[ A propos de cette chronique ] Je devrais pourtant commencer à le savoir : se
hyper outre-mesure pour une sortie, c'est prendre l'immense risque d'être déçu.
Fidèle à la tradition, à la ville comme à la scène, c’est sans tambours ni trompettes qu’Amertume sort ce nouvel album de Caverne, « Omphalos », via sa structure Résilience. Lorsque je suis tombé dessus, complètement au pif, mon sang n’a fait qu’un tour, et la commande fut instantanée. Même si les deux projets n'ont, musicalement, plus grand chose en commun, je gardais en tête le
« Solarité » de Nécropole, beau pied de nez d'Amertume à ses anciens compères, partis fonder Cénotaphe :
« Hé oui, les gars, j’ai besoin de personne pour niquer des mères » Un album d'une classe peu commune, bourré de
feeling, tutoyant la perfection, qui avait, purement et simplement, survolé le Black-jeu l’année de sa sortie. Une sacrée évolution, sur le plan purement technique comme sur l’écriture des compositions, qui laissait présager du meilleur pour la suite. Avec un tel potentiel dévoilé, qu’est ce qui pourrait mal se passer ?
Disons que le pire, pour des gens de cette trempe, ce n’est pas tant de se planter. C’est plutôt de n’assurer que le strict minimum, celui que les gamins doués mettent en œuvre pour s’assurer le passage à la classe supérieure sans avoir à trop forcer. Ainsi,
« Omphalos » est un beau gâchis. Pire, il est frustrant : on sent l’évolution, l’assurance du musicien derrière ses instruments, mais qui, par lassitude ou par flemme, au choix, n’en utilisera pas le quart, sachant pertinemment que ce minimum syndical suffira à plaire à son auditoire.
Le dépouillement a toujours servi l’imagerie, de Caverne comme de Nécropole. Ainsi, l’objet
« Omphalos » est sobre, classieux, de sa pochette figurant une croix celtique brûlant dans un feu de joie jusqu’à l’improbable photographie du chef-d ‘orchestre, en position de yogi, encadré par deux torches, dans le plus simple appareil. Si l’on goûte ce genre de pantalonnades labélisées « Pierre Vial & Bite à l’air », l’ensemble produit son petit effet, c’est indéniable – et j’avoue, sans honte aucune, avoir toujours été une fille facile pour tout ce qui touche à l’univers pagano-pouet-pouet. Bref, c’est un Amertume-nouveau, apaisé, sûr de lui, qui s’apprête à montrer ce dont il est capable au travers de ces quatre nouveaux titres… Comment ça, quatre ?
Non, trois en fait. Puisque l’interlude, que son géniteur n’a même pas pris la peine de nommer, ne sert strictement à rien, si ce n’est rallonger péniblement la sauce à l’eau du robinet. A peine une demi-heure, c’est un peu léger… Surtout lorsqu’elle se vautre, au détour de quelques tournures pas forcément très heureuses, dans la facilité précédemment évoquée. Ces doubles-croches sur la cymbale ride, tartinées de façon compulsive, ces longueurs un peu vides, disséminées çà et là tout au long de « Tambours de Pierre », ces chœurs graves, globalement réussis mais parfois à côté de la plaque (les tonalités pas franchement heureuses de l’ouverture de « Les Forges de Pyrène »)… Pas mal de choses à redire, si l’on veut être tatillon. Et nous le sommes de toutes façons : quand Caverne nous a habitué à des chefs-d’œuvre en puissance (il suffit de lire les chroniques Thrashocore à son sujet, toutes dithyrambiques), on s’attend, forcément, à ce que l’album suivant nous procure les mêmes sensations, ce même sens du romantique au détour de chaque riff, de chaque éclat de voix d’Amertume, dont même le timbre peine parfois à convaincre.
Du gâchis, puisque techniquement, c’est le jour et la nuit. Que de chemin parcouru depuis les premières sorties du projet ! Le jeu de batterie se fait autrement plus fin, plus précis, bourré de
feeling. Les cordes nous offrent des motifs d'une beauté saisissante, perçant tant bien que mal les riffs beaucoup plus communs qui tournent à vide. Ragaillardi par le beau succès d’estime (amplement mérité) de
« Solarité », Amertume a continué de bosser ses instruments, et ça s'entend, plus que jamais. "Les Forges de Pyrène" est probablement l'un des tout meilleurs titres de Caverne, tant les saccades de son introduction, ses
tremolo saisissent d'émotion. "La Mue du Serpent" réserve également de sacrés instants de grâce, mais, comme toujours, noyés dans la redite. Un comble que de tirer en longueur quand son disque est aussi court...
« Omphalos », c’est des outils de pointe, des plans d’architecte et l’un des touts meilleurs ouvriers du bâtiment mis au service de la construction d’un château de sable. Je ne saurai dire si Amertume est fatigué d'avoir tant donné sur sa précédente sortie, ou si le changement d'air qu'il décrit dans les textes de ce dernier opus lui auront fait préférer les randonnées sur les crêtes rocheuses du Sud de la France à la composition. Tout ce que je retiens, c'est la frustration que me procure
« Omphalos », un talent, un potentiel incroyable dilués dans une mer de platitude, dans laquelle flottent, cependant, quelques éclats foudroyants, ceux-là même qui faisaient les plus belles heures d'
« Aux Frontières du Monde » et des deux démos du projet. Dommage, ce sera pour la prochaine.
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