Corpus Diavolis - Elixiria Ekstasis
Chronique
Corpus Diavolis Elixiria Ekstasis
Mine de rien et malgré toute sa bonne volonté il aura fallu presque une quinzaine d’années à la formation marseillaise pour trouver sa voie musicale, et ainsi prendre du galon au sein de la pléthorique et concurrentielle scène Black hexagonale. Car jusqu’à la sortie en 2021 de « Apocatastase » il avait toujours manqué au combo quelque chose pour vraiment accrocher l’auditeur, tant son écriture se montrait franchement inégale et arrivait difficilement à captiver sur la durée. Tout cela malgré d’évidentes qualités mais qui se trouvaient noyées au milieu d’éléments trop disparates, ce qui finissait par plomber un rendu qui avait pourtant de bonnes choses à dévoiler quand on prenait la peine de creuser un peu la surface. Du coup on se demandait si le quintet allait confirmer ce précédent jet fort sympathique ou si au contraire tout cela n’était qu’un coup d’épée dans l’eau, et le moins que l’on puisse dire c’est que ça va rester sur cette bonne dynamique sans pour autant être franchement mémorable vu qu’on y retrouve toujours les mêmes défauts récurrents. En effet si le groupe a toujours eu la fâcheuse tendance d’étirer sans fin certains de ses morceaux il s’est ici surpassé en proposant le disque le plus long de toute sa carrière (et de loin !), avec quasiment une heure de musique au compteur... un choix osé mais qui ne va pas se faire sans heurts, vu qu’il va être très compliqué de se le farcir d’un seul bloc.
Si déjà on sait bien que les gars nous proposent quelque chose de difficile d’accès où les nombreuses ambiances et couches sonores se dévoilent progressivement et au fil de chacune des écoutes, il va clairement falloir s’accrocher sur certaines compositions tant celles-ci vont donner du fil à retordre à l’auditoire. D’ailleurs cela va être le cas d’entrée avec « His Wine Be Death » à la froideur et noirceur exacerbées, et où l’ensemble des tempos va être de sortie même si la brutalité et la vitesse se font ici majoritaires. Jouant autant sur la reverb’, que les dissonances et des accents occultes particulièrement affirmés dans le chant comme les chœurs, l’entité offre quelque chose de religieux et opaque qui s’agglomère à une écriture plus instinctive et directe où les blasts sont de rigueur... à cheval sur un grand-écart imposant. Pourtant cela sonne rapidement bancal vu qu’on a la sensation que le tout a été posé l’un par-dessus l’autre sans que la mayonnaise ne prenne, créant ainsi un rendu pas mauvais en soi mais qui aurait gagné en fluidité en étant plus simple et instinctif, au lieu de cela on sent que les mecs veulent développer un concept et faire les choses en grand, sans qu’ils n’y arrivent correctement. D’ailleurs cela va perdurer un peu plus loin sur l’interminable « Cyclopean Adoration » qui malgré un contenu intéressant (où le mid-tempo remuant et les arpèges doux et coupants côtoient une furia tempétueuse volcanique - d’où émerge un léger solo déchirant le ciel), se voit plombé par une seconde partie étirée à n’en plus finir et qui se traîne à vouloir mettre dans l’ambiance d’une messe noire. Si cette dernière sent la société secrète, les rites et la chaleur du feu... en revanche cette durée excessive fait décrocher l’auditeur même le plus motivé... et l’on ne peut que le regretter, tant le reste de cette galette est d’un autre niveau.
Car avec le concis et tribal « Key To Luciferian Joy » on se rend tout de suite mieux compte du niveau de la bande, grâce notamment à un renforcement des passages en médium parfaits pour headbanguer et où l’équilibre rythmique est plus que présent... créant ainsi plus de densité à un titre impeccable où tout est mis en avant sans jamais en faire des tonnes... ce que « Carnal Hymnody » qui arrive juste derrière prolonge avec le même délice. D’ailleurs toute la seconde partie à venir va être d’un résultat plus que convenable, et en premier lieu le direct et simple « Vessel Of Abysmal Luxury » qui n’est pas sans rappeler les deux premiers opus de WATAIN, entre sa furia débridée et cette légère brume qui enveloppe un tempo furieux qui ne ralentit que sur une courte période. Si en revanche « The Golden Chamber » est à zapper à cause d’une partie centrale à rallonge (là-encore !) et dont le côté apaisant/spatial tombe à côté de son but, pour le reste c’est du tout bon notamment avec le varié et équilibré « Menstruum Congressus » qui nous sert sur un plateau une cérémonie obscure ainsi qu’une tempête explosive, entre cris déchaînés et voix du grand Maître où le tout passe parfaitement de par sa relative sobriété. En revanche le torturé et surprenant « Chalice Of Fornication » va proposer durant dix minutes un voyage totalement différent de tout ce qui a été entendu jusque-là de par ses ambiances arabisantes et désertiques où de la chaleur se dégage fortement, contrairement à tout ce qu’on a pu entendre auparavant qui n’était pas si apaisé et surtout bien plus glacial. Ici le défunt trouve enfin la paix et se prépare pour l’ultime repos, et après bien des péripéties va pouvoir s’effacer tranquillement tant ici la rythmique reste posée et bridée sans pour autant en être ennuyeuse ou répétitive, vu qu’au contraire c’est hypnotique et l’on se surprend à se situer à cheval entre les pyramides, les dunes sans fin et les caravaniers. Si évidemment ce ressenti n’a rien à voir avec le reste il s’y mêle avec brio et clôt ainsi un disque qui en termine de bien meilleure manière qu’il n’avait débuté.
Si évidemment l’on regrettera que CORPUS DIAVOLIS ait toujours musicalement le cul entre deux chaises - entre complexité et simplicité, et que le rendu sonne chaotique sur certains passages, pour le reste on saluera la prise de risques et l’originalité malgré la récurrence des erreurs déjà entendues sur ses précédentes livraisons. Comme d’habitude cette galette demandera du temps et de la patience pour être totalement assimilée... mais sans doute encore plus fortement qu’auparavant, preuve de sa richesse et de son côté tentaculaire... aussi bien dans les paroles que dans l’exécution globale, même si ça reste trop juste pour se démarquer de la masse concurrentielle nationale comme internationale. Si tout cela ne changera rien au statut de ses auteurs qui sont bien calés dans l’underground le plus obscur du pays (et il y’a peu de chances que cela évolue à l’avenir), néanmoins on ne saurait que conseiller de se laisser cependant plonger et embarquer dans leur univers ténébreux, qui collera très bien aux visions infernales et démoniaques peintes en leur temps par Peter Brueghel l’ancien, Jérôme Bosch voire même Rubens... que du bon en somme, prouvant que l’enfer n’est pas un mauvais endroit où être.
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