Nightbringer - Terra Damnata
Chronique
Nightbringer Terra Damnata
Cinquième album déjà pour les américains de Nightbringer, Terra Damnata devait les placer plus haut dans le classement des groupes trop méconnus, dont le BM ambiancé et technique passe bien trop fréquemment hors des radars en dépit de son évidente qualité. L’impression est pourtant en demi-teinte.
Les premières notes de As Wolves Amongst Ruins renvoient, par instants, subrepticement, à Deathspell Omega, notamment sur les accents dissonants et la volonté de proposer une structure très évolutive, un brin chaotique mais toujours très axée prog’. Mais on note déjà que le côté occulte du groupe, celui qui infectait Death And The Black Work, son premier méfait, traîne un peu la patte. Les quelques notes au pinao qui parsèment le titre ne donnent pas le change, ne créent pas l’illusion. Dommage. Car si la tension qui caractérise le groupe constitue toujours le fil rouge de ses morceaux (Misrule et son départ déchainé), elle est aussi redondante et, à force, en devient inoffensive. La faute, peut-être, à une voix devenue passe-partout et à un son plus net, moins sale, moins occulte. Dommage là encore car les arrangements sont nombreux et souvent pertinents (les lead entêtants sur Misrule, en fil conducteur du titre ; l’ouverture au pinao sur Let Silence Be His Sacred Name ; toujours les lead en pont central sur Let Silence Be His Sacred Name). L’impression globale reste toutefois tenace : l’efficacité prime sur l’ambiance, ce que l’on pourra regretter pour un groupe qui, précisément, a dès le départ presque tout misé sur cet aspect. Les ralentissements sont presque inexistants (sauf sur Inheritor of a Dying World, qui prend le temps de se poser pour exprimer son propos et dont les accélérations, à deux minutes du terme, prennent tout leur sens, tout leur relief).
Il convient de ne pas se tromper. Terra Damnata demeure d’un niveau tout à fait respectable. Mais le manque d’atmosphères livre un bloc plus ou moins compact qui, à mon sens, pourrait déranger l’amateur du groupe. Midnight’s Crown et Of the Key and Crossed Bones tentent d’inverser la tendance mais là encore, si l’ouverture des morceaux renvoie aux classiques du groupe, notamment cette voix incantatoire, cette dynamique est brisée assez rapidement par la recherche de vitesse, d’efficacité encore une fois, qui tombe un peu comme une mouche dans la bière (Let Silence Be His Sacred Name par exemple où le départ au piano, fragile, est totalement détruit par l’intervention de grattes hallucinées/déstructurées qui déboulent de nulle part). Le côté chaotique des titres accentue encore, par ailleurs, cette folie destructrice qui laisse peu de moments de respiration.
Mais, à mon sens, le problème essentiel tient dans le caractère assez interchangeable des titres, la faute précisément aux manques précédemment évoqués. DSO, pour n’en revenir qu’à eux, parvient à développer ces deux aspects – atmosphères de mort et vitesse destructrice – d’une manière parfaitement équilibrée. Tel n’est pas, clairement, le cas ici.
C’est d’autant plus regrettable que les habitués du groupe avaient loué l’aspect occulte, sale, souterrain du combo ricain lors de ses premiers méfaits sonores. Le groupe avait trouvé sa patte, un son aussi, beaucoup trop propre ici… comme une recherche de performance à tout prix mais hors de son authenticité. Il est étonnant de noter que ce sont quasiment les trois derniers titres, ceux qui, précisément, prennent le temps de ralentir, de peser sur l’auditeur, d’alourdir la structure en amorçant une décrue des éléments surchargeant la musique, qui tapent le plus au but. Inheritor of a Dying World comme, surtout, le très beau The Lamp of Inverse Light restaurent un paysage de désolation, de pleine lune qui sied bien mieux au groupe que du tabassage en règle non stop.
L’amateur, notamment celui qui découvre le groupe, trouvera naturellement son compte sur Terra Damnata. L’album reste de belle qualité. Mais le fan, celui qui, comme moi, attendait une évolution, un album marquant, restera sur sa faim. Dommage.
| Raziel 31 Mars 2018 - 2255 lectures |
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