"Et en fait, il y avait du vomi sur tout son lit, et sur tout le sol. C'était un vomi noir."
Figure toi une piaule miteuse, le papier peint jauni par des années de tabagisme, et certainement quelques cafards qui hantent les plinthes qui gondolent - c'est peut-être bien le bruit de leur pattes que tu crois deviner du bout de l'oreille. Au beau milieu de cette chambre que même El Pueblo trouverait limite, se trouve un plumard. Sur les draps défaits, tâchés d'un bel arc-en-ciel allant du jaune pisse au vert moisi, le cadavre vieux de plusieurs jours d'un péquin lambda, oublié par Père, Mère et famille entière. Personne n'a pris de ses nouvelles, le pauvre. Et tout le monde s'en branle. Quelques jours qu'il se décompose tranquillement, maintenant. Imagine la peau noircie, les insectes qui se partagent le gueuleton, les traits bouffis, yeux, langues gonflés et pendants, vision
ogrish-esque que l'on devine à peine, la faute à des volets fermés, et des carreaux sales. Tu as l'image ? Tu imagines l'odeur ? Tu te sens mal ?
"L'Innommable Remugle et la Mélopée Cavernuleuse des Râles Agoniques", deuxième long-format de
Vomi Noir, va t'apporter la bassine.
J'avais déjà eu l'occasion de déclarer ma flamme à
"Les myasmes de la deliquescence" dans nos colonnes, premier
full-length du combo Toulousain. La quintessence de la gerboulade, strict attentat Goregrind, servi par une production chaude et un chant émétique à souhait. Le genre de disque qui touille la bouillie des fosses communes avec les mains, et le sourire, invoquant le spectre des Grands du genre tout-entier -
Carcass,
Regurgitate,
Dead Infection en tête de gondole. Je n'avais qu'une hâte : savoir si le trio mené par le talentueux Pierre de Plasma (qui signe encore une fois les somptueux visuels et les textes) allait transformer l'essai, en allant encore plus loin dans le morbide. Les quelques splits sortis entre les deux disques (avec
Grotesquerie,
Neuro-Visceral Exhumation, et les fous de
Sick Sinus Syndrome) laissaient en tout cas présager du meilleur - et ça se confirme :
"L'Innommable Remugle et la Mélopée Cavernuleuse des Râles Agoniques" est au moins aussi bon que son grand frère, si ce n'est même un poil meilleur.
Produit conjointement par Bringer of Gore pour le pressage sur cire noire (et rouge, et verte) et Bones Brigade Records pour la version CD, ce nouvel essai de
Vomi Noir rend justice au nom du combo : vingt titres, à peine vingt-trois minutes, des titres qui sentent bon les cas-d'école de faculté de Médecine, et des paroles qui piochent dans les pires départements de l'hôpital du coin. Si l'évocation de
"Lymphorragie phlegmasique", d'
"Ischémie splanchnique", d'
"excrementum dysménorrhéique" ou de
"vomissements malariques misérables" te fait frétiller de bonheur, déchausse toi et enfile le peignoir, tu vas te sentir comme à la maison. Tu voulais juste prendre une bonne fessée de blast-beats et de riffs graisseux, et pas t'éduquer ? Je plaide coupable également : installe-toi, ça va bien se passer.
Vomi Noir n'a pas changé de recette, pas plus qu'il n'a calmé le jeu, au contraire. Le titre du disque a beau être interminable,
"L'Innommable Remugle et la Mélopée Cavernuleuse des Râles Agoniques" préfère le compact, l'efficace, la dynamite. Les ralentissements sont rares, et quand ils débarquent, c'est plus pour finir de t'enterrer dans la fange que pour te soulager (l'ouverture écrasante de "Homunculus", la cadence infernale qui démarre "Les gourmes ulcéronécrotiques de la staphylococcie hémolytique").Non, globalement, cette deuxième fournée est encore plus véloce, plus hallucinante de violence gratuite (le démarrage de "Escarrotomies de Décharge" et sa guitare qui rend dingue) que la précédente. Je ne sais pas ce qu'ils ont bouffé (je crois que je préfère l'ignorer), mais putain, que ça ramone ! Laurent décape ses fûts comme si sa vie en dépendait, entre lignes de double pédale phénoménales, roulements voués à faire serrer les poings ("Mortification Ex Abrupto") et blast-beats saccadés qui complimentent à merveille le riffing lipeux de Pierre, entre
groove qui patauge dans la mare et ces percées mélodiques stridentes qui finissent d'instaurer le malaise (la doublette "Eclosion ozeneuse dans l'occlusion cérebelleuse" / "Air vicié", exemplaire). Encore une fois,
Vomi Noir fait fort, très fort, puisqu'il incarne la jonction entre deux grandes tendances du Goregrind : un vrai pont entre celui qui avoine, et celui qui préfère se concentrer sur les ambiances - et c'est bien ça qui rend le groupe aussi précieux.
Les raclements de gorge, les saillies gutturales, les milliards d'effets diarrhéiques sur ce chant ignoble parachèvent un disque qui confine à ce que le genre peut offrir de meilleur.
"L'Innommable Remugle et la Mélopée Cavernuleuse des Râles Agoniques" est un grand disque de Goregrind, ni plus, ni moins. Il plaira autant à ceux qui recherchent l'atmosphère de table de dissection d'un
Lymphatic Phlegm qu'à ceux qui veulent avant tout prendre une bonne dégelée. Entre arrosage constant et parties plus vicieuses,
Vomi Noir accouche d'un monstre que seul une Mère pourrait aimer. Un affreux bestiau que l'on prend plaisir à regarder perdre des morceaux en cours de route. Amateurs de séries B, dévoreurs d'Uncut Movies, vous savez à quoi consacrer les vingt prochaines minutes de votre soirée.
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