chroniqués par Dysthymie. Bien que très largement encensées ici et ailleurs, les deux formations islandaises se sont montrées depuis relativement discrètes, faisant parler d’elles essentiellement à travers leurs diverses prestations scéniques un peu partout en Europe et aux États-Unis.
C’est ainsi au mois d’août 2016 que l’annonce de ce split a été officialisée. Deux des plus enthousiasmantes formations issues de cette nouvelle scène Black Metal bouillonnante réunit pour la sortie via Terratur Possessions d’un split qui allait vite devenir un objet de convoitise (d’ailleurs celui-ci sera sold out en l’espace de seulement quelques jours. De quoi apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui parlent bien volontiers de "hype"). Édité uniquement au format vinyle et présenté sous la forme d’un 10" en version gatefold disponible en deux couleurs (rouge ou noir), on y trouve un nouveau morceau par face pour un total de treize minutes et vingt-sept secondes.
C’est Sinmara qui à l’honneur de lancer les festivités avec "Ivory Stone", un morceau de six minutes qui reprend peu ou prou là où les choses s’étaient arrêtées sur
Aphotic Womb. On y retrouve ainsi ce Black Metal occulte aux accents mélodiques puissants et évocateurs. Un riffing bien particulier qui, même s’il évoque celui des Français de Deathspell Omega par ses dissonances, reste l’une des marques de fabrique de l’entité islandaise depuis son retour en activité sous le nom de Sinmara. Passé ce très court sample de voix féminine, le groupe attaque l’auditeur sans crier gare à grand coup de matraque balancée dans tous les sens, de riffs sombres et distordus et de notes mélodiques solitaires et diffuses (un peu à la Blut Aus Nord période
777) qui semblent se perdre, telles des étoiles filantes, dans la noirceur du propos des Islandais (d’autant que le chant d’Ólafur Guðjónsson semble plus agressif que par le passé). Obscur et paradoxalement lumineux, "Ivory Stone" se partage ainsi habilement entre séquences menées tambour battant et passages plus modérés propices à la mise en place d’une atmosphère vaporeuse synonyme d’espoir, de vérité et de délivrance. Et si la production n’est pas tout à fait identique à celle d’
Aphotic Womb (notamment dans le son des guitares plus abrasif ici), elle conserve cet aspect compact qui apporte à mon sens une certaine distance ainsi qu’une impression de quelque chose de diffus qu’on ne peut toucher.
Face B, Misþyrming reprend lui aussi les armes pour un titre relativement surprenant. D’abord il y a cette production beaucoup plus imposante et moderne que celle de
Söngvar Elds Og Óreiðu. Alors non, le propos des Islandais n’en est pas pour autant dénaturé mais cela surprend lorsque l’on pose ses oreilles pour la première fois sur "Hof" avec ces rondeurs, ces basses et ces attaques tout en puissance. Quoi qu’il en soit, Misþyrming n’a rien perdu de son talent et semble même aujourd’hui plus énervé que jamais. Comme Sinmara, le groupe n’a pas changé son fusil d’épaule et reprend la formule développée à travers un premier album déjà impressionnant de maturité. Dans sa chronique, Dysthymie évoquait un lien avec le Deathspell Omega de
Kénôse. Et bien j’ai aujourd’hui l’impression que le groupe suit un peu le même chemin que nos Français avec
The Synarchy Of Molten Bones. C’est à dire un Black Metal au riffing ultra décousu et particulièrement chaotique (notamment cette séquence à partir de 1:58). Et pour le coup, on perd un peu de ces mélodies qui faisaient le charme de l’album. Pourtant, je ne peux pas dire que cela me gêne à l’écoute de ce seul morceau. Peut-être que ce sera le cas si le groupe conserve ce cap avec son futur album mais en l’état, "Hof" n’en demeure pas moins un excellent morceau tout en violence. Une démonstration de force tout en nerf et en chaos qui vient quelque peu trancher avec le Misþyrming tout en demeurant paradoxalement très proche.
S’il est rarement indispensable, le split reste un objet apprécié des collectionneurs et malgré tout un support encore très largement utilisé dans l’underground Black ou Death Metal. Certes, l’objet ici n’est pas donné. Vendu presque aussi cher qu’un album, ces deux titres ne combleront certainement pas les plus pragmatiques d’entre vous qui, pour deux titres et treize minutes, préfèreront conserver leurs 14€ dans leurs poches (même si le disque se vend presque 4 fois plus cher désormais). Bref, pour ma part, je ne regrette pas l’achat. Les deux morceaux proposés par Sinmara et Misþyrming, sans bouleverser la donne, sont surtout largement à la hauteur des espérances que l’on peut avoir pour une telle sortie. En espérant une suite rapide pour ces deux groupes plein de talents.
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