[ A propos de cette chronique ] La confidentialité d'une formation est-elle un gage de qualité ? Si l'on en croit le bilan de cette année, la réponse est oui. 2016 a été riche en surprises, dominée dans le genre qui nous intéresse aujourd'hui par des groupes et projets sortis brutalement de l'ombre, survolant le
Black-jeu par leur inspiration et leur talent. Caverne, en son temps, aura joui du même succès qu'un Ustalost ou qu'un Iskandr cette année, ses deux premières démos,
"Des tréfonds du haut-bois" (2012) et
"Chants des héros oubliés" (2013), s'étant écoulées plutôt rapidement. Format cassette, layout obscur, inspirations allant de la scène Toulonnaise jusqu'à Akitsa (qu'on ne vienne pas me dire que le dépouillement des riffs d'un titre comme "Caverne" n'emprunte pas au duo Canadien), le bébé d'Amertume s'est plus fait remarquer par sa sincérité et son dépouillement que par son originalité.
Si le fond idéologique qui imprègne les compositions de ces deux démos ne trompera personne, on aurait pu craindre que le one-man band soit aussi formellement radical que Nécropole, l'autre projet du bonhomme. Les textes, rassemblés dans un livret dépouillé, font de Caverne un projet bien plus
romantique, au sens artistique du terme, que nauséabond. Des tréfonds du haut-bois jusqu'aux héros oubliés, Amertume donne l'image du guerrier seul contre tous, tour à tour épée en main ou surplombant une mer de nuages, presque sujet d'une saga nordique à lui seul (ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pochette de
"Aux Frontières du Monde" a été empruntée à August Malmström). Si le seul maître à bord veut se faire passer pour chien féroce (en témoigne la mention
"Tous droits réservés et protégés avec lames et poings" [sic] floquée sur le disque), sa voix arrachée, qui se brise régulièrement au fil des compositions, donne plutôt à imaginer un écorché vif en proie à la tristesse et l'errance.
La compilation, éditée par Résilience, tombe à point-nommé pour ceux qui auraient, comme moi, découvert le projet sur le tard ou n'auraient simplement pas été suffisamment rapides pour mettre la main sur les cassettes originelles - avec, en prime, une version démo du titre "Le Glaive", que l'on retrouvera sur le full-length. La durée affichée risque d'en rebuter certains, pour autant, les deux premières
démonstrations de Caverne sont d'une qualité qui force le respect. Le choix d'avoir regroupé certains titres sur une seule et même piste peut paraître étrange (surtout lorsqu'ils sont, de base, assez longs), mais de cette façon, l'on peut s'apercevoir du travail fourni derrière les compositions qui s'enchaînent à merveille.
"Des tréfonds du haut-bois" et
"Chants des héros oubliés" bénéficient toutes deux d'un son impeccable pour le genre, juste milieu entre la rugosité d'un enregistrement effectué au fin fond d'un caveau et les tonalités naturelles d'une batterie dépouillée, qui se fond parfaitement à l'ensemble. Chacun est à sa place, aucun ne marche sur l'autre - contrairement à la production de
"Aux Frontières du Monde", beaucoup plus lointaine et étouffée, que je continue de considérer comme une vraie régression. Les parties acoustiques sont délicieusement organiques, et l'orgue bien poussiéreux, loin de desservir l'ensemble par ses pouet-pouet outrageusement kitsch (du moins sur la première démo et son "Nuit et Brouillard"), apporte une petite touche atmosphérique non négligeable, tout comme ces touches de chœurs masculins que l'on retrouve éparpillés sur les huit titres de la compilation. Sur le fond comme sur la forme, Caverne reste strictement classique, mais parvient à s'affranchir de l'étiquette d'énième one-man band païen en jouant son Black Metal avec le coeur. Le ton est tour à tour martial, torse bombé et tête bien droite en brandissant des guitares rageuses ("Caverne", le groove impitoyable de "Terre Souillée"), et mélancolique, solitude face à la meute et une nature qui le dépasse traduite par des arpèges dissonants ("Songe d'une Lune Morbide") et un chant proprement habité (les hurlements déchirants de l'ouverture "Sermeot Ar Huelgoat"). Le riffing est racé (sans mauvais jeu de mot), sa puissante simplicité faisant mouche à chaque reprise. Du
rock'n'roll irrésistible d'un "Caverne" jusqu'aux tremolos plus orthodoxe d'un "Ma Race", passant par la hargne qui grandit en l'auditeur à l'écoute du fantastique "Ni le Lieu, Ni l'Heure", les titres prennent leur temps, distillant leurs atmosphères sur la durée plutôt que de foncer tête baissée.
L'ensemble est tellement convaincant qu'on pardonnera les quelques fautes que comportent les deux démos, qu'elles soient formelles (la batterie a parfois un peu de mal à suivre les ponts et transitions) ou bien de goût (l'ouverture-Groland de "Ni le Lieu Ni l'Heure" prête franchement à sourire). Finalement, ces petits points noirs sont cohérents, puisque les titres rassemblés dans ce
"Sentiers d'Avant" ont été enregistrés avec les moyens du bord, n'ayant pour eux qu'un ardent désir de mettre en notes et en mots (d'ailleurs fort bien écrits) les thèmes chers à Amertume, qui vit d'ailleurs purement et simplement ses textes.
"Des tréfonds du haut-bois" et
"Chants des héros oubliés", bien qu'à prendre avec des pincettes vu le fond qu'elles exploitent, sont deux œuvres qui méritent clairement qu'on s'y attarde : dans une scène où pullulent les galettes et formations sans âme, où s'empilent blasphème de façade et clichés éculés, des disques aussi authentiques sont réellement rafraîchissants.
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