Certa Mortis - Ab Inferno Ad Astra
Chronique
Certa Mortis Ab Inferno Ad Astra
Curieusement passé relativement hors des radars jusqu’à aujourd’hui CERTA MORTIS est pourtant paradoxalement un des meilleurs rejetons actuels de la nouvelle scène Black Metal hexagonale, proposant une musique certes très conventionnelle mais totalement inspirée et surtout exécutée avec force et conviction. Derrière ce nom (qui signifie Mort Certaine pour les moins latinistes d’entre nous) on retrouve un unique membre... l’Aveyronnais Fabien Guillot (désormais exilé du côté de Béziers) qui n’a pas chômé depuis ses débuts en 2020 en ayant déjà publié un Ep et deux albums de haute tenue, dont ce dernier-né qui sort chez les toujours qualitatifs Drakkar Productions. Est-ce le fait que le musicien et le label soient tous les deux du beau département de l’Aveyron qui lui a permis de signer ici, ou simplement que le talent et uniquement lui ? Il y’a sans doute des deux, mais toujours est-il que cela n’est pas uniquement le fruit du hasard tant ce « Ab Inferno Ad Astra » a totalement sa place au sein de son catalogue, en proposant brillamment une musique calée dans la scène Norvégienne des années 90 à la fois brutale et mélodique aux doux accents épiques et atmosphérique, ponctuée de textes s’inspirant autant de Dante que de John Milton. Du coup avec tout cette accumulation de choses prometteuses sur le papier ce disque avait tout pour être une réussite et c’est effectivement le cas, vu que pendant quarante-sept minutes on va être totalement immergé dans un univers sombre et glacial, où la féerie et la phantasmagorie ne sont jamais bien loin.
Pourtant au départ c’est le versant le plus brutal et primitif du projet qui va être mis au jour avec « Castle Of Damnation » qui va être une déferlante quasi-continue de blasts furieux, où le riffing froid aiguisé et coupant ne se relâche jamais mais se voit juste éclairé par un soupçon de neige aveuglante où l’on est pris dans une tempête imprévisible. Sentant aussi bien les débuts de GORGOROTH que d’EMPEROR cette compo (ainsi que les suivantes) laisse le champ libre aux longs passages instrumentaux où le chant écorché sait s’effacer pour mieux revenir avec parcimonie, tout en proposant un propos qui ne va cesser de se densifier ensuite. Car au fur et à mesure que l’on va progresser dans l’écoute l’écriture et la construction générale vont gagner en force comme en technique (même si tout cela reste globalement assez simple et épuré), même si pour le moment « Under A Silence Of Ice And Snow » (au nom totalement raccord avec le rendu proposé) fait office de suite à la plage précédente, tout en voyant l’apport de passages mid-tempo guerriers à souhait où souffle notamment l’âme d’IMMORTAL. Si le court « Bloodstained Banner » voit encore l’apparition de quelques relents primitifs et dépouillés on s’aperçoit que rythmiquement ça n’hésite pas à ralentir un peu la machine, et cela va vraiment être flagrant via le lumineux et débridé morceau-titre qui va miser autant sur la douceur que la violence. Car proposant des arpèges apaisants pour créer ainsi un rendu calme propice à l’éveil sensoriel (via l’apport de bruit de vagues et d’une ambiance de l’au-delà calme et voluptueuse) la mélodie n’y est jamais pompeuse ou ennuyeuse, vu que tout reste d’une grande sobriété et ce même quand la machine se remet en marche sur des passages déchaînés où le Ragnarök n’est jamais bien loin.
Cela va servir d’ailleurs de parfaite transition à l’interlude acoustique qui arrive, afin de clore un chapitre pour en ouvrir un nouveau sur la deuxième moitié de cette galette où le thermomètre va encore descendre, mais où également l’entrain et l’envie d’en découdre vont eux augmenter fortement. Car « The Wild Hunt » (qui n’a rien à voir avec WATAIN) va jouer plus fortement sur les accents épiques tout en descendant plus bas sous le zéro, ainsi qu’en ralentissant son propos pour mieux redémarrer en trombe ensuite et renforcer un sentiment de toute-puissance qui ne va jamais s’affaiblir ni disparaître tels que vont le proposer les excellents « Aurora » et « Paths Of Seclusion » aux nombreux accents nocturnes magnifiques, et qui voient le multi-instrumentiste sortir tout son panel technique. Propices autant au défouloir qu’à la rêverie ces deux compositions servent de parfait condensé de tout ce qu’on a pu entendre auparavant avec un mélange qui se fait très facilement et naturellement sans être indigeste, offrant ainsi un visage magnifié où la lumière émerge des ténèbres sans pour autant réchauffer le climat ambiant. Car si la production impeccable sied totalement au rendu ici présent (en étant sèche mais claire et équilibrée) l’ajout de nappes de clavier sur l’étonnant et majestueux « Of Stones And Torments » (dont l’allure ralentit nettement pour les mettre en avant) va dévoiler une écriture plus apaisée mais qui n’oublie pas de s’exciter quand il le faut. Cotonneux et aidé par une basse ronflante ce moment à part sur le disque y trouve néanmoins totalement sa place, montrant une fois encore la qualité du rendu proposé... et ce même quand ça s’éloigne un peu du chemin balisé voulu par son créateur.
Car s’il y’a bien un défaut qu’on on pourra reprocher à celui-ci c’est de ne vraiment pas prendre de risques tant c’est absolument sans surprises, et donne de fait souvent l’impression de reprendre ce qui a déjà été fait il y’a une trentaine d’années, même si tout y est totalement addictif et qu’on oubliera du coup ce sentiment légitime de recyclage plus ou moins marqué selon les passages. Si question originalité on repassera en revanche on ne pourra rien dire sur la façon de faire sonner le tout qui passe comme une lettre à la poste et s’enquille très facilement, malgré son classicisme de façade... qui se révèle être néanmoins plus pointu qu’on ne pourrait le croire de prime abord. Bref autant dire que tout ça comblera sans peine les nostalgiques du Metal noir Scandinave d’il y’a quelques décennies et qu’il y’a de quoi procurer de longues heures d’écoute sans prétention hormis celle de faire voyager et vider le cerveau, vu qu’on y reviendra régulièrement avec le même plaisir coupable de faire des infidélités aux pionniers et leaders historiques.
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