Triagone - Sem Papyrvs
Chronique
Triagone Sem Papyrvs (EP)
Si le plat pays n’a jamais manqué d’atouts dans n’importe quel domaine sa scène Metal voit depuis quelques années arriver une nouvelle vague au milieu d’une ébullition artistique permanente et inspirée, portée par des formations pressées d’en découdre pour se frotter à la concurrence et dévoiler ainsi tout leur potentiel. Si l’on a pu voir émerger notamment SCHIZOPHRENIA, LIVING DEAD, STORM UPON THE MASSES, CARNATION ou encore RÄUM, il va falloir désormais apprendre à connaître TRIAGONE qui dévoile ici sa première sortie officielle qui a tout ce qu’il faut pour marquer les esprits. Mélange en son sein de jeunesse et d’expérience (où l’on trouve notamment des membres faisant - ou ayant fait - leurs armes dans EXUVIATED, SKELETHAL et DEHUMAN) ce vécu musical de chacun va se retrouver tout du long des six morceaux, qui vont offrir un visage aussi bien violent, sombre et frontal très classique autant que moderne, aérien et technique... sans que ces deux facettes ne fassent bande à part, tant elles se complètent à merveille. En effet le quintet Bruxellois va aimer surprendre sans pour autant s’éloigner totalement des chemins balisés et cela lui sied finalement très bien, vu qu’il a la bonne idée de ne jamais trop en faire afin d’offrir une musique digeste et fluide malgré la redoutable technicité générale.
D’ailleurs afin de donner le ton le combo va miser sur cette facette actuelle et éthérée sur l’ouverture et la clôture de cet Ep, dont le rendu et la construction globale se ressemblent de façon assez similaire sans pour autant être un copier-coller dommageable. Mettant en avant le travail des voix de la chanteuse principale Lorena Moraes (qui possède d’ailleurs un sacré coffre) et du guitariste Lou-Indigo Caspar qui se complètent et se superposent en alternance, les longs « Novvs Ordo Seclorvm » et « Imperivm In Imperio » vont aussi mettre en avant tout le doigté du soliste qui se fait franchement plaisir ici en enchaînant les notes aux accents mélodiques durant un bon moment et à plusieurs reprises, sur fond de variations rythmiques entre tabassage intense et parties rapides où le tapis de double est roi. Créant une ambiance spatiale froide et désespérée la brutalité bien que présente est mise un peu de côté au profit de parties où la mélodie émerge discrètement, calée entre des rasades de cassures jouant autant sur les ralentissements que les accélérations brutales et variées. Sans jamais tomber dans la branlette de manche l’entité signe sur les extrémités de ce disque une véritable démonstration du côté des leads (et ce même s’ils vont avoir tendance à se ressembler à la longue), et où chacun des musiciens se met au diapason pour offrir un rendu dense riche en puissance et émotions multiples, et on s’aperçoit que ces deux titres n’ont pas été placés là par hasard.
Car au milieu de cela « Abyssvs Abyssvm Invocat » et « Ad Mortem Sem Papyrvs » vont eux aller plus loin dans l’obscurité comme la radicalité, en jouant sur un côté rentre-dedans plus conséquent où ça sent franchement le Death brutal d’outre-Atlantique, tout en misant sur quelques accents tribaux pour renforcer le côté sombre comme les sentiments d’horreur et de peur. En effet tout ici est fait pour que l’auditeur suffoque et en soit presque à étouffer devant une telle pression où Lorenzo Vissol se mue en machine de guerre implacable derrière son kit, tant il frappe très vite et fort en y rajoutant quelques ralentis pachydermiques et des soupçons de cassures sur les toms et cymbales, afin que plus personne n’ait de repères où s’accrocher. D’ailleurs tout cela va trouver son point d’orgue sur le tentaculaire « Nvlla Regvla Sine Exceptione » encore plus vindicatif et débridé, mais où la douce fin en arpèges permet un peu de reprendre sa respiration avant que n’intervienne l’interlude « De Beata Vita » aux ambiances de science-fiction et aux influences Jazz qui partent dans tous les sens mais restent hyper cohérentes, et amenant de la lumière au milieu de ce ciel opaque et bas où l’orage gronde en permanence.
Du coup on n’a rien à reprocher à cet enregistrement impressionnant de maîtrise où il n’y a pas grand défaut (hormis peut-être un son un peu trop compressé et plastique, ainsi qu’un certain côté froid et clinique qui peut laisser de marbre), et qui a tous les atouts pour séduire le plus grand nombre même ceux qui n’adhèrent pas aux excentricités de manche et de technicité hyperactive. S’il faudra à ses créateurs s’affranchir sans doute de certaines influences encore un peu trop visibles en revanche on ne peut que saluer le boulot effectué absolument impeccable qui montre un gros potentiel de leur part, qui arrivent à jouer sur différents tableaux sans se perdre en cours de route. Du coup on ne doute pas que leur prochaine livraison sera supérieure encore (que ce soit côté attractivité comme fluidité) et confirme une fois de plus que nos voisins d’outre-Quiévrain n’ont rien à envier à d’autres scènes étrangères, que ce soit du côté de ses jeunes loups comme de ses vieux briscards, et qu’elle a encore de bonnes choses à nous envoyer pour décrasser nos oreilles, et faire mal aux nuques les plus solides… que du bonheur en somme !
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