Gray State - Under The Wheels Of Progress
Chronique
Gray State Under The Wheels Of Progress
J’étais fier de moi, j’allais commencer cette chronique en évoquant ce qui m’apparaissait alors comme la rencontre improbable entre Jean Delville dont les peintures ont servi notamment à illustrer plus d’un album de Death Metal (on a tous en tête l’incontournable Blessed Are The Sick de Morbid Angel) et Super GTI magazine (publication hexagonale qui a véritablement existé durant les années 90). Sauf que ce que je pensais être une jante aluminium étrangement mêlée à des corps représentés dans un style et dans un esprit cher au célèbre peintre belge (après tout, pourquoi pas) s’avère être contre toute attente une oeuvre de Jean Delville lui-même ("The Wheel Of The World", 1940)... Avouez quand même qu’il y a de quoi se faire avoir et que le peintre originaire de Louvain a semble-t-il été frappé de visions pour sortir à l’époque un design aussi épuré qui fera le bonheur quelques décennies plus tard des "jacky moumoutes" adeptes de tuning et autres personnalisations d’un goût parfois douteux.
Formé en 2015 entre les villes de Tempere et de Sastamala (Finlande), Gray State entame sa carrière avec la sortie d’un modeste EP intitulé Filled With Rage (2016) suivi d’un split en compagnie de leurs compatriotes de Last Drop (2017) auquel succèdera l’année suivante un premier album intitulé Our Final Regret paru chez Mark My Words Records (Eden Is Gone, Path Of Resurgence, Escape, Renounced...) et Bound By Modern Age Records (Embitter, Primal Age, Rituel Of Decay, Unborn...). Malgré ces débuts plutôt rythmés (une sortie tous les ans), presque six ans auront été nécessaires pour que les Finlandais lui donnent enfin une suite avec la sortie toute fraîche d’Under The Wheels Of Progress, un deuxième album paru le 5 janvier dernier chez The Coming Strife Records (A Mourning Star, Contention, Eternal Rest...), Genet Records (Abhinanda, Liar, Reiziger...) et Unvanquished Records (Blind Eye, Misericorde, Vile Fate...).
Bien décidé à rattraper le temps perdu et à s’imposer de nouveau parmi les dignes héritiers d’un genre ayant connu son heure de gloire durant la seconde moitié des années 90, Gray State reprend aujourd’hui du service de manière particulièrement tonitruante. Sans rien révolutionner de cette musique qui doit énormément à des groupes tels que Congress, Morning Again, Arkangel, Day Of Suffering, Sentence et par extension Slayer, les Finlandais vont plus ou moins se contenter de reprendre les choses là où ils les avaient laissées en 2018 après la sortie d’Our Final Regret. « Plus ou moins » car on va tout de même pouvoir constater que ces six années d’absence auront permis aux Finlandais de gagner en confiance et en maitrise de leurs instruments et de travailler sur quelques petites nouveautés à commencer par ce chant plus mélodique particulièrement convaincant entendu sur "The Death Of True Love" qui va conférer à ces quelques instants un petit côté aérien mais viril façon Crowbar loin d’être désagréable. Malheureusement, si ces quelques séquences vocales sont effectivement très cool, celles-ci sont très probablement imputables à l’un des deux intervenants extérieurs présents sur ce titre à savoir d’Ulla Ahola du groupe M.O.R.A. et Simo Perkiömäki des excellents Dome Runner. C’est en tout cas ce qui permettrait d’expliquer pourquoi on ne retrouve pas ailleurs cette voix pourtant bien troussée. Avoisinant les six minutes, "The Death Of True Love" est également marqué par une séquence centrale beaucoup plus mélodique (grosso modo de 2:10 à 3:53) qui va drastiquement trancher avec le sentiment d’agression qui domine avant et après. Une bouffée d’air frais bien sentie entre ces riffs ultra-Metal et ce chant abrasif et vindicatif.
D’ailleurs l’autre grosse "nouveauté" est l’apport mélodique bien plus important des deux guitaristes qui ont définitivement pris du galon techniquement parlant depuis la sortie du premier album de Gray State. Un constat dressé dès l’excellent "Bound To Burn", introduction instrumentale de haute volée sur laquelle Samuli Kuja-Aro et Jimi Toiviainen tiennent là le rôle principal à grands coups de leads et autres solos largement inspirés par Slayer et confirmé de la même manière tout au long de cette petite demi-heure ("The Death Of True Love" à 2:11, "Ashes Of Burning Worlds" à 0:46, "Flaw In A Mortal Machine" à 1:25, "Under The Wheels Of Progress" à 3:17, "Lifeblood" à 1:16). Une montée en gamme pour ces deux guitaristes dont le travail va permettre d’apporter beaucoup plus de profondeur au Hardcore métallique des Finlandais. Produit de bout en bout par Samuli Kuja-Aro, ce nouvel album s’avère également bien plus costaud que son prédécesseur, offrant ainsi à ces neuf nouvelles compositions ce qu’il faut de puissance, de clarté et de caractère pour espérer marquer davantage les esprits.
Quelques nouveautés distillées à travers un Hardcore métallique "convenu" (encore une fois, impossible de ne pas penser à des groupes comme Arkangel, Day Of Suffering ou Morning Again à l’écoute de Gray State) mais néanmoins toujours aussi efficace puisqu’à défaut de révolutionner quoi que ce soit, celui-ci ne devrait pas manquer de vous faire transpirer à grosses goûtes. De ces riffs nerveux et tranchants évoquant effectivement le meilleur de Slayer à ce chant abrasif particulièrement véhément en passant par ce groove absolument redoutable, ces ralentissements taillés pour briser nos nuques et cette sensation d’agression permanente, difficile de contester l’efficacité brute de ce deuxième album qui, alors que nous ne sommes que fin janvier, risque pourtant bien de finir parmi les meilleurs albums de Hardcore de 2024...
Disque qui tourne en boucle depuis sa sortie le jour de mon anniversaire (quel cadeau!), Under The Wheels Of Progress concentre en une petite demi-heure tout ce que l’on est en droit d’attendre aujourd’hui d’un disque de Metal / Hardcore. Certes relativement balisés, les neuf titres de ce nouvel album n’en demeurent pas moins imparables pour quiconque apprécie ce genre de formule qui sur scène doit prendre une dimension encore plus dingue. Mais au-delà de son efficacité absolument incontestable, Under The Wheels Of Progress témoigne également des énormes progrès faits par Gray State et cela à tous les niveaux que se soit dans l’écriture de ses compositions, dans le travail de ses deux guitaristes qui se sont véritablement transcendés ici, dans cette production bien plus imposante et finalement dans cette interprétation sans faille laissant apparaitre quelques portes que l’on aimerait bien voir rester ouvertes par la suite (ce chant clair qui est effectivement bien vu). Bref, si vous cherchez la bande-son idéale pour accompagner vos séances dédiées à pousser de la fonte, inutile d’aller voir plus loin car vous l’avez trouvée.
| AxGxB 31 Janvier 2024 - 953 lectures |
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