Entité reconnue du Black Metal Américain mais pourtant relativement isolée géographiquement de ses compatriotes (La scène Cascadian – Wolves In The Throne Room, Ash Borer -, l'Illinois – Leviathan, Nachtmystium, Twilight... - ou encore la scène de Brooklyn – Krallice, Liturgy... - : ce qui évite à la formation d'être finalement affiliée à un quelconque courant et ce n'est pas plus mal à mon humble avis), Nightbringer continue son petit bonhomme de chemin en livrant cette année son quatrième album. Une pièce attendue au tournant pour ma part : il manquait encore un album exceptionnel livrant enfin au monde le potentiel du trio et j'attendais « Ego Dominus Tuus » comme ce libérateur, le coup de grâce offrant aux habitants du Colorado leur place sur le trône du Black outre-atlantique. Comme à leur habitude, on se retrouve avec un album-pavé terriblement gargantuesque. Quiconque connaît déjà un peu Nightbringer a l'habitude de leur musique, pas fondamentalement accessible mais surtout nécessitant un certain temps d'adaptation pour prendre l'auditeur, temps qui se fait cependant plus court si vous n'en n'êtes plus à vos débuts avec le combo. Et comme on ne change pas une recette qui marche, « Ego Dominus Tuus » persiste et signe avec cette durée qui peut sembler colossale (une heure et onze minutes quand même) pour un album du genre.
Il faudra encore une fois faire preuve de patience pour pénétrer ces dix titres fourmillants et foisonnants de couches de guitares empilées avec le savoir-faire Nightbringerien maintenant reconnu au premier coup d’œil par leurs auditeurs les plus chevronnés. Et on rentre directement dans le vif du sujet avec – après une courte introduction à base de cris – deux titres fleuves en la personne de « Et Nox Illuminatio Mea In Deliciis Meis » et « Lantern of Eden's Night » dégobillant leurs riffs nocturnes, mélodiques, hachés et diablement étranges. Ce sont ces derniers qui différencient le groupe des autres et personnellement, je trouve qu'on pourrait les rapprocher d'une version nocturne, occulte, ritualiste et nettement moins spatiale de Krallice. Si ces derniers enquillent les notes parce que dans l'espace c'est le bordel, Nightbringer les enquillent parce que Satan leur dicte. Deux manières différentes de manier les riffs, en quelque sorte. En résulte donc un vaste puzzle guitaristique incompréhensible pour le profane, le groupuscule conserve pour notre plus grand plaisir sa volonté d'opacité révélant par la suite une véritable puissance de feu ne demandant qu'à ne pas être contenue.
Et à ce petit jeu on doit dire que « Ego Dominus Tuus » pulvérise le score bien plus vite que leurs précédentes livraisons puisque dès la seconde écoute on commence à se laisser aspirer par le vortex.
D'ailleurs et c'est assez étonnant, le dernier titre « The Otherness Of Being » est celui qui revient le plus vite au cerveau. Un final d'album assez incroyable dans le genre titre à tiroir faisant passer un « Waters Of Ain » pourtant pas déméritant pour une version d'école primaire du Black Metal. Sacré morceau qui nous fait l'impression d'un cilice appliqué avec soin sur notre petit corps de pêcheur repenti, parce que les truites ont le droit de vivre selon le grand Satan, voyez-vous... On retrouve le collectif dans ce disque comme on retrouve finalement une vieille bande de potes. « Ah oui, Machin, quand il nous sortait ses percus martiales, ses orgues et ses riffs tordus (« I Am The Gateway ») ». Et pour cause, tout ce qui nous a séduit chez Nightbringer est ici appliqué avec la même science comme pour nous proposer un nouveau voyage dans cette Terre que nous avions déjà bien usée auparavant. Presque un retour vers le futur.
Comme d'habitude, l'âme de la musique exerce avec soin sur nous ce sentiment de fascination/répulsion si particulier que seuls ceux ayant passés l'épreuve auparavant connaissent. Une dégringolade labyrinthique vers le noir abyssal des nuits sablonneuses qui revient de manière cyclique avec cette classe toujours aussi innée. Toujours, on se rappelle comme au premier jour ce goût de gravier qui nous restait en bouche. Pas de doutes possibles, on est bien sur un Nightbringer. Mais la véritable question n'est pas là : le combo va-t-il enfin plus loin ? Se transcende-t-il encore plus cette fois-ci ? Hé bien, la réponse serait : oui et non. « Ego Dominus Tuus » est un album qui agit par vagues. On sent quelques creux comme sur un « Things Which Are Naught » qui passe un peu à la trappe même si il reste un titre de qualité et quelques points culminants comme l'énorme dernier titre ou encore un enchaînement « Call Of The Exile » / « Where Fire Never Dreamt Of Man » avec une ambiance si parfaite qu'elle ferait partir un Néo-Nazi en pèlerinage à la Mecque, tellement elle reflète bien l'intitulé des deux titres. De là à dire que la continuité du disque s'en retrouve entaché, ce serait abuser un tantinet puisque les creux, même s'ils cassent un peu le rythme, forment quelques pauses permettant au final de souffler un peu.
La production, assez similaire à celle de
« Hierophany Of The Open Grave » est encore une fois un modèle d'exemplarité, dosant avec justesse l'organique et le synthétique en se permettant quelques fantaisies (le piano qui apparaît quelques instants est mixé avec une petite mise en avant ce qui assure qu'on le repère au premier abord). Je mettrais juste un bémol sur la batterie dont les cymbales auraient pu être mieux abordées dans leur sonorité et dont la grosse caisse me semble un poil trop présente. Mais rien de bien méchant, en fin de compte puisque finalement la substantifique moelle de ce disque se trouve dans son ambiance générale et pas dans une quelconque considération technique. Et à ce niveau, la production rend largement justice aux sentiments proposés dans les compositions.
Nightbringer se renouvelle un tantinet avec ce « Ego Dominus Tuus » un peu plus mélodique et accessible malgré le fait que l'aspect alambiqué présent dans chacune des sorties de la formation soit conservé. Tout de même, on sent une volonté d'aller dans les ambiances avec une évidence plus marquée et avec l'apport de quelques nappes de claviers et de synthétiseurs distillés en fond. Un parti pris plutôt intelligent qui permet à l'auditeur d'éviter de se noyer dans la longueur parfois dantesque des titres et d'y trouver une émotion palpable au premier abord, avant de s'enfoncer de plus en plus au fil des écoutes. Sans être putassier ou volontairement axé vers un adoucissement pour plus de facilité, « Ego Dominus Tuus » précise le propos d'un groupe toujours fidèle à ses premiers amours torturés en rendant l’œuvre plus homogène, mieux ficelée et nettement plus percutante émotionnellement parlant. Un disque qui se hissera sûrement dans le panthéon annuel des amateurs de Black Metal. Si nous ne sommes malheureusement pas encore dans l'exceptionnel, nous sommes cependant dans le dur avec un Nightbringer offrant une sortie confortant largement son statut de fer de lance du genre.
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