Sinmara - Aphotic Womb
Chronique
Sinmara Aphotic Womb
Plus qu'une immersion dans les eaux froides du Þjórsá, c'est une plongée dans des tunnels noirs sans fin, creusés dans une terre humide et viciée, que vous propose Sinmara. Une nébuleuse entité qui a vu le jour en 2013 sous l'impulsion d'une bande d'illuminés Islandais ˗ actifs depuis 2008 sous le nom de Chao. Une renaissance maîtrisée de bout en bout avec un logo réalisé par Sindre Foss Skancke (Cf. Diskord ou encore Mirium Occultum de Dødsengel), un changement de line-up voyant l'arrivée de Wann (Rebirt of Nefast, Haud Mundus, ex-Myrkr, ex-Wormlust) à la basse ainsi que la sortie, dans la foulée, d'un premier album via Terratur Productions, dont la réalisation de l'artwork a été confiée à BNB (guitariste de feu Witchrist). Rien que ça !
Une belle mise en bouche qui ne laisse forcément pas indifférent et ce malgré une discographie assez maigre ne comptant qu'une seule demo, Spiritus Sankti parue en 2012, durant leur première période d'activité. Un préambule prometteur où le groupe délivre un black rageur, saupoudré ici et là d'ambiances bien senties, mais quelque peu affaibli par des passages dispensables ainsi qu'un manque de personnalité, mis à part sur l'excellent morceau titre. Toujours est-il que ces deux années d'absence, peut-être dues ˗ ou pas ! ˗ aux activités de deux de leurs membres au sein d'autres groupes (Þórir Garðarsson étant guitariste de Svartidauði et Bjarni Einarsson batteur de Slidhr ou encore Wormlust) auront été bénéfiques et constructives pour les Islandais, effectuant un véritable retour en force.
Car ce qui frappe avant tout à l'écoute d'Aphotic Womb, outre l'incroyable maîtrise et maturité de ce premier opus, c'est la personnalité beaucoup plus affirmée et occulte que le groupe a su se forger. Sinmara continue là où s'était arrêté Chao mais dans la lignée du morceau « Spiritus Sankti », délaissant le côté un peu « moderne » avec ce spoken word peu convaincant, pour des atmosphères ritualistes plus travaillées, à l'image de la longue introduction instrumentale « Katabasis ». Des ambiances hypnotiques des plus malsaines qui prédominent sur les passages mid et low tempo tout au long de ces 52 minutes ˗ l'instrumental « Stygian Voyage » étant le plus bel exemple ˗ vous conduisant doucement mais sûrement dans les entrailles de la Terre à la fois profondes et organiques. Sous l'emprise d'êtres tentateurs et démoniaques vous faisant miroiter mille et une promesses, vous suivez mécaniquement portés par des guitares tournoyantes, accompagnées ˗ ici et là ˗ de légers échos.
Une musique habitée extrêmement bien distillée vous renvoyant à des formations telles que Dødsengel, Hetroertzen mais encore ˗ pour revenir à la scène black metal islandaise ˗ Wormlust et Carpe Noctem. D'où le recrutement bienvenu de l'Irlandais Wann ˗ bassiste mais aussi producteur du groupe ˗ celui-ci étant particulièrement porté sur les ambiances occultes et s'étant illustré dans son one-man band Rebirth of Nefast, ainsi que sur certaines réalisations en tant que vocaliste ou musicien ˗ notamment le fameux Black Illumination de Myrkr. Il a su mettre en relief ces nappes sonores cauchemardesques grâce à une production plus puissante et propre, où chaque instrument se distingue nettement, tout en gardant ce côté granuleux et primitif. Cependant si les atmosphères sont omniprésentes, elle n'alourdissent en rien l'ensemble et ne vous perdent jamais en chemin, jouant les seconds rôles sur les passages plus rapides et rageurs. Elles magnifient les titres de leur noir éclat grâce à des guitares tout en dissonance ˗ rappelant Deathspell Omega ˗ comme sur « Shattered Pillars », à la fois percutant et très hermétique.
Sinmara a su franchir un cap avec Aphotic Womb délivrant une musique plus personnelle et complexe, développant dans ces longues plages musicales ˗ seul le titre d'ouverture ne dépasse pas la barre des cinq minutes ˗ son univers nébuleux et opaque. Un album riche en variation qui tantôt hypnotise par son côté très entêtant et sulfureux et tantôt vous broie les os par son déchaînement de violence ˗ particulièrement sur « Verminous ». Car vous allez ployer sous les coups, encore et encore, tant les passages rapides très agressifs sont légion, arrivant toujours par surprise et détonant telle une décharge. Les guitares se font plus instinctives et nerveuses, de même que Bjarni Einarsson ne cessant de martyriser ses fûts, délivrant une dose d'agressivité froide et implacable et d'où l'on sent poindre le spectre Svartidauði. Une influence, peut-être due à Þórir Garðarsson (officiant comme guitariste au sein des deux formations), assez marquée que ce soit pour les mélodies dissonantes, et ce notamment lors des montées en puissance, ou bien les légères baisses de cadence, donnant un petit côté « briseur de nuques » (Cf. « Aphotic Womb »).
Certes ce premier album de Sinmara ne propose rien de neuf, avec des influences nettement palpables, mais les Islandais ont su se les réapproprier avec goût. Aphotic Womb est une véritable expérience auditive, passant avec une facilité déconcertante de charme illuminé à fureur indomptée et inhumaine. Vous côtoierez les merveilles d'un monde caché ténébreux, avançant toujours un peu plus sans voir le gouffre béant et avide s'ouvrir sous vos pieds.
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