[ A propos de cette chronique ] Contrairement à Sagamore qui n’y avait pas trouvé son compte, je suis de ceux qui ont su apprécier
Omphalos à sa sortie et continuent encore aujourd’hui de le jouer avec grand plaisir. Certes l’album est effectivement un peu court et n’aurait probablement pas souffert d’un titre supplémentaire ou d’un développement un peu plus poussé (on pense notamment à ce "Transmutation" qui, comme l’évoquait mon collègue dans sa chronique, n’apporte en effet pas grand chose si ce n’est un peu de temps supplémentaire à un album dont la durée totale dépasse de peu la demi heure). Pourtant, au-delà de ce temps imparti (et de certains des thèmes qui y sont abordés, mais cela c’est une constante), je n’ai jamais eu rien d’autre à lui reprocher, retrouvant effectivement tout au long de ces trente-cinq minutes l’essence même de ce Black Metal romantique, épique et mélancolique qui fait la force et la particularité de Caverne depuis ses premiers balbutiements.
Juillet 2021, c’est sans tambour ni trompette qu’Amertume signe un retour pour le moins inattendu sous la bannière meurtrie de son label Résilience Records. Intitulé
La Fin De Tous Les Chants, ce troisième album semble également marquer l’arrêt des activités de Caverne. On aurait pu s’en douter à la lecture de ce titre qui désormais semble prendre tout son sens mais c’est finalement sur Metal Archives que l’information sera divulguée quelques semaines plus tard. À la lumière de ce nouveau statut qui va probablement en peiner plus d’un,
La Fin De Tous Les Chants s’envisage alors comme le baroud d’honneur d’un musicien rongé par cette amertume qu’il porte comme un étendard, un musicien parti s’exiler dans les hauteurs de l’Ariège pour renouer avec ces traditions et cet héritage qu’il défend. Un ultime témoignage qui va réussir là où son prédécesseur à échoué, en fédérant avec une certaine unanimité (et oui, reste certains de ces textes qui forcément empêche l’adhésion aveugle et totale) là où
Omphalos n’avait pas su convaincre pleinement.
Pourtant, on ne peut pas dire que
La Fin De Tous Les Chants soit fondamentalement différent même si quelques points qui faisaient défaut à
Omphalos ont été revus et corrigés depuis. Affiché ainsi à un peu plus de cinquante minutes, ce troisième album ne souffre pas de ce sentiment de frustration que l’on a pu ressentir face à un prédécesseur jugé bien souvent trop court. De la même manière, le Français évite l’écueil de l’interlude inutile, préférant cette fois-ci miser uniquement sur ces longs morceaux dont il est coutumier (peut-être aurez-vous en effet déjà remarqué ce final affiché à plus de seize minutes) plutôt que sur du remplissage sympathique mais finalement peu pertinent. D’ailleurs, on sent chez Caverne une ambition renouvelée et l’envie d’explorer de nouveaux horizons sans pour autant chercher à dénaturer une once de son Black Metal.
La Fin De Tous Les Chants est en effet marqué par des titres fouillés témoignant d’un travail de composition et de mélodies toujours aussi soignés même si cette fois-ci ce travail semble peut-être un petit peu plus poussé. En effet, on a le sentiment qu’Amertume cherche parfois à amener l’auditeurs sur des terrains différents tout en conservant cette évidente cohérence nécessaire à l’immersion et à l’appréciation d’une telle oeuvre. Un titre comme "Second Chant: La Matrice" en est certainement l’un des exemples les plus criants puisqu’au-delà de cette construction en deux mouvements, ce titre brille également par ce riffing et ces mélodies dont les sonorités évoquent chez moi une certaine idée de la scène Rock indépendante française de la fin des années 80 et de la première moitié des années 90 (Camera Silens, Les Thugs, Noir Desir...). De ces mélodies émanent ainsi en toile de fond cette grisaille rurale, ce romantisme désabusé et cette mélancolie qui vous prend aux tripes et vous file la chair de poule. Alors non, il n’y a rien de bien sorcier dans ces riffs à trois notes répétés jusqu’à plus soif mais c’est pourtant là l’un des nombreux talents d’Amertume qui possède en effet cette capacité à faire chavirer le coeur et à toucher l’auditeur à l’aide de seulement quelques accords, leads et autres solos mélodiques particulièrement poignants. Ainsi les exemples ne manquent pas puisque de "Premier Chant: La Proie Pour L’Ombre" à 5:19 à "Second Chant: La Matrice" en passant par "Tiers Chant: Le Bûcher Des Vaniteux" à 3:44, "Quart Chant: L'Onde Et La Nuit" à 2:38 et 4:10 ou sur l’ambitieux "Dernier Chant: I-Le Philtre II-La Forêt III-La Fin Des Chants", nombreuses sont les séquences où l’auditeur se retrouvent face à des paysages sonores parfois fragiles, tantôt épiques mais toujours aussi irrésistiblement touchants. Cette sensibilité à fleur de peau, Amertume nous la communique également à travers ses vocalises habitées et romantiques au service d’idées parfois nauséabondes qui malheureusement ne font que desservir sa musique. Une voix chargée en émotions qui le plus souvent se fait arrachée et passionnée mais parfois plus douce et lointaine le temps de passages plus intimistes, notamment sur l’incroyable "Dernier Chant: I-Le Philtre II-La Forêt III-La Fin Des Chants"...
On retiendra également ce cet ultime album des morceaux aux constructions non pas atypiques mais en tout cas variées. Jouer ainsi de compositions au long cours offre à Amertume la possibilité de changer de rythme au gré de ses envies et d’y amener par touche des passages mélodiques saisissants comme lorsque celui-ci use d’une guitare acoustique sur l’introduction de "Premier Chant: La Proie Pour L'Ombre" ou sur "Dernier Chant: I-Le Philtre II-La Forêt III-La Fin Des Chants" à 4:17 où bien lors de ces leads somptueux et déchirants déjà abordés un petit peu plus haut. Alors c’est vrai, l’intensité de ce dernier album a quelque peu faiblit, Amertume faisant plutôt la part belle aux séquences mid-tempos mélancoliques mais c’est finalement un petit point de détail bien vite relégué aux oubliettes face à ces compositions capables de vous arracher quelques larmes, de vous donner la chair de poule et de vous remuer les tripes...
Si
Omphalos avait soulevé quelques interrogations à sa sortie et fait souffler un léger vent de déception parmi quelques adeptes de la formation, Amertume a semble-t-il entendu les jérémiades et autres complaintes adressées à l’encontre de son deuxième essai longue durée. Pour le coup, difficile de trouver quoi que ce soit à redire au sujet de
La Fin De Tous Les Chants à l’exception de certaines paroles toujours aussi clivantes… D’un point de vue purement musical, ce troisième album est certainement la chose la plus belle et émouvante qu’Amertume ait composé. Il n’y a en effet pas un seul titre qui passe sans que l’on soit littéralement bouleversé par tant de fragilité, de mélancolie et d’émotions concentrées. Naturellement, la question d’attribuer du crédit à ce genre d’artistes puants se posera toujours mais si on choisi par facilité ou par habitude de ne pas s’intéresser aux textes et de ne porter intérêt qu’à la musique et uniquement à la musique de Caverne,
La Fin De Tous Les Chants n’est ni plus ni moins qu’un album incroyable à cause de cette beauté fanée qu’il évoque à chaque moment, à cause du caractère épique et saisissant de certaines séquences, à cause de cette mélancolie et de cette grisaille qui l’anime... Bref, voilà ce qui s’appelle conclure en beauté.
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