"Ainsi font, font, font, trois petits tours et puis s'en vont"
Malgré des débuts particulièrement encourageants pour ne pas dire extrêmement convaincants, Malignant Altar va pourtant prendre la décision de mettre fin à ses activités de manière relativement soudaine après seulement quatre années de bons et loyaux services. Un choix qui fait naturellement sens pour les cinq garçons derrière cette entité aujourd’hui regrettée (des problèmes de santé à répétition et un éloignement géographique compliqué à gérer ayant eu raison du groupe) mais qui pour nous autres auditeurs a été quelque peu difficile à avaler... Heureusement, les Texans ont choisi de faire les choses proprement en scellant leur discographie avec la sortie quelques jours après l’annonce de leur séparation d’un split en compagnie des Russes de Gosudar. Des Russes dont nous avions naturellement déjà parlé en ces pages après que soit paru sur Rotted Life Records et Nihil Productions un premier album intitulé
Morbid Despotic Ritual. Un disque qui lui aussi faisait suite à de précédentes sorties modestes mais néanmoins pleines de promesses.
Cette collaboration éponyme par laquelle Malignant Altar met donc un terme à sa carrière et Gosudar un jalon supplémentaire à la sienne a été rendue possible grâce au soutien de Me Saco Un Ojo Records (vinyle) et Rotted Life Records (cassette, CD, vinyle). Un split paru en décembre 2022 (non, je ne suis pas en avance...) et illustré d’une bien belle manière par l’artiste russe Nestor Povarnin (Ciemra, Derelict, Ignis...). Celui-ci signe pour l’occasion une oeuvre chargée qui, sans être d’une grande originalité, n’en reste pas moins fascinante à observer.
Enfin côté chiffres, ce sont deux nouveaux morceaux par groupe qui nous sont proposés ici avec dans le cas des Texans une reprise d’Imprecation ("The Awakening Of The Majestic Darkness" tiré de l’album
Theurgia Goetia Summa (1995)). L’ensemble est bouclé en un petit peu moins de trente minutes alors oui, si c’est bien la question que vous vous posez, vous en aurez pour votre argent.
Ce sont les Russes qui vont lancer les hostilités (eh non, il n’est pas question de géopolitique ici) avec "Mortified Transformation" et "Domination Of Irreality", deux titres au long cours s’étirant respectivement sur plus de dix et sept minutes chacun et qui vont se "contenter" de reprendre les choses là où la formation originaire de Moscou les avait laissées un petit peu plus d’un an auparavant. Si l’effet de surprise est bel et bien passé, la capacité à convaincre de Gosudar est quant à elle restée tout à fait intacte. Certes, le groupe n’a rien inventé, continuant effectivement de puiser l’essentiel de son inspiration dans le Death Metal des années 90. Pour autant, son riffing affûté et complexe et les structures alambiquées et variées qui vont de pair avec celui-ci ne sont clairement pas dénués de caractère. Alternant son jeu entre séquences plombées bien lourdingues et sinistres et accélérations brèves mais intenses (entre blasts exécutés tête dans le guidon et tchouka-tchouka toujours aussi entrainants), le groupe russe n’a aucun mal à faire de ces longues minutes un moment particulièrement convaincant. En effet, malgré une durée pouvant paraître intimidante pour qui aime les choses concises, Gosudar réussit constamment à conserver notre attention par ces changements de rythmes opportuns, par ces riffs et structures jamais figés ni répétés et par un sens de la progression particulièrement bien troussé. Non, les Russes n’ont effectivement rien inventé mais ils n’en reste pas moins qu’ils tiennent ici une formule plutôt personnelle laissant espérer une fois de plus de belles choses pour la suite qui, on l’espère, ne saurait tarder.
Passé la déception de savoir que c’est avec ces deux titres que Malignant Altar va effectivement tirer sa révérence, difficile de ne pas succomber une fois de plus à ce Death Metal difforme marqué par ces riffs particulièrement épais, ce groove lent et pataud et ces coups de boutoirs extrêmement secs et virils. Une formule qui dans le cas de "Malfeasance (Inexorable Enmity)" s’avère là encore calquée sur les précédentes réalisations de la formation texane mais qui une fois de plus fonctionne à merveille tout au long de ces presque sept minutes. Moins dense et complexe que le Death Metal de ses acolytes russes, la musique des Américains se fait plus immédiate grâce à un riffing plus simple et dépouillé et donc plus facilement mémorisable et à des structures moins complexes et tordues. De la même manière, la dualité dynamique dont fait preuve Malignant Altar est ici plus franche avec d’un coté des séquences bien lourdes et des accélérations également plus marquées.
C’est avec une reprise d’Imprecation, grande figure texane du Death Metal sombre et blasphématoire, que le groupe met donc un terme à son aventure. Aussi réussie soit-elle, on aurait évidemment préféré se dire au revoir au son d’un inédit de leur composition. Pour autant on ne va clairement pas bouder notre plaisir puisque cette relecture fidèle à la version originale (avec toujours ce clavier sinistre dispensé en fin de parcours) s’avère effectivement des plus réussies. En effet, même si le Death Metal de ces deux formations partage bien des similitudes, cette version 2022 proposée par Malignant Altar apporte tout de même une lourdeur (le growl profond de Wilson Prevette n’y est clairement pas étranger tout comme cette production parpaing) et une brutalité supplémentaires qui rendent l’exercice particulièrement plaisant. On lui préférera la version originale pour des raisons évidentes de primauté mais cette reprise reste malgré tout un hommage particulièrement vibrant et sincère à l’un des groupes les plus sous-cotés de la scène texane.
Même si cette collaboration laisse en bouche un goût un petit peu amer, elle n’en reste pas moins d’excellente facture avec dans le cas des Russes de Gosudar un Death Metal aux atours des plus classiques mais à l’interprétation plus fine et personnelle qu’il n’y paraît. Une formule dense et variée attachée au respect des traditions tout en offrant quelque chose de moderne, complexe et inspiré. Bref, on attend déjà la suite avec beaucoup d’impatience.
Quant à Malignant Altar, ce baroud d’honneur est à l’image de sa carrière : lourd, difforme, efficace et redoutable mais aussi et malheureusement trop succinct. Tant pis, on ne va pas non plus en faire une affaire d’état même si on aurait évidemment préféré que les Texans n’en restent pas là. En attendant, les Américains viennent mettre un point final à leur carrière d’une bien belle façon et c’est finalement tout ce qui compte.
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